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Les ressources de CVAE sont-elles prévisibles ?

Article du numéro 470 - 16 septembre 2013

Finances

Impôt local calculé à partir d'une valeur globale, la CVAE, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, manque de lisibilité. Dès qu'une entreprise possède plusieurs établissements, il devient difficile de déterminer ce qui doit revenir à un territoire et ce qui revient à un autre. Quant à se projeter dans l'avenir...

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De nombreuses collectivités sont perplexes devant les variations de leurs ressources « cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises » dont les mécanismes et, les raisons n'apparaissent pas clairement. Voici un rappel sur ce qu'est la valeur ajoutée et quelques pistes de suivi local de la CVAE.


La valeur ajoutée, un indicateur global pour un impôt local ?

La valeur ajoutée est schématiquement la différence entre les ventes d'une entreprise et ses achats (tous établissements confondus). Lorsqu'il n'y a qu'un établissement, il n'y a pas de problème de calcul. Mais il n'en est pas de même lorsqu'il y a plusieurs établissements du fait de la clé de répartition reposant sur deux critères, dont l'un peut être vérifié par la collectivité alors que l'autre ne l'est pas. Pour comprendre le problème, il faut rappeler que la cotisation d'établissement n'existe pas, elle est calculée a posteriori en prenant en compte les effectifs de chaque établissement. Mais il n'est pas toujours possible de préciser où travaillent certains salariés et pendant combien de jours (chantiers, techniciens de maintenance, formateurs ou en formation, commerciaux, etc. Ils représentent environ 20 % du total).
C'est après avoir fait ce constat que les services de l'État ont modifié la clé de répartition de la CVAE en rajoutant un second critère : la valeur locative. Ainsi, pour les entreprises ayant plusieurs établissements, la CVAE est calculée à 66 % sur les effectifs et à 33 % sur la valeur locative... Structurellement donc, cet impôt manque de lisibilité, en raison même de ce qu'il est : un impôt territorial, calculé à partir d'une valeur qui n'est pas territoriale mais globale. En 2003, le Conseil national de l'information statistique affirmait : « aucune information sur la production ou les consommations intermédiaires n'est facilement disponible, ce qui rend impossible le calcul direct d'une valeur ajoutée par établissement ». La commission Fouquet, de son côté, avait fait quelques années plus tard le même constat.
Second problème, que se passe-t-il lorsque l'entreprise a des difficultés à écouler ses produits ? Elle « casse » ses prix. Ce faisant, sa valeur ajoutée s'effondre et la CVAE aussi. Or, certains secteurs sont très sensibles à la conjoncture : commerce (notamment discounté), commerce de gros, logistique/transport/entreposage, BTP, services de nettoyage, sécurité, etc. D'autres le sont moins : banques, assurances, services du tertiaire supérieur. Il va donc y avoir un double mouvement : d'une part, leur chiffre d'affaires va diminuer et elles peuvent bénéficier d'un taux d'imposition plus faible, d'autre part, leur valeur ajoutée diminue ou s'effondre. Le cumul de ces deux effets peut être désastreux en termes de ressources.
Troisième problème, ces activités ne sont pas réparties équitablement dans l'espace parce que certaines « supportent » (et même choisissent) des prix fonciers élevés alors que d'autres ne peuvent se le permettre. En général, les activités à faible valeur ajoutée (les premières citées) ne sont pas concentrées dans les mêmes territoires que les activités à forte valeur ajoutée (les secondes citées). Il y a donc des différences de comportement et une CVAE plus ou moins volatile selon les branches et les territoires : ce qui se passe ici n'est pas nécessairement comparable à ce qui se passe ailleurs. Il faut donc connaître sa structure et sa spécialisation économique.
Enfin, les entreprises multi-établissements ont des répartitions d'effectifs qui peuvent varier d'une année à l'autre, de même que les rapports filiales/groupes et leurs conséquences sur la valeur ajoutée. Les stratégies des grandes entreprises peuvent donc avoir des conséquences très importantes sur les montants de valeur ajoutée et les clés de répartition. Le cumul des effets de conjoncture et des effets de stratégie est donc par nature créateur d'instabilité fiscale.
Pour ces différences raisons qui n'épuisent pas le sujet, la CVAE est structurellement difficile à prévoir. Peut-on faire quelque chose pour ne pas subir ce dysfonctionnement ?


