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Lettre d'information du réseau culture

Edito

. (26/09/2014)

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Les politiques culturelles des départements : inventaire avant fermeture ?

L'affaire est complexe et le débat s'étire comme un véritable serpent de mer. En janvier 2008 la commission « Libération de la croissance », présidée par Jacques Attali, proposait de façon formelle la suppression des départements. L'argument principal était alors que l'organisation territoriale de la République était coûteuse et qu'il fallait couper un échelon. L'audace de l'époque fut de proposer la suppression de cette collectivité territoriale créée en 1790 et profondément ancrée dans la vie quotidienne des français.

Sept ans après le débat ne s'est donc pas arrêté. Les dernières propositions énoncées par le Premier Ministre Manuel Valls lors de son discours de politique générale du 16 septembre dernier montrent bien les difficultés à couper avec les départements.
La proposition que nous fait le Premier Ministre est donc une négociation de « l'audace d'Attali » et un compromis questionnant et qui ne simplifie pas l'organisation territoriale.

D'abord il faut raisonner en termes de Conseil Général, plutôt de Conseil Départemental depuis la loi du 17 mai 2013, et non en termes de département. Le département comme espace de l'organisation de l'Etat continuera, lui, à exister. Les Conseils Départementaux dont les membres seront élus en mars 2015 au scrutin binominal (une femme, un homme) à deux tours, seront appelés à disparaître en 2020/2021. Pour être plus exact, selon la formule d'André Vallini, ils seront « dévitalisés » et leurs compétences seront transférées aux Régions et aux Intercommunalités.
Manuel Valls propose trois alternatives pour ce qui concerne l'avenir des Conseils Départementaux avec un critère principal qui serait le « niveau de force et d'intégration des intercommunalités ».

La première concernerait les départements dotés d'une métropole. Il y aurait sur ces territoires fusion du département avec le territoire métropolitain. Cette proposition s'inspire du modèle lyonnais et serait adaptée au cas par cas.
La deuxième alternative s'appliquerait aux départements dotés d'intercommunalités « fortes ». Les compétences du département seraient transférées à une fédération d'intercommunalités.
La troisième proposition concernerait les autres départements, ceux qui n'ont pas cette « masse critique » de l'intercommunalité pour assurer les compétences des départements. Les Conseils Départementaux existeraient avec « des compétences simplifiées ».

Tout ceci ne nous dit rien sur l'avenir des compétences des Conseils Départementaux en matière de culture mais nous donne quelques pistes indicatives.


Pointée par le président de Culture et Départements à Avignon cet été, la disparition des Conseils Départementaux risque de provoquer une répartition « à la découpe » des compétences entre les intercommunalités, les fédérations d'intercommunalités et les Régions.

Ce partage des compétences culture risquerait de provoquer un renforcement du cloisonnement des politiques culturelles des collectivités territoriales sur elles-mêmes et entre elles.

En effet, ce qui marque les politiques culturelles des Conseils Départementaux ces dernières années du fait d'une stagnation voire d'une baisse de leur budget culture, ce sont les tentatives de décloisonner leurs politiques et de les sortir de l'ornière artistico-culturelle.
Marqués par des compétences « obligatoires » fortes, les archives, l'archéologie préventive, les bibliothèques départementales de prêt, les schémas départementaux des enseignements artistiques, mais aussi par une multitude d'initiatives en matière de patrimoine, de spectacle vivant, d'éducation artistique et culturelle (dans les collèges), etc. les Conseils Départementaux ont initié des dynamiques territoriales originales et des dispositifs transversaux qui croisent en particulier le social et la culture.

La proposition de Mr Valls renverse la donne de ces dynamiques et de ces initiatives et met en exergue l'intercommunalité, qu'elle soit métropolitaine ou fédérée. Elle pose de nouvelles questions pour ce qui est des territoires ruraux avec leurs Conseils Départementaux aux compétences simplifiées. Après les compétences obligatoires ou partagées, quel est le sens des compétences simplifiées pour la culture ? Comment évaluer le niveau de force et d'intégration en terme de culture des intercommunalités ? Va-t-on vers une intercommunalisation complète de la culture ?

Si ce « transfert » de compétences entre les Conseils Départementaux et les intercommunalités et Régions s'accélère, il ne s'agira pas seulement de « transférer » les ressources culturelles, financières et humaines (il faudra d'ailleurs être vigilant pour qu'il n'y ait pas de perte en route) mais aussi des savoirs faire et des savoirs être qu'ont su développer les Conseils Départementaux depuis 30 ans. L'enjeu est important, il ne s'agit pas de préserver ces acquis, mais de les inscrire dans de nouvelles dynamiques territoriales sans perdre ce lien, cette solidarité, cette proximité qu'ont su tenir les Conseils Départementaux, en particulier dans les territoires ruraux. Les associations professionnelles et d'élus des départements y travaillent.

Lettre d'information du réseau culture
Extrait de Lettre d'information du réseau culture - N° 423 (29/09/2014)
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