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Guide des usages, du protocole et des relations publiques > Partie 8 Honneurs et hommages publics

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I • Honneurs civils

Fiche pratique n° 5  Le protocole face au deuil : le cas des hommages aux victimes des attentats du 13 novembre 2015 de Paris  

 

A - Contexte

 

La ville de Paris a été marquée tout au long de l’année 2015 par des événements dramatiques que furent les attaques terroristes perpétrées dans la capitale.

7 janvier 2015 : Attentats au journal Charlie Hebdo, 11 morts

Assassinat du lieutenant de police Ahmed Mérabet, sur le boulevard Richard Lenoir, 1 mort

8 janvier 2015 : Assassinat de la policière municipale Clarissa Jean-Philippe à Montrouge

9 janvier 2015 : Attentat au magasin Hyper Casher Porte de Vincennes, 4 morts

Le vendredi 13 novembre 2015, le Stade de France et cinq lieux parisiens sont victimes d’attaques terroristes dans la soirée :

- croisement des rues Bichat et Alibert à Paris 10e, établissements Le Petit Carillon et le Petit Cambodge, 13 victimes ;

- angle de la rue de la Fontaine au Roi et boulevard Jules Ferry à Paris 11e, établissement La Bonne Bière, 5 victimes ;

- 253 boulevard Voltaire à Paris 11e, établissement Le Comptoir Voltaire, aucune victime ;

- angle de la rue de Charonne et de la rue Faidherbe à Paris 11e, établissement La Belle Équipe, 21 victimes ;

- 50 boulevard Voltaire à Paris 11e, établissement Le Bataclan, 90 victimes.

Le 7 janvier 2016, des plaques commémoratives sont posées et dévoilées sur les lieux des attentats de janvier 2015.

Le 10 janvier 2016, un rassemblement sur la place de la République est organisé afin de rendre hommage à l’ensemble des victimes des attentats de Paris. Un arbre est planté sur la place et une plaque dévoilée à son pied par le Président de la République et la maire de Paris.

 

B - Le point de départ des commémorations des attentats de novembre 2015

 

Deux associations de victimes sont créées :

 

13ONZE15 – Fraternité-Vérité,
le 9 janvier 2016
LIFE FOR PARIS-13 NOVEMBRE 2015,
le 13 janvier 2016
 

 


 

Dès leurs créations, la ville de Paris travaille en lien étroit avec les associations, avec les victimes elles-mêmes et leurs familles, afin de définir le cadre approprié pour les commémorations de novembre 2016.

Afin d’honorer la mémoire de chacune des victimes, mais aussi de marquer l’importance tragique de ces événements dans l’histoire de la capitale, il est décidé dès juillet 2016 la pose de cinq plaques commémoratives, dévoilées en novembre 2016, dans les rues de Paris, sur les cinq lieux des attaques rappelés en introduction. Une plaque similaire a été dévoilée à Saint-Denis au Stade de France.

 

Celles-ci mentionnent les prénoms et noms des victimes décédées, conformément à la volonté exprimée par les familles. Chaque famille a été interrogée sur ce point, toutes ont donné leur accord pour que le nom de leur proche figure sur la plaque.

Notons que certains des établissements ne souhaitaient pas accueillir une plaque commémorative directement sur leur façade, afin de ne pas rappeler constamment ces attaques au souvenir des personnels les ayant vécus directement.

Les équipes des établissements touchés sont en effet elles-mêmes des victimes.

Mais tous les établissements concernés ont accepté sans difficulté l’apposition de plaques à proximité immédiate.

130 noms de victimes figurent ainsi sur les plaques mémorielles. La ville a changé la plaque du Carillon/Petit Cambodge en 2019 pour ajouter, à la demande de la famille, un des prénoms d’une des victimes.

 

La ville de Paris s’est par ailleurs engagée, dès les premières discussions en 2016 avec les deux associations de victimes, à accompagner et prendre en charge la réalisation d’un monument d’hommage commun à l’ensemble des victimes des attentats du 13 novembre 2015, décédées ou blessées physiquement ou psychologiquement. Celui-ci devrait voir le jour en 2021.

