consultation Handicaps et ville

Accessibilité en ville : guide des équipements publics

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VI • Les systèmes de communication et d’information

Fiche de cas n° 1 Prise en compte de l’ergonomie pour la conception d’un nouveau système d’information des voyageurs dans le métro

 

Le SYTRAL, autorité organisatrice du réseau de transports en commun lyonnais, a décidé en 2006 de se doter d’un système d’information des voyageurs pour son métro, qu’il a appelé « Projet IDV métro ». Le futur système doit se caractériser par trois points essentiels :

- être un système d’informations dynamiques ;

- être en principe implanté sur les quais des stations, mais le fait d’avoir des informations dynamiques liées aux perturbations montre qu’on pourrait l’utiliser aussi dans les couloirs de correspondances, dans les parcs relais, à l’entrée des stations et peut-être sur les lames informatives situées dans les stations ;

- diffuser aux voyageurs trois types d’informations : l’heure, les temps d’attente et les perturbations.

 

Il convenait, comme pour tous les projets innovants de la maîtrise d’ouvrage du SYTRAL, de réaliser les études de faisabilité avant de retenir des choix définitifs puis de choisir une maîtrise d’œuvre et enfin de passer les marchés de réalisation. Ce genre de projet et ses études se déroulent en général sur 3 à 4 années.

 

Les nouvelles contraintes liées à la loi Handicap de 2005 prescrivent qu’il faut que les moyens de transport et l’information les concernant puissent être accessibles et utilisables par toutes les personnes handicapées. Le SYTRAL a décidé d’adjoindre à sa maîtrise d’ouvrage un cabinet de conseils en ergonomie, spécialisé sur les questions du transport public et du handicap. La nouvelle loi dispose en effet qu’il faut favoriser l’égalité des chances des citoyens handicapés pour qu’ils puissent « emprunter les moyens de transport et avoir l’information nécessaire » pour se déplacer, quels que soient leurs handicaps. Ainsi, il devenait intéressant pour le SYTRAL de collaborer avec un ergonome qui connaisse les activités de déplacement dans le transport public, les capacités humaines, physiologiques et cognitives, pour percevoir et prélever l’information nécessaire aux différentes populations empruntant ses réseaux.

 

En parallèle à cette loi, l’idée « d’une conception pour tous » est de plus en plus privilégiée. Ce n’est pas un principe très récent ; il implique que l’information ainsi que les moyens de transport soient utilisables par tous. Il faut donc que cette dernière soit facilement compréhensible par tous, pour être utilisée par tous et être « opérationnelle » pour tous.

 

Avant même d’essayer d’établir le cahier des charges ergonomiques pour le système IDV, l’ergonome du projet a essayé de montrer que les attentes pour ce projet ne sont pas toujours les mêmes selon que l’on considère le point de vue des différents acteurs :

- le maître d’ouvrage qui demande des recommandations ergonomiques pour satisfaire les différents besoins d’usagers mais dont les impératifs économiques sont certains ;

- l’exploitant qui a cerné l’évolution de son besoin en fonction de ses exigences actuelles ;

- l’État, qui a impulsé la réglementation relative à l’accessibilité aux personnes handicapées en 2005 ;

- les usagers du transport public, qui peuvent avoir des attentes très diversifiées mais cependant souhaitent tous être informés pour mieux voyager.

 

1. L’étude de faisabilité ergonomique

 

L’étude de faisabilité ergonomique a tout d’abord établi la liste des besoins pour les différentes catégories de personnes handicapées. En parallèle, elle a fait état des technologies nouvelles pouvant y répondre en essayant d’apporter les connaissances actuelles sur les capacités de traitement de ces informations par des personnes handicapées, notamment celles ayant des déficiences sensorielles. Nous avons utilisé des études réalisées pour le CERTU avant la mise en place de la loi Handicap 2005 pour rédiger nos propositions.

L’étude ergonomique a également insisté sur le fait que, bien que la mise en accessibilité des réseaux puisse être totale seulement pour 2015, il était judicieux de devancer la date butoir tant pour l’accessibilité physique aux véhicules que pour celle de l’information aux voyageurs. L’idée était qu’il fallait « profiter » de ce projet de système d’information voyageurs, à l’origine non prévu avec ces aspects car initié avant l’annonce de la loi 2005, afin d’intégrer au mieux les exigences d’accessibilité, pour être une vitrine mais également pour réaliser un gain économique.

 

2. Le cahier des charges ergonomiques

 

Le cahier des charges ergonomiques a permis de préciser les besoins des diverses catégories d’usagers du transport public, mais en amont, nous avons analysé les possibles scénarios de « préparation du voyage » et « de réalisation des déplacements » donc d’usage pour les personnes handicapées.

