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Edito

Un nouveau souffle qui vient réveiller le projet culturel d'une collectivité . (01/12/2008)

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Le même jour, ce samedi 29 novembre, se tenaient la dernière rencontre publique des Assises de la culture à Toulouse, ainsi queles Etats généraux de la culture à Quimper.

Un certain nombre d'élus locaux estiment nécessaires, en début de mandature, d'échanger avec les acteurs culturels, pour ensuite eux-mêmes construire leurs politiques, « ce qui ne veut pas dire qu'on soit sans idées », note Bernard Poignant, le Maire de Quimper. C'est d'ailleurs prendre un risque, ajoute-t-il, car c'est forcément soulever des attentes, révéler des besoins, souhaiter des budgets », sans pouvoir tout satisfaire immédiatement.


A Toulouse, cette matinée de travail était le résultat d'un long processus. Il y eût d'abord les Assises des 6 et 7 juin dernier, puis la tenue d'une dizaine d'ateliers thématiques intitulés « les Lundis de la culture » (objet de forums de discussion sur internet), la tenue de six réunions de quartier, et enfin l'écriture du projet culturel de la ville par les commissions.Une première version, présentée le 29 novembre par le Maire Pierre Cohen et son adjointe Nicole Belloubet, va être publié sur le site des Assises, avant une version définitive d'ici un mois. Il y a en tout cas la volonté que la culture soit « plus solidaire, créative,équilibrée et participative ». Lire à ce sujet :
Ne pas se contenter de quelques vitrines publié sur « 20minutes.fr » le 28 novembre.
Pierre Cohen s'engage pour la Culture un article d'Anne-Marie Chouchan sur "la depeche.fr"

Observateur extérieur, Jean-Gabriel Carasso souligne sur son blog trois points qui l'ont marqué :
- d'abord l'authenticité de l'engagement de chacun. Grosse participation aux débats, prises de paroles sérieuses, pas trop corporatistes, quelques empoignades très limitées et finalement une attitude très constructive.
- ensuite, l'importance accordée au temps : temps de la réflexion - six mois d'assises - mais aussi inscription du projet dans la durée (on travaille pour les années qui suivent, pour la jeunesse, pour les artistes en devenir.)
- enfin, la mise en avant de la notion de diversité - diversement interprétée - qui a vu se croiser dans les réflexions à la fois des professionnels de la culture, mais aussi des universitaires, des travailleurs sociaux, des éducateurs, des responsables économiques... De tout cela il sortira un projet culturel "pour" la ville, un cadre de référence commune, mais également une très forte envie exprimée de poursuivre la réflexion sur le sens-même de tout ce travail.

A Quimper, les Etats généraux se sont articulés autour de quatre ateliers : Quelle politique culturelle pour le livre et l'écrit ? Pourquoi des pôles culturels dans les villes ? Comment construire une véritable démocratie culturelle ? Quelle politique d'éducation artistique et d'accompagnement aux pratiques amateurs ? et d'une table ronde : « la culture en questions à Quimper » avec les interventions deJean-Michel Lucas, Patrick Bazin, Ricardo Basualdo et Jean-Claude Pompougnac.

Là aussi, on peut se rendre compte du travail préparatoire en parcourant le forum de discussionsur le site de la Ville, en regardant les contributions vidéo de Reunig Kozh, mais aussi :
de Gilbert Gramoullé, adjoint chargé des affaires culturelles et d'Armelle Huruguen, adjointe chargée de la jeunesse et de la cohésion sociale et urbaine
des Verts Pascal Petit (signalé) et Daniel Le Bigot, maire-adjoint chargé de l'urbanisme et du cadre de vie qui a animé l'atelier 2 (pôles culturels)

Le Maire Bernard Poignant, dans son intervention finale, a insisté sur trois points qu'il estimait peu abordés lors de ces Etats généraux :
- l'accès à la connaissance, aux savoirs, à la culture, pas simplement par nos institutions et nos associations, mais par l'internet. On ne peut pas aujourd'hui réfléchir à la culture sans internet. Car on n'est plus obligé de sortir, on peut se cultiver chez soi, avoir accès à tous les savoirs du monde.
- le rôle premier de l'éducation (les enseignants sont quand même les premiers éveilleurs ), le rôle des langues dans le monde de demain, et de la culture scientifique et technique ;
- les media et la télévision, l'image qui est une puissance colossale, maintenant multiple et démultipliée.