 


 

 

Plaque devant les établissements
Le Petit Cambodge et Le Carillon
(Photo Guillaume Bontemps/Ville de Paris)

Plaque devant l’établissement La Bonne Bière
(Photo Jérôme Drocourt/Ville de Paris)
 

 

Plaque devant l’établissement Le Comptoir Voltaire
(Photo Jérôme Drocourt/Ville de Paris)
Plaque devant l’établissement La Belle Équipe
(Photo Jérôme Drocourt/Ville de Paris)
 

Plaque devant l’établissement Le Bataclan
(Photo Jérôme Drocourt/Ville de Paris)

 

C - Le protocole au cœur de l’organisation des commémorations des attentats de novembre 2015

 

Le jour des cérémonies est très important pour les victimes et leurs proches, mais aussi pour les riverains, les commerçants et pour toute la société parisienne qui a vécu ce choc.

Les riverains qui habitent à proximité des sites des attaques sont prévenus, par un courrier conjoint de la maire de Paris et des maires des 10e et 11e arrondissements, des dates et horaires des cérémonies, afin qu’ils puissent s’y préparer psychologiquement et très concrètement (mesures de restriction de la circulation notamment). Ce courrier est distribué à 40 000 habitants environ.

Depuis 2016, le protocole de la ville de Paris est la cheville ouvrière des commémorations des attentats de novembre 2015, tout comme ceux de janvier 2015.

Il a la charge de la coordination générale de l’ensemble des aspects organisationnels des cérémonies : réalisation et lancement des invitations, gestion des réponses, aspects logistiques et déroulement protocolaire des cérémonies, comme l’accueil et le placement de l’ensemble des invités.

 

1. Les fichiers

 

Il a tout d’abord fallu constituer entièrement les listes de décédés, blessés et impliqués en lien avec le Secrétariat d’État à l’aide aux victimes, la Fédération nationale des victimes d’attentats et accidents collectifs et les associations.

Cela concerne au total 2 700 familles de décédés, blessés et impliqués dont 236 personnes étrangères.

Une liste d’institutionnels de 550 noms, et notamment les personnes étant intervenues sur les lieux des attaques (police, pompiers, associations de sécurité civile, personnels soignants, élus des arrondissements, agents de la ville de Paris, ambassadeurs…). L’ensemble des listes où figurent les coordonnées de chacune des familles est totalement confidentiel.

 

2. Les invitations

 

- Une invitation distincte par site avec les recommandations spécifiques, et notamment les lieux d’accès aux lieux de cérémonies qui sont légitimement très sécurisés ;

- une invitation pour les familles, afin de leur réserver un accueil spécifique ;

- une invitation pour les institutionnels afin de les orienter vers leur emplacement.

 


 


 


 

3. La gestion des invitations et la prise en charge des frais

 

Un courrier de la maire de Paris est préparé puis adressé un mois avant à l’ensemble des familles de victimes, blessés et impliqués afin de les informer de la tenue des cérémonies, et de son caractère volontairement simple, afin de donner toute la solennité nécessaire à ces cérémonies.

Un formulaire d’inscription et de prise en charge des frais y est joint.

Le courrier et les documents sont également traduits et adressés en langue anglaise aux victimes étrangères.

En effet, afin de permettre au plus grand nombre de victimes et de proches de victimes de participer à ces cérémonies, la ville de Paris prend en charge les frais liés à la venue et l’accueil des personnes invitées. Elle concerne les victimes blessées et impliquées, ainsi que les familles et proches des victimes décédées, blessées ou impliquées, qu’elles résident en France ou à l’étranger, invitées aux commémorations.

La ville de Paris différencie en ce sens la prise en charge des déplacements et des hébergements des personnes vivant à l’étranger (réservation par la ville) et des personnes vivant en France (remboursement sur justificatifs).

La ville rembourse les frais de déplacement (avion, train, péage), selon le mode de déplacement le plus pratique et économique, et participe aux frais d’hébergement à raison de 60 €/personne.

Toutes les demandes particulières de victimes le nécessitant sont bien entendu étudiées avec la plus grande bienveillance.

La prise en charge des frais se répartit ainsi :

- pour les personnes décédées : 4 invités ;

- pour les personnes blessées : 1 invité + 1 accompagnant possible ;

- pour les personnes impliquées : 1 invité + 1 accompagnant possible.

