La Lettre du cadre territorial

Le magazine des professionnels de la gestion territoriale.

Accueil > Magazines > Lettre du cadre

La Lettre du Cadre Territorial

Un magazine à destination des cadres de la filière administrative qui balaye l'ensemble des questions managériales et décrypte l'actualité dans les domaines RH, finances et juridiques sur un ton impertinent, engagé et incisif.

Ajouter au panier Vous abonner (voir tarif )
(Règlement par CB, chèque bancaire ou mandat administratif)

A partir de :

129 €

Un système D anti-chômage ?

Article du numéro 471 - 01 octobre 2013

Emploi

Six jeunes sur dix trouvent un emploi, un CDI ou un CDD ou encore une formation qualifiante en passant par ce dispositif miraculeux... Et si on généralisait la recette ?

Envoyer cette page à un ami

Donnez votre avis 10 commentaires 

Tous les articles du numéro 471

Télécharger cet article en PDF

Avez-vous entendu parler du dispositif « 100 chances, 100 emplois » de « mise à l'emploi » des jeunes des quartiers défavorisés, qui engrange un taux d'insertion durable remarquable, de 60 % chaque année, sur la quinzaine de villes (et bassins de vie) où il est mis en place ?
Ce dispositif existe depuis 2005. Il a germé dans la tête du ministre Jean-Louis Borloo et d'Henri Lachmann, alors PDG de Schneider Electric, lequel le met en œuvre à Chalon-sur-Saône. Le dispositif fait tache d'huile en France. À Plaine Commune par exemple, il fonctionne depuis cinq ans. 70 jeunes en bénéficient chaque année. Les résultats de la dernière cuvée : 48 sorties durables dont seize CDI, treize CDD, six contrats d'alternance, sept en formation, etc.
Ce ne sont aujourd'hui « que » plusieurs centaines de jeunes qui sont concernés par « 100 chances, 100 emplois » en France. Drôle de nom d'ailleurs pour ce dispositif (qui s'explique par ses objectifs initiaux en fait), qu'on pourrait rebaptiser « Système D anti-chômage »...


Les ingrédients...

Des professionnels d'entreprises locales s'engagent à donner un coup de pouce au moment opportun à des jeunes des quartiers, à leur ouvrir des portes pour un stage, ou un premier poste. Un véritable engagement de professionnels, dans leur temps de travail et consenti par leur hiérarchie... Ces professionnels se rencontrent régulièrement pour évoquer l'évolution de la recherche d'emploi des jeunes... « Ce dispositif pallie en somme le manque de réseaux de certains candidats » note Didier Rochas, délégué à l'insertion chez Schneider Electric et copilote du dispositif sur le bassin grenoblois... Comment sont retenus ces jeunes ? Sur la base du volontariat, et après avoir suivi une formation de « remobilisation » de 4 à 5 jours, avec un coach. Cette formation n'est pas rémunérée pour le jeune. Le coach est, lui, un expert en management, fin connaisseur du marché de l'emploi, des tendances, intervenant dans les entreprises pour dynamiser les cadres... Il les bouscule, les questionne sur leur stratégie (en ont-ils une ?), leurs compétences réelles. Les jeunes rencontrent des dirigeants d'entreprise avant et après la formation : de quoi pimenter la semaine. « En 4 jours : ces jeunes sont transformés, ont gagné en confiance en eux. Ils savent formuler leur projet » constate Didier Rochas. Troisième pilier du processus : le ou les animateurs/chargés de projet que met à disposition la collectivité (ville, agglomération) basés dans sa maison de l'emploi, sa mission locale ou encore son service emploi insertion... qui vont repérer les jeunes et leur faire connaître ce dispositif et rester en contact avec eux.


Augmenter les doses ?