Il a ensuite précisé ce qu'il entendait par la notion de culture : « Nous autres élus, nous devons aider et encourager tous ceux qui aident à la pensée critique de nos concitoyens ; armer nos concitoyens de pensée critique, par le théâtre, le cinéma, etc. Sans oublier l'aspect esthétique, voire les aspects polémiques ».

A partir des débats qu'il a suivi personnellement, il a repris a les principes pouvant guider son équipe municipale:
- la liberté : La culture a besoin d'équipements, de moyens... mais surtout de liberté (liberté de l'artiste), ce qui veut dire qu'il ne peut y avoir de culture « officielle » (les dictateurs remplissent les stades, ferment les bibliothèques et brûlent les livres ).

- l'ouverture : il ne faut d'enfermement nulle part (pas dans nos institutions, mais pas-même dans les associations, car on peut s'enfermer dans une association autant que dans une institution...). Pas d'enfermement dans son identité (s'enfermer dans une seule identité, c'est prendre le risque d'être intolérant aux autres identités). Pas d'enfermement dans son activité, y compris dans sa seule commune.

- l'émancipation : j'ai besoin qu'on m'aide à comprendre, il faut donner des « clés de compréhension » ;

- l'élargissement des publics : lorsqu'il y a des fonds publics, la question du public se pose. Cela ne doit pas être une obsession, on peut avoir programmé un spectacle ou un film qui ne marche pas. Et une politique culturelle, ce n'est pas de l'audimat. En même temps il faut comprendre que l'argent public, c'est toujours l'argent des autres plus que son argent à soi : quand une association demande une subvention pour son activité, c'est qu'elle la demande aux autres contribuables, c'est une logique solidaire. Et du coup les élus qui prennent les décisions sont obligés de s'interroger. Donc nous disons toujours qu'il faut aller « au-devant » des publics. Y compris notamment devant des publics qui sont extrêmement éloignés de telle ou telle activité culturelle.

- la diversité culturelle (Charte de l'Unesco). Diversités au pluriel : nous sommes ici ancrés dans la culture bretonne, mais nous avons des familles turques, marocaines, portugaises... ces cultures-là sont les bienvenues.

- Le centre et la périphérie : Toute maison de quartier (il y en a quatre) a vocation à devenir le centre de la ville : ce n'est pas parce qu'elle est géographiquement dans un quartier qu'outre ses activités de proximité elle ne peut pas avoir telle ou telle initiative en terme d'évènement culturel, qui va imprégner la ville ou même l'envahir ! Les « pôles culturels », les lieux forts que l'on a repéré, ne sont pas exclusifs de la vitalité de la ville

- la promotion du livre et de l'écriture : quand on maîtrise dans la vie le langage oral et écrit, on est mieux armé (dans le rapport au travail, dans le rapport à l'autre, y compris dans la revendication sociale quand il y en a besoin)

- les équipements (pôles culturels), les subventions, le partenariat privé qu'il faut savoir solliciter...

En conclusion, le Maire de Quimper n'a pas caché que la culture coûtait cher, et qu'il était vrai qu'on n'était pas dans une période faste en matière d'argent public puisque l'Etat diminuait ses concours financiers (en raison de ses problèmes de finances publiques), que la croissance était faible (les ressources fiscales rentrent moins bien), et qu'on ne pouvait trop tirer sur l'impôt...

Cependant dans ces périodes de crise, a-t-il conclu, « je crois à l'activité culturelle pour éviter la déprime généralisée, il faut que l'activité innovatrice, imaginative et créative puisse continuer ».

On ne peut que se féliciter de l'exercice effectué de façon volontariste par ces deux Maires et leurs adjoints délégués, consistant à tenir de telles Assises de la culture. C'est en effet un exercice compliqué, mais qui est sain en terme de démocratie locale, et tout particulièrement dans notre secteur où chacun se dispute souvent une définition qui lui est propre de l'art, de la culture et du territoire.

François Deschamps

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Extrait de Lettre d'information du réseau culture - N° 185 (01/12/2008)
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