Les invitations sont ensuite adressées quinze jours minimum avant les cérémonies aux personnes concernées pour les cinq sites des cérémonies afin de pouvoir assurer une gestion des réponses des différentes catégories d’invités et des prises en charge des familles. Une boîte mail dédiée est mise en service afin de récolter les réponses.

Les cartons d’invitation adressés aux familles et proches comportent un coin gris en haut à droite afin de les distinguer des institutionnels, et ainsi les accueillir spécifiquement.

 

4. Organisation sur les sites

 

Le mot d’ordre pour l’organisation des cérémonies est : sobriété, dignité et recueillement.

La priorité est donnée aux familles.

En ce sens, le dispositif est commun à l’ensemble des sites.

Trois zones sont ainsi différenciées sur chacun des sites :

- une zone personnes victimes, familles et proches, qui disposent de places assises ;

- une zone institutionnelle (primo-intervenants, élus de l’arrondissement, ambassadeurs…) debout ;

- une zone presse définie et placée de telle sorte que les personnes victimes, leurs familles et leurs proches ne puissent pas être filmés.

 


 


 

5. Déroulé et cérémonial

 

Les cérémonies se déroulent en respectant la chronologie des faits de la funeste soirée du 13 novembre 2015.

Les hommages débutent ainsi à 9 heures au Stade de France à Saint-Denis pour s’achever en fin de matinée devant le Bataclan à Paris 11e.

Les deux associations organisent ensuite un événement public (jusqu’à présent sur le parvis de la mairie du 11e arrondissement) avec le soutien de la mairie, juste après la fin des commémorations officielles.

 

Toutes les victimes, familles mais aussi les Parisiens qui le souhaitent peuvent y assister.

Chaque association réunit enfin ses adhérents pour un moment privé, après les cérémonies du matin, dans un cadre de son choix.

 

Le déroulement des cérémonies est identique sur l’ensemble des sites, à savoir :

Annonce de la cérémonie.

Lecture de la plaque et des noms des victimes.

(diffusion d’un enregistrement sonore du texte par deux voix de comédiens, un homme et une femme).

Dépôt de gerbe commun des deux associations.

Dépôt de gerbe commun maire de Paris et de l’autorité gouvernementale présente.

(pas de dépôts de gerbes à la cérémonie devant le Comptoir Voltaire, simple minute de silence)

Minute de silence.

Salutations aux familles par la maire de Paris et l’autorité gouvernementale.

Fin de la cérémonie.


Photo Jérôme Drocourt/Ville de Paris

 

a) Ordonnancement des cérémonies

 


 

Un placement protocolaire identique sur les sites :

- un rang unique avec les deux autorités hôtes de la cérémonie, à savoir la maire de Paris et l’autorité gouvernementale présente ;

- deux rangs protocolaires ensuite mettant en avant d’un côté les élus de la ville et les associations de victimes, de l’autre côté les autorités de l’État et les grands corps de l’État concernés.

 

b) Placement protocolaire 2018

 


 

LE CARILLON/ LE PETIT CAMBODGE



Photo Joséphine Brueder/Ville de Paris

 

LA BONNE BIERE



Photo Joséphine Brueder/Ville de Paris

 


Photo Joséphine Brueder/Ville de Paris

 


6. L’accueil des invités

 

Les agents du protocole de la ville de Paris sont présents sur les sites pour aider à la mise en place et accueillir les invités. Ils sont en ce sens renforcés par des volontaires de la ville issus des services administratifs, du SDAJAV et des associations de victimes et d’aide aux victimes. Il est souhaité que les invités institutionnels et primo-arrivants, ainsi que les ambassadeurs, soient accueillis par les agents de la ville de Paris, et que les personnes victimes, leur famille et leurs proches le soient par les volontaires du Service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes (SDAJAV), du Centre de crise et de soutien (CDCS) et des associations qui ont une expérience reconnue en ce sens.

L’objectif est que toutes les personnes victimes et leurs proches, inscrites ou non inscrites, avec ou sans carton, puissent accéder aux cérémonies : la décision de laisser ou non rentrer une personne sans carton revient au référent de site (sachant que toutes les personnes sont fouillées par la préfecture de police).

