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Six mois avant les municipales, vous avez le droit de...

Article du numéro 464 - 15 mai 2013

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Sous réserve de communiquer avec bon sens et loyalement sur des sujets réels et justifiés par l'actualité de la collectivité, il n'y a pas de difficulté majeure à continuer de s'exprimer pleinement pendant la période préélectorale.

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L'article L.52-1 du Code électoral réglemente la promotion des candidats en période pré-électorale.


Une promotion raisonnable, mais pas de pub

L'alinéa 1 de l'article L.52-1 du Code électoral interdit pendant les six mois précédant le premier tour du mois d'une élection l'utilisation à des fins de propagande de tout procédé de publicité commerciale par voie de presse ou par tous moyens de communication audiovisuelle. Le Conseil Constitutionnel (1) a considéré que la publication, dans un journal d'informations locales, de publicités du conseil général faisant apparaître la photo et une phrase du président constituait une campagne publicitaire prohibée justifiant le rejet du compte. En revanche, la participation d'une collectivité à des manifestations de soutien à des produits régionaux, ainsi qu'une consultation organisée par un conseil régional sur l'aménagement du territoire, ne constituent pas des procédés de publicité commerciale au sens de l'article L.52-1 (2).
L'alinéa 2 de l'article L.52-1 du Code électoral interdit la promotion des réalisations ou de la gestion des collectivités dans les six mois précédant celui où se déroule le scrutin. Cet article vise à interdire aux collectivités de présenter un « bilan de mandat » de l'action des élus sortants dans les six mois, même si ce document ne présente pas de caractère électoral. Un bilan présentant un tour électoral serait interdit pendant toute l'année préélectorale, puisque constituant un don prohibé d'une personne morale de droit public. Ainsi, la distribution à l'ensemble des électeurs de plusieurs numéros d'un bulletin municipal, qui contenaient un éditorial et une photographie du maire, candidat aux élections municipales et qui dressaient un bilan avantageux de l'action menée par la municipalité, doit être regardée comme ayant constitué une campagne de promotion publicitaire au sens du second alinéa de l'article L.52-1 susceptible, au regard des résultats, de vicier le scrutin (3). Cependant, il est possible de diffuser un bilan si celui-ci « se limite à une énumération, en termes mesurés, des principales actions entreprises par la municipalité » et qui est dépourvu de toute polémique électorale (4).


La communication doit être informative

Dans leur communication, les collectivités doivent s'abstenir de tout élément présentant un tour électoral, c'est-à-dire valorisant la personne du candidat, son image, son bilan ou son programme. En revanche, dès lors qu'une communication institutionnelle régulièrement menée par la collectivité ne met pas en valeur le candidat, ne fait pas référence à l'élection ni à un quelconque programme, la communication est légitime et peut être menée en toute sécurité (5). Cela ne suffit cependant pas : encore faut-il que la communication de la collectivité présente un intérêt pour le lecteur, autrement dit qu'elle soit informative et non pas laudative. C'est le désagrément qu'a rencontré le président de la région Ile-de-France (6). Fort de l'analyse opérée par le Conseil d'État à l'occasion des élections cantonales de Metz III, la Région avait, plusieurs années de suite, mené une campagne d'affichage sur le thème « La Région fait grandir vos transports ». Ces affiches ne parlaient pas des élections, ne mentionnaient ni le nom du président ni sa fonction, ne présentaient pas sa photo et étaient muettes sur son bilan ou son programme. Cependant, le Conseil d'État a considéré que cette campagne d'affichage massif, valorisant l'action d'une collectivité et menée dans les six mois de l'élection, constituait une campagne de promotion publicitaire interdite dans la mesure où cette campagne n'apportait aucun élément d'information aux usagers et qu'elle portait, de surcroît, sur un élément, le transport en Région parisienne qui était un des éléments du débat électoral. Le coût de cette campagne a été réintégré dans le compte de campagne de M. Huchon, compte qui fut rejeté sans que l'inéligibilité du candidat tête de liste soit prononcée.
Cette décision en prolonge une autre de 1993 par laquelle le Conseil constitutionnel a considéré qu'une campagne de promotion organisée par la communauté urbaine de Lyon sur le thème « Le Grand Lyon recycle les vieux papiers » à partir du 10 mars 1993 (les élections ayant été organisées les 21 et 28 mars) ne constituait pas une campagne de promotion prohibée dès lors que cette campagne (l'apposition d'affiches et distribution d'un dépliant tiré à 310 000 exemplaires) soulignant l'intérêt du recyclage des vieux papiers et désignant aux usagers les lieux d'implantation et les heures d'ouverture des centres de recyclage, était un élément d'information et non pas de promotion.
Aussi, pour tenir compte de ces jurisprudences, il est important que la communication des collectivités apporte des indications et des informations aux usagers et ne se contente pas de faire la promotion de leur projet ou de leur action.


