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Stress, défiance et planète Beta

Article du numéro 452 - 01 novembre 2012

Repères

Une journée de réflexion consacrée au thème : « Manager la santé au travail par temps de crise » réunissait récemment à Paris médecins, chercheurs, responsables d'entreprises et d'administrations autour de ce sujet malheureusement à l'ordre du jour tant stress, souff rance au travail, voire suicides sont devenus des problématiques récurrentes du champ professionnel privé comme public.

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Un nouvel état du monde

Les participants ont dû d'abord se défaire de cette idée de crise : ce mot qui revient sans cesse dans nos conversations et nos analyses depuis plus de trente ans est parfaitement pervers : il entretient l'idée que nous vivons en ce moment un simple accident de l'histoire bien désagréable mais qui, un jour, ne sera plus qu'un mauvais souvenir, avec le retour au statu quo ante. Il suffirait donc de serrer les dents (et les boulons), le temps de laisser passer la tempête, en essayant de protéger au mieux, à l'identique, notre modèle social, nos institutions, nos pratiques politiques, administratives, organisationnelles, managériales, le fonctionnement de notre marché du travail, nos modes de négociations..., bref, toutes nos habitudes d'hier, nos acquis d'hier, nos conquêtes d'hier.
Or, le mot fameux du philosophe Pierre Caillé, « Nous recherchons des dépanneurs pour la planète Alpha alors que nous sommes déjà sur la planète Beta », illustre ce constat d'évidence : quand la crise permanente devient la norme, il n'y a plus de crise mais un nouvel état du monde qui nous oblige à remettre en cause les façons dont nous défendions nos ambitions collectives dans le monde d'avant.
L'économiste Daniel Cohen laisse entrevoir (1) ce monde nouveau, encore en gésine, suscité par la conjonction d'une compétition mondialisée, du surgissement de considérables acteurs émergents, de la financiarisation du capitalisme, des métissages multiples de cultures, des mutations relationnelles engendrées par les nombreuses révolutions des TIC et de la multiplication des « périls flous » ; un monde où nous allons devoir réinventer nos conduites, nos modes d'action et de réaction, nos choix individuels et nos fonctionnements collectifs.


des organisations fossilisées

Dans cette planète Beta marquée par l'imprévisibilité et le changement permanent, on continue à placer ceux qui travaillent - dans le public comme dans le privé - dans des organisations et sous un management conçus sur la planète Alpha. Au lieu d'organisations vivantes, apprenantes, multiplicatrices des intelligences qu'elles réunissent, nous maintenons des organisations mécanistes, bureaucratiques, fossilisées sur les pratiques d'hier et ossifiées sur une lourde inertie culturelle : quant au management, bien loin de susciter la confiance dans les capacités individuelles et collectives de réaction, d'innovation et de contribution positive, il continue à s'inspirer de logiques hiérarchiques, verticales, disciplinaires tout juste capables de produire une obéissance passive.
Une part notable du stress professionnel et de la souffrance au travail ne viendrait-elle pas de ce constat - plus ou moins conscientisé par ceux qui travaillent - d'être maintenus dans des organisations dépassées et soumis