La ville a souhaité que les riverains et les Parisiens puissent participer aux cérémonies pour se recueillir, s’ils le souhaitent, et ce à l’arrière de la zone familles : très concrètement, s’ils ne peuvent accéder au périmètre de la cérémonie stricto sensu, soumis à invitation, ils peuvent, une fois passés les premiers contrôles de sécurité, être derrière les barrières entourant la cérémonie, notamment sur les trottoirs pouvant les border.

Cela s’applique notamment pour les différents sites des terrasses, où la configuration du lieu et la taille de la cérémonie le permettent.

Le référent protocole de la ville de Paris amène sur site les listes, numérotées, qui devront toutes lui être remises à la fin de la cérémonie pour garantir leur confidentialité. Toutes les personnes figurant sur les listes peuvent accéder aux cérémonies, ainsi que tous leurs accompagnants, qu’elles se soient inscrites ou non auparavant.

Il revient au référent de site de gérer les cas particuliers (personnes introuvables sur les listes, personnes sans carton…), et de prendre la décision.

Les chefs de missions diplomatiques des pays pour lesquels au moins un ressortissant a été impliqué dans les attaques ont été conviés sur le site concerné. Si plusieurs ressortissants ont été touchés sur plusieurs sites, l’ambassadeur a reçu un carton par site avec la recommandation de choisir le site sur lequel il souhaite se rendre personnellement et de se faire représenter sur les autres.

La cellule d’urgence médico-psychologique et la protection civile sont également présentes sur les sites pour intervenir auprès des victimes et de leurs proches. La protection civile propose également un café/thé à celles et ceux qui le souhaitent.

 

Commémoration des attentats du 13 novembre 2015/ Mardi 13 novembre 2018/ Répartition des équipes

Site cérémonieProtocole VilleÉtat chargé des familles uniquementPersonnels villeRelations internationales
Missions1) Superviser la mise en place des infrastructures
2) Accueil des invités officiels à l’unique point d’accès (exception 2 points d’accès au Bataclan)
3) Garder l’enceinte réservée invités officiels
1) Tenue du point litiges familles à l’unique point d’accès (exception 2 points d’accès au Bataclan)
2) Garder l’enceinte famille
Pour tous ces agents : tenue du point litiges à l’unique point d’accès (exception 2 points d’accès au Bataclan)Accueil et référent pour les invités internationaux + tenue des points litiges

 

7. Gestion spécifique de la presse

 

Une zone presse est définie sur tous les sites, et placée de telle sorte que les personnes victimes, leurs familles et leurs proches ne puissent pas être filmés.

La presse arrive en pool et aucun journaliste non accrédité ne doit rentrer sur les sites. Un référent de la ville est présent sur chaque site et la préfecture de police a été sensibilisée, notamment pour le filtrage aux entrées. Une attention particulière est portée aux fenêtres des immeubles entourant le site de la cérémonie afin que des photographes ou vidéastes ne puissent pas filmer.

Pas d’interview ni prise de parole pendant toute la durée des cérémonies, les journalistes hors pool accèdent aux sites une fois la cérémonie terminée (avec un temps de recueillement sans journaliste à préserver pour les familles après le départ des autorités).

 

D - Et depuis…, des nouvelles plaques apposées dans Paris et ailleurs

 

20 avril 2017 : assassinat du capitaine de police Xavier Jugele sur l’avenue des Champs-Élysées dans le 8e arrondissement. Dévoilement d’une plaque en présence du président de la République le 20 avril 2018.

 



 



Photo Jean-Baptiste Gurliat/Ville de Paris

 

12 mai 2018 : attaque à l’arme blanche dans les rues du 2e arrondissement. Ronan Gosnet est décédé.

3 octobre 2019 : attaque à l’arme blanche au sein de la préfecture de police, 4 victimes.

25 septembre 2020 : attaque à l’arme blanche à proximité des anciens locaux de Charlie Hebdo, 2 blessés graves.

29 octobre 2020 : attaque à l’arme blanche au sein de la basilique Notre-Dame de l’Assomption à Nice, 3 victimes.

 

Les attaques terroristes touchent aujourd’hui l’ensemble du territoire français.

Gageons que nous n’ayons plus à apposer dans nos communes de trop nombreuses plaques ou autres monuments en hommage à des victimes.

 

Jérôme DROCOURT

Attaché principal, chef de projets au protocole de la ville de Paris

 

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