inaugurer... mais pas trop

La législation électorale n'évoque pas, par elle-même, les inaugurations des équipements publics, qui ne constituent pas la valorisation des réalisations d'une collectivité. Elles sont donc possibles, y compris dans les 6 mois de l'élection. Le juge de l'élection a déjà eu l'occasion de se prononcer sur la licéité des cérémonies d'inauguration au regard de l'article L.52-1 précité. Dès lors que les inaugurations sont une activité traditionnelle de la collectivité et qu'il n'apparaît pas que le moment en soit choisi en fonction de considérations électorales, rien ne lui interdit de procéder à cette cérémonie. Ainsi, par décision du 13 novembre 1998 (10), le Conseil d'État a considéré que le fait que deux inaugurations de réalisations régionales aient eu lieu pendant la campagne électorale ne constituait pas, par lui-même, un abus de propagande. Dans le même sens, l'inauguration d'un ensemble de logements sociaux réalisés par une SEM ne constitue pas un élément d'une campagne de promotion publicitaire des réalisations d'une collectivité territoriale au sens de l'article 52-1 (11). De même, le Conseil d'État (12) a considéré que la multiplication, par le président du conseil régional sortant, d'inaugurations, de visites de chantier, de poses de première pierre et de colloques organisés par la région ne contrevenait pas, ipso facto, aux dispositions de l'article L.52-1. Pareillement, le Conseil (13) a estimé que le rythme et le nombre des inaugurations auxquelles le maire sortant avait procédé durant la campagne électorale ne constituaient pas une man½uvre de nature à altérer la sincérité du scrutin dès lors qu'elles n'avaient eu aucun caractère exceptionnel. Reste que, bien évidemment, l'inauguration doit être réelle et correspondre à un calendrier de réalisation et d'ouverture au public, étranger aux impératifs électoraux. C'est ainsi que le Conseil d'État (14) a considéré que l'inauguration, en mars 1995, d'une bibliothèque municipale ouverte au public dès le mois de décembre 1993 ainsi que celle d'une station d'épuration qui fonctionnait depuis plusieurs mois, constituaient des éléments d'une campagne de promotion publicitaire des réalisations de la collectivité. Pour éviter tout reproche de man½uvre électorale, il va de soi que les conditions matérielles d'organisation de l'inauguration doivent être identiques à la pratique habituelle de la collectivité. Le juge de l'élection appréciera le coût de l'inauguration, le nombre de personnes invitées ou la publicité faite à l'événement pour réintégrer ou pas les dépenses afférentes dans le compte de campagne du candidat. Dans cette hypothèse, les frais ainsi engagés pourraient être considérés comme un don d'une personne morale de droit public, prohibé par l'article 52-8.


Les tribunes de l'opposition

S'agissant des tribunes, les règles sont désormais clairement posées : l'espace d'expression des élus ne peut être légalement suspendu en période préélectorale. Saisi d'un référé liberté contre la décision du maire de supprimer, en période préélectorale, la publication des tribunes de l'opposition, il a été jugé que cette suppression portait une atteinte grave et immédiate à l'exercice du mandat des conseillers de l'opposition et méconnaissait les dispositions de l'article L.2121-27-1 du Code général des collectivités territoriales (16).
L'arrêt Commune de Saint-Cloud du Conseil d'État du 7 mai 2012 (req. n° 353536) a fixé la jurisprudence en matière de contrôle des tribunes comportant des propos :
- diffamatoires ou injurieux ;
- ne s'inscrivant pas dans le cadre des affaires locales ;
- susceptibles de créer des troubles à l'ordre public ;
- contraires à l'article L.52-8 du Code électoral, c'est-à-dire, susceptibles d'être qualifiés de propagande en faveur d'un candidat.
Le maire, en tant que directeur de la publication, n'est pas fondé à censurer les articles que l'opposition souhaite voir paraître. Le refus de publication de la tribune constitue une atteinte au libre exercice d'un mandat électoral, liberté fondamentale, qui autorise donc l'élu « censuré » à saisir le tribunal administratif d'un référé liberté qui impose au juge de statuer dans les 48 heures. Toutefois, le maire peut toujours alerter les élus que leur publication contient des propos diffamatoires ou injurieux susceptibles d'engager leur responsabilité pénale et leur demander le cas échéant de modifier leur rédaction. Cette démarche sera d'autant plus efficace que le règlement intérieur organisera la possibilité pour le maire d'alerter l'auteur de la tribune litigieuse sur la difficulté rencontrée, et de lui demander, dans un délai raisonnable, de la modifier en conséquence.
En outre, le maire a tout à fait la possibilité, dans le même numéro, et sur la même page, de publier un commentaire rectificatif, ou se démarquant des propos tenus dans la tribune. Bien évidemment, cette possibilité de droit de réponse ne peut être systématique, sous peine d'être analysée comme un détournement des pouvoirs que le maire tire de son statut de directeur de la publication et, plus encore, de sa qualité de responsable du service public de la communication. Ainsi, la période préélectorale ne justifie pas que la publication des tribunes libres soit supprimée. Au contraire, une telle suppression serait sanctionnée par le juge administratif. Seul un accord politique des différents groupes peut, par mesure de prudence, justifier la suppression des tribunes.
En second lieu, le Conseil d'État considère que la publication d'une tribune prohibée ne constitue pas un don de la collectivité, sans doute en raison du caractère obligatoire de la dépense née de la mise en ½uvre de l'article L.2121-27-1 du Code général des collectivités territoriales. Dès lors qu'il n'y a pas de don contraire au Code électoral, aucune règle de financement de la campagne électorale n'a été méconnue et le compte de compagne ne saurait donc être rejeté sur ce seul motif. Le Conseil d'État, comme juge électoral, avait déjà posé cette solution de non-intégration dans le compte de campagne des candidats d'une tribune manifestement électorale, compte tenu de la valeur réduite de ce don irrégulier d'une personne morale de droit public (17).


