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Article du numéro 461 - 01 avril 2013
Dans son dernier ouvrage aux éditions du Seuil, Raphaël Liogier décortique avec brio les ressorts du fantasme islamique en France et en Europe. Et il y a du boulot : 74 % de l'opinion française estime que l'islam est une religion intolérante. Tous les articles du numéro 461 |
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sociologue des religions, Raphaël Liogier est professeur à Sciences Po Aix-en-Provence, où il dirige l'Observatoire du religieux. Il vient de publier Le mythe de l'islamisation.
Essai sur une obsession collective. Éditions du Seuil.
Au détriment des données statistiques, la plupart des gens pensent que les Musulmans se reproduisent plus et que l'islam attire plus de convertis. Le dernier sondage du Monde, paru le 24 janvier dernier et réalisé par Ipsos, démontre que 74 % des Français estiment que l'islam est une religion « intolérante ». Or, une lecture raisonnée du Coran révèle que ce livre saint est beaucoup moins violent que l'Ancien Testament, où les incitations à la violence fourmillent. Cette peur de l'autre islamique est avant tout liée à la crise identitaire européenne. Les Européens ne redoutent pas seulement le terrorisme musulman, mais subiraient la violence qui se développe dans les cités et que l'Islam, contrairement à ce que l'on croit, vise à endiguer. Le cas de Mohamed Merah est symptomatique : son rapport à l'islam est nul, ce n'est qu'un voyou déstructuré qui se raccroche à l'islam qu'en dernier recours, pour faire peur. Son parcours est tellement chaotique qu'il tue même des militaires musulmans, ce qui est tout de même très étonnant pour quelqu'un supposé épris du djihad. Mais l'opinion se moque de toutes ces contradictions. Elle ne cherche qu'à entretenir son propre fantasme parce qu'elle a perdu ses repères.
Ce lien a été établi dans les années quatre-vingt, les jeunes des cités sont devenus des sauvageons. La fin des Trente glorieuses, les désillusions d'intégration sociale des années Mitterrand, le développement d'un terrorisme international, qui s'est substitué au terrorisme d'extrême-gauche des années soixante-dix, ont achevé ce travail de stigmatisation. Certains jeunes, très peu concernés par la religion, en ont profité pour renforcer la peur qu'inspire le salafisme radical. Ils en ont adopté le look, comme d'autres le font en se prévalant d'être gothiques. Ils vont se construire un islam sans islam. Mais quel est le lien entre islam et violences des jeunes ? L'islam valide-t-il la faiblesse de l'État français dans les cités difficiles ? Les imams assurent-ils qu'il faut laisser faire ? Face à cette peur aveuglante, la sénatrice socialiste Samia Ghali a avancé que l'armée devait intervenir. Je n'y suis pas opposé, si certains secteurs de la ville échappent au contrôle de l'État républicain, donc de la police.
Certains me reprochent d'être dans un camp. Je suis dans la libido sciendi de Saint-Augustin, le désir de connaissances, d'aller au-delà des apparences. C'est un travail de salubrité publique. Celui de rappeler que la natalité dans les pays maghrébins est en chute libre et que le danger d'une invasion « par l'utérus », pour reprendre l'expression de Yasser Arafat, est peu probable. Que le nombre de fatwas condamnant les actes terroristes est majoritaire dans le monde musulman, parce que le Coran écrit noir sur blanc que personne n'a le droit de tuer quelqu'un ou de mettre fin à sa vie. Si ce travail de démystification n'est pas mené à bien, Marine Le Pen sera un jour au deuxième jour de l'élection présidentielle et gagnera parce que, contrairement à son père, issu du poujadisme et défenseur des petits commerçants bourgeois, elle s'adresse aux ouvriers, elle tient un discours d'extrême-gauche.