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Une pensée de renouveau des services publics

Article du numéro 461 - 01 avril 2013

Idées

Il ne faut pas que le besoin d'économies mette en péril l'action publique visant à satisfaire l'économie des besoins. La pensée socialiste très structurée de Jacques Fournier irritera les libéraux (même au PS). Jacques Fournier cite, un peu, Marx et, beaucoup, ses collègues du Conseil d'État. Ancien président de Gaz de France puis de la SNCF, ancien secrétaire général du gouvernement, sa vision compte. Revenant aux fondamentaux, l'auteur fera sursauter. Il peste, avec une belle langue, contre un libéralisme dont il pense, avec la majorité des Français, qu'il est en train de démanteler ce joyau (en tout cas cet objet présenté comme tel) que sont les services publics.

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Jacques Fournier, L'économie des besoins.
Une nouvelle approche des services publics.
Odile Jacob, 2013, 286 pages, 23,90 euros.


Économie des besoins plutôt qu'économie de marché

Plus que réservé sur la RGPP, c'est à une autre « revue des politiques » qu'il convie le lecteur, au regard de ce qu'il baptise « l'économie des besoins ». Il s'agit, essentiellement, des activités des services publics satisfaisant les besoins sociaux. Fournier sait qu'en 2011 les dépenses publiques représentaient 56 % du PIB et les prélèvements obligatoires 44 %. Mais il distingue les dépenses de transfert et de service, la France étant très haute en transferts mais dans une moyenne européenne pour les services. Il en déduit qu'il n'y a pas trop d'administration, même s'il accorde que corporatisme et coupure entre les univers privé et public sont problématiques. Fournier considère que l'effort doit porter sur les services collectifs, plus correcteurs d'inégalités que les transferts sociaux. Il invite à de nouveaux investissements, par exemple avec un service public de la petite enfance. Point essentiel : le besoin social doit primer sur la demande solvable. À cet effet, il faut privilégier la gratuité des services (avec un financement par prélèvements obligatoires progressifs) plutôt que des prestations sous condition de ressource, limitant les réalisations de l'économie des besoins aux plus pauvres. Érigeant le public et les agents publics en incarnations de l'intérêt général, Fournier estime que l'intervention de structures capitalistes dans cette économie des besoins est « source d'un conflit de valeurs ». Si associations et professions libérales sont acceptées, le privé lucratif doit être très strictement encadré.


Des propositions pour le débat

Fournier veut subordonner les mécanismes de marché à la réalisation d'objectifs déterminés par la collectivité. Connaisseur des rouages européens, l'auteur a raison de dire que l'Europe (dont il déplore les directives ouvrant les réseaux à la concurrence), avant d'être un marché, doit être considéré comme une puissance. Il fera se dresser bien des cheveux avec son plaidoyer pour des opérateurs publics puissants, pour la constitution d'un pôle bancaire public, pour le renouveau de la planification des fonctions collectives. Il se fera un peu moins d'ennemis lorsqu'il propose de mieux organiser la relation avec les associations d'usagers. Il fera totalement controverse avec son propos général visant à établir « le communisme du XXIe siècle » (sous-titre qu'il avait proposé à l'éditeur).
Du Pass Navigo en passant par les prisons, les prestations sociales, les développements sur la LOTI et le DALO (pour les droits au transport et au logement), le propos est incarné. Fournier remet certaines pendules idéologiques à l'heure. Sera-t-il entendu ? Il faut en tout cas le lire, pour saisir cette incontestable cohérence. Qu'on la célèbre ou qu'on la condamne.