 

a) Les critères de conception

 

Plus spécifiquement, nos recommandations au sein du groupe projet ont porté sur :

- la taille et le choix des caissons afficheurs, panneaux de direction « quais » et les couloirs de correspondance ;

- le rappel sur les contraintes liées à la hauteur des stations et les angles de lecture confortables pour les personnes (cf. figure « Hauteurs et angles de vision ») ;

- le choix des polices et de la taille des caractères, tant pour les panneaux statiques que dynamiques. Un compromis sur les différents « lecteurs » potentiels a été trouvé entre les voyants et les malvoyants sur le critère de la distance de lecture du panneau affiché : 20 m pour un voyageur à la vision standard, 10 ou 5 ou 2 m selon le niveau de malvoyance ;

- le choix des couleurs, les contrastes, l’éclairage dans la zone d’affichage et le champ de lecture ;

- la composition de « l’image » des caissons « afficheurs » et de leurs différents éléments ;

- le sens et la compréhension des affichages et le contenu des informations pour différents types de publics ;

- la composition des messages : lexique, syntaxe et pragmatique.

 

Hauteurs et angles de vision


 

Des préconisations ergonomiques particulières pour la lisibilité des informations par des personnes à handicaps auditifs et visuels ont été ajoutées concernant le nombre de mots par ligne, l’espacement entre caractères et avec les bords de l’afficheur ; paramètres qui influent sur les dimensions de l’afficheur dynamique, eu égard à la grosseur des caractères « perceptible par tous ». Il a donc été retenu que l’on n’afficherait pas plus de 2 lignes de message à la fois. Dans le cas d’une perturbation annoncée, le principe de l’affichage de 2 écrans en alternance (voire 3 si dans un futur proche on est en mesure de fournir l’information d’un itinéraire de substitution à la perturbation) a été choisi, ce qui est primordial pour garantir une bonne lisibilité.

 

Enfin, un temps d’affichage du message a été retenu pour permettre à tous les types de lecteurs (notamment les enfants, les personnes âgées, les personnes dont la vue diminue et celles à handicaps cognitifs légers) de bien prélever l’information.

 

b) Le choix d’un dispositif interactif

 

La pertinence des informations diffusées selon les deux modes à envisager – par annonce sonore et par annonce visuelle – sera considérée dès ce projet et mise en place pour satisfaire l’ensemble des déficients sensoriels. L’ergonome a apporté ici sa contribution grâce à son implication dans des projets innovants en cours : l’idée soumise était d’engager une étude qui aboutirait à l’usage possible de messages audio pour compenser le handicap des personnes aveugles et malvoyantes. L’objectif était en effet de donner à ces personnes la même information que celle qui peut être lue sur les afficheurs.

Le moyen retenu et testé par la suite (projet SIGI) est une téléphonie pour déficients visuels, par téléchargement d’un logiciel spécifique sur le téléphone portable des personnes handicapées, afin qu’elles puissent « entendre les informations diffusées sur les afficheurs ». La condition nécessaire est que les portables des usagers disposent d’un Bluetooth, ce qu’a la majorité des téléphones portables du marché. SYTRAL se charge de son côté d’équiper son réseau pour que cette fonction puisse être activée et ainsi permettre l’accessibilité de ce service aux personnes à handicaps sensoriels. Cette fonction devrait pouvoir être accessible au démarrage du système d’information des voyageurs IDV.

Le dispositif sur téléphone portable pour les déficients visuels a été introduit dans le projet en variante technique dès la consultation des entreprises afin de pouvoir répondre aux exigences de la loi 2005. Cependant, il est vrai qu’au regard des difficultés de mise au point, cette variante techniquement innovante sera peut-être déployée en décalage de 6 mois par rapport à l’implantation des afficheurs en stations. Le SYTRAL a donc fait le choix d’augmenter le budget de son opération pour être dans le cadre de la loi dès ce projet.

 

3. Le suivi de la mise en œuvre

 

Tout au long de ce programme, l’ergonome ne s’est pas contenté de rédiger un cahier des charges mais il a participé aux différentes phases du projet et à différentes missions au sein de l’équipe du projet IDV métro :

- choix des solutions techniques pour valider leur compatibilité ergonomique : notamment, nous avons montré les différents intérêts et inconvénients pour la lisibilité des nombreuses variétés de LED multicolores nouvellement disponibles sur nos marchés occidentaux ;

- tests de certains « produits nouveaux ou innovants » des industriels que nous avons conseillé d’utiliser pour ce projet afin de vérifier qu’ils répondaient aux critères ergonomiques retenus, et ce en amont du choix à effectuer ;