« 100 chances, 100 emplois » reste un dispositif qui concerne un nombre très limité de jeunes. Il suffirait d'augmenter les jauges pour qu'il puisse concerner davantage de jeunes, issus des quartiers défavorisés, ou pas d'ailleurs. Mais cela veut donc dire financer davantage de « formations de remobilisation ». Un « Sas mobilisation » coûte entre 3 000 et 4 500 euros en fonction des territoires et des prestataires. « Ce qui est faible ramené à l'individu (dix personnes/groupe). Il faut que l'État, les collectivités se posent la question du retour sur investissement... » estime Jean-François Connan, directeur Responsabilité et Innovation sociale chez Addeco, et partenaire de « 100 chances, 100 emplois ».
En face de ces jeunes plus nombreux, il faudrait aussi élargir et/ou former de nouveaux cercles d'entrepreneurs volontaires. Or les grosses entreprises du cru, pourvoyeuses d'emplois, ont souvent déjà compris l'intérêt de « 100 chances, 100 emplois », et sont déjà adhérentes. Citons quelques exemples rencontrés : Schneider Electric, La Poste, Saint-Gobain, Schneider, Sodexo, Areva, des sociétés d'emplois intérimaires comme Randstad, Adecco... Mobiliser un deuxième cercle d'entreprises sera plus énergivore...
Enfin, il ne suffit pas d'augmenter les effectifs, il faut tenir compte du potentiel du marché de l'emploi. Ainsi, alors sur le réseau d'entreprises tend plutôt à s'étoffer, Grenoble a sensiblement revu à la baisse le nombre des jeunes entrant dans le dispositif en 2013.


Essaimage... toujours difficile

Les résultats, les témoignages ici et là montrent que ce dispositif a fait ses preuves sur la durée. Les acteurs, les jeunes le plébiscitent. Malgré tout, à chaque fois, les pionniers doivent se battre pour le faire émerger sur un territoire, obtenir les financements de la première formation et des suivantes, pour que les missions locales trouvent les budgets et les moyens humains suffisants pour s'engager dans ce projet. La maison de l'emploi de Plaine Commune a préféré s'affranchir de l'aide de l'État. Elle est allée chercher des financements « auprès du Fonds social européen, avec toutes les contraintes que cela impose en termes de lourdeurs administratives » explique Frédéric Coste, qui en est le chargé de mission. « Ces difficultés et fragilités n'aident pas les entreprises à s'engager davantage » prévient Jean-François Connan, alors que « 100 chances, 100 emplois » pourrait probablement prendre une tout autre tournure avec la reconnaissance publique, celle des directions du travail locales, de l'État, avec plus de relais dans les médias, une valorisation des entreprises qui s'engagent ».


Témoignages

Frédéric Coste, chargé de mission, Maison de l'emploi de Plaine Commune
« Un dispositif d'aide au retour à l'emploi parmi notre offre de services... »
« C'est un dispositif d'aide au retour à l'emploi parmi notre offre de services. Il confirme en revanche l'intérêt de renforcer la formation des conseillers en « gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) territoriale », c'est-à-dire la capacité de construire, avec les entreprises, des parcours professionnels pour accompagner les besoins d'évolution en gestion d'emplois et de compétences des entreprises du bassin d'emplois. À la Plaine Commune, nous allons donc former les conseillers des missions locales du territoire dans ce sens. »

Jean-François Connan, directeur Responsabilité et Innovation sociale chez Addeco, et partenaire de « 100 chances, 100 emplois »
« Au moins un jeune sur deux en France pourrait bénéficier de ce dispositif »
« Avec toutes les réserves qui s'imposent, je me fie à mon expérience et j'estime que 60 % des jeunes en France aujourd'hui, sont dans une problématique de difficulté standard du marché de l'emploi (pas de réseau, peu d'expérience, plus ou moins de diplômes...), soit le profil des candidats de « 100 chances, 100 emplois »... »

Céline Guillot, chef de projet du dispositif « 100 chances, 100 emplois » à la mission locale de Chalon-sur-Saône
« Le marché caché de l'emploi est limité... »
« À Chalon-sur-Saône, le réseau est constitué de trente entreprises qui s'occupent du devenir de soixante nouveaux jeunes par an... En file active, les jeunes sont beaucoup plus nombreux. Certains pouvant rester deux, trois ans dans le réseau. Si le dispositif continue à bien fonctionner, cela devient plus compliqué. En fait, les offres de « 100 chances, 100 emplois » proviennent surtout du marché dit caché de l'emploi, qui se restreint. Il ne faut pas non plus sous-estimer dans ce dispositif l'énergie déployée pour suivre ces jeunes qui, certes sont boostés, dans leur recherche d'emploi, après le sas de remobilisation. Mais, après trois mois, la dynamique retombe... »