Connaître la structure économique de son territoire

La CVAE est un impôt économique et pour la comprendre et l'estimer, il faut connaître sa structure économique :
- combien d'entreprises dans chaque branche d'activité ? ;
- quelle taille pour ces entreprises ? (effectif et/ou chiffre d'affaires). Ces deux critères permettent de comprendre les spécialisations de son territoire et la sensibilité des activités économiques à la conjoncture : BTP, logistique/commerce de gros, commerce de grande surface, discount) ;
- sont-elles concernées par la CVAE ? (les artisans, commerçants, professions libérales ne déposent pas leurs comptes aux greffes des tribunaux de commerce et ne sont pas concernés de fait. La forme juridique sert à connaître cela) ;
- s'agit-il d'établissements ou d'entreprises ? En ce dernier cas, quels sont l'effectif de l'établissement et celui de l'entreprise ?
- si l'entreprise est une SA/SAS ou SARL, elle dépose ses comptes au greffe ; quel est son chiffre d'affaires (donc son taux global de CVAE) et sa valeur ajoutée (donc son montant global de CVAE) ?


Cadrer les éléments de la future CVAE

Avec le secteur d'activité, l'effectif de l'établissement et l'effectif global, le chiffre d'affaires et la valeur ajoutée, il est possible de cadrer les éléments de la future CVAE. La connaissance de la conjoncture par le service développement économique (s'il existe) est ici très utile : le chiffre d'affaires est-il en hausse ou en baisse ? L'effectif progresse-t-il ? Les surfaces occupées ont-elles changé ? Quels sont les liens tête de groupe/filiales ?, etc.
Ces différents éléments permettent :
- d'identifier les cas simples (entreprise mono-établissement notamment) et de s'appuyer sur les tendances d'évolution de leur secteur d'activité pour approcher ce que peut être leur future valeur ajoutée ;
- d'identifier les cas complexes : entreprises multi-établissement posant potentiellement des problèmes sur les clés de répartition des effectifs, entreprises liées à des groupes dans lesquelles des transferts entre filiales sont possibles, etc.
En revanche, aucune solution fiable n'est disponible pour appréhender la valeur locative de l'ensemble des établissements d'une entreprise, rajoutée dans un second temps. Si ceux-ci sont dans le même territoire fiscal, cette analyse est possible mais elle ne l'est pas dans le cas contraire. Néanmoins, une règle simple peut être posée : si un établissement (du bloc communal par exemple) représente 30, 40, 70 % des effectifs de l'ensemble, il devrait avoir une CVAE correspondant à 25/35, 35/45, 65/75 % de la CVAE totale attribuée au bloc communal, tenant compte de distorsions ou d'ajustements liés à la prise en compte de la valeur locative.
Progressivement, une expertise peut se mettre en place. C'est celle-ci qui permet de fiabiliser les prévisions et d'être un interlocuteur avisé des services fiscaux. La connaissance de l'existant est en effet le moyen le plus sûr et le plus fiable d'obtenir de la part des services fiscaux des approfondissements, voire des corrections d'anomalies.


La CVAE en chiffres

La composition
de la CET
Valeur % CET
CVAE                     15,22          63,9 %
CFE                        6,66           27,9 %
TASCOM                0,61           2,6 %
IFER                       1,34           5,6 %
Total                       23,83        100,0 %


L'essentiel de la CVAE est versé aux départements et régions. Si on étudie le bloc communal, la situation est différente, la CVAE ne représente qu'un tiers de la CET totale.

La CET bloc
communal
Valeur % CET
CVAE                      4,024           34,2 %
CFE                        6,654           56,6 %
TASCOM                0,609           5,2 %
IFER                       0,465           4 %
Total                        11,752        100 %


Chiffres en milliards d'euros, source : Chiffres de la DGCL, décembre 2012.
Sur un échantillon de collectivités du bloc communal, on constate que la CVAE ne concerne qu'un tiers des contribuables. Que parmi ce tiers, un tiers ne verse aucune contribution, 10 % environ des contribuables représentent 80 % de la CVAE totale.


Doc Doc

À lire
Taxe professionnelle : regrets éternels, La Lettre du cadre n° 465, 1er juin 2013.