- maquettage des futurs caissons afficheurs d’informations pour les voyageurs en proposant différents principes ergonomiques à conserver en permanence pour favoriser la lecture et la compréhension par une majorité de voyageurs. Sur ces aspects, il est intéressant de retenir que la combinaison des critères n’est pas toujours aisée à obtenir. En effet, SYTRAL, pour des raisons économiques bien compréhensibles, a retenu le choix d’un caisson « en deux parties », l’une statique où sont inscrites les informations « permanentes » (ligne, direction du terminus) et l’autre dynamique, où sont inscrites les informations relatives à l’heure, au délai de passage des deux prochains métros et aux informations de perturbations éventuelles. Il n’a pas été aisé de trouver une solution de réglage des luminances pour l’éclairage de ces deux panneaux mitoyens ;

- tests chez les constructeurs avec un échantillon de personnes de différents types de malvoyance, afin d’optimiser les polices de caractères, leur taille et les niveaux d’éclairement ;

- la réalisation des interfaces homme-machine, afin que les régulateurs de la salle de contrôle puissent spécifier les messages particuliers ou non standard au cas où certains incidents ne seraient pas couverts par le fonctionnel des logiciels informatiques ;

- test du système SIGI (téléphonie pour déficients visuels) avec cinq personnes représentatives des populations à handicaps visuels ;

- recommandations pour les éclairages en station et les niveaux d’éclairement des panneaux.

 

Considérant que les compromis concernant la lecture pour voyants et non-voyants sont souvent difficiles et parfois impossibles, il a donc fallu faire des choix qui ne satisferont pas la totalité des lecteurs de cette information. En outre, nous avons privilégié le critère « majorité de lecteurs possibles » du fait que ceux qui ne peuvent tout de même pas lire pourraient recourir au système interactif qui sera mis à disposition.

 

Conclusion

 

Cette mission d’ergonomie a été profitable pour l’intégration des recommandations nécessaires à l’accessibilité des personnes handicapées. Tout au long du projet, les techniciens du SYTRAL ont montré une forte sensibilisation à la problématique des déficients sensoriels et leur volonté réelle de faire aboutir les solutions proposées.

 

Nous avons aussi appris au cours de ce projet que le principe de « Conception pour tous » est un concept qu’il faut essayer d’atteindre mais qu’il n’est pas toujours atteignable ! En fait, les constats sont de plus en plus nombreux auprès des spécialistes aménageant cette « accessibilité pour tous ». Certains impératifs des différentes populations concernées sont en effet parfois contradictoires, voire incompatibles. Par exemple, dans notre cas, c’étaient certains réglages d’éclairage mais d’autres points sont également référencés : angles de vision sur des afficheurs selon que l’on est debout ou assis sur fauteuil roulant ou de petite taille ; marquages au sol pour le guidage de personnes aveugles gênant les personnes avec bagages à roulettes…

 

Enfin, nous espérons que les recommandations ergonomiques seront totalement intégrées mais nous savons bien que le travail à plusieurs partenaires est enrichissant mais ne conduit pas toujours aux solutions que chacun individuellement aurait voulu voir appliquer.

Nous savons en effet que la coconception nécessite des compromis et qu’il est parfois difficile d’en fixer les priorités. Par exemple, entre choisir une police de caractères recommandée pour une population à déficiences visuelles et celle déjà mise en place par le SYTRAL et l’exploitant avec des visées de communication, il n’est pas toujours aisé de trouver un compromis. Favoriser l’accessibilité pour tous sur un schéma déjà mis en place (charte graphique existante) ne peut se faire en un jour !

 

De fait, l’on ne peut, pour un gain léger constaté, modifier l’ensemble d’un réseau car les contraintes financières ou de déploiement ou même encore de priorité d’investissement sont aussi à considérer, même en vue des populations de différents types de handicaps.

 

Un dernier point à souligner est sans doute la nécessaire prise en compte du coût d’investissement pour les autorités organisatrices afin d’effectuer la mise en place de cette loi Handicap. L’échéance 2015 sera peut-être difficile pour certaines mais c’est un objectif à atteindre sachant que sur ce point, d’autres pays européens auront été très en avance sur nous (par exemple l’Espagne en 1992 !).

 

Références
Études réalisées par Ergonomos pour le Certu en 2004 et 2005 :
- « Accessibilité de l’information aux déficients sensoriels dans les transports collectifs urbains, Synthèse état de l’art » ;
- « Synthèse des visites de villes en France et à l’étranger sur les systèmes innovants » ;
- « Synthèse et prospective ».
Téléchargeables sur : http://www.certu.fr , Étude sur l’accessibilité de l’information aux usagers ­déficients sensoriels.


 

Contacts
-
Marie-France Dessaigne, Cabinet Ergonomos, 12 av. des Bruyères, 69270, Fontaines-sur-Saône,
tél. : 04 78 08 75 46
- Pierre Geneste, Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération lyonnaise,
Tél. : 04 72 84 58 00


 

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