Éditos : attention au contenu

À l'approche des élections, de nombreux maires s'effacent. Leur nom, leur photo disparaissent de leurs éditoriaux, lorsqu'ils en demeurent signataires. Mais les nom et fonctions électives figureront sur leur bulletin de vote ! Bien évidemment, le futur candidat peut continuer d'exercer en toute sérénité son mandat et continuer de signer de ses nom et qualités tout document d'information, y compris en poursuivant la parution d'éditoriaux. Et c'est par prudence excessive que l'on fait disparaître les élus. Ce qui compte, c'est le contenu de l'éditorial et non pas la signature. Une communication « anonyme », comme celle menée par la région Ile-de-France n'a pas empêché, en raison de son contenu, sa réintégration dans les comptes de campagne de M. Huchon, dont le nom ne figurait pas sur les affiches. Ce n'est qu'en cas de suppression des tribunes de l'opposition que le maire doit, pour respecter l'égalité entre les candidats, supprimer ses éditoriaux (15).


Feu rouge au téléphone vert

L'article L.50-1 du Code électoral interdit de porter à la connaissance du public un numéro d'appel téléphonique ou télématique gratuit. Cependant, rien n'interdit aux collectivités de continuer de mettre à disposition du public un tel service, sous forme de numéro vert, sous réserve que celui-ci ait été mis en place antérieurement, voire très antérieurement, à la période considérée. Le Conseil d'État a en effet validé la mise à disposition gratuite par un conseil régional d'un numéro vert permettant d'informer le public et les entreprises sur les actions de formation professionnelle dans la mesure où ce système fonctionnait depuis cinq ans (7). Dans une précédente espèce, le Conseil d'État s'était satisfait de l'ancienneté de la mise à disposition d'un numéro de téléphone gratuit de 4 ans (8). A contrario, il est possible de mettre en place et de porter à la connaissance du public un numéro d'appel téléphonique dès lors que celui-ci serait payant (9).


Notes

(1) AN Loir-et-Cher, Maurice Leroy, décembre 2012.
(2) CE, 30 nov. 1998, Élec. région. de Languedoc Roussillon Dpt de l'Héraut
(3) CE, 5 juin 1996, Élec. mun. de Morhange.
(4) CE, 6 fév. 2002, Élec. mun. de Montségur.
(5) CE, Élec. cant. de Metz III, 1995.
(6) Arrêt Huchon, Élec. région. Ile-de-France, juillet 2011.
(7) CE, 30 nov. 1998, Élec. région. de Languedoc- Roussillon, Dpt de l'Héraut.
(8) CE, 9 juil. 1993, Élec. cant. de Vitrolles.
(9) CE, 22 fév. 1995, Élec. cant. du François.
(10) Élec. région. de la Guadeloupe
(11) CC, n° 93.1382, 20 oct. 1993, AN Nouvelle-Calédonie, 1re circonscription, Saran c/Elec. Lafleur.
(12) Élec. région. de Languedoc-Roussillon, 30 nov. 1998.
(13) Élec. mun. de Canet-en-Roussillon, 6 déc. 1996.
(14) 7 mai 1997, Élec. d'Annonay.
(15) CE, 30 octobre 1996, Élec. munic. de Brétigny-sur-Orge.
(16) TA Versailles, 9 mars 2007, M. Benoît Marquaille, req. n° 0701552.
(17) CE, Élec. mun. de Montreuil-sous-Bois, 3 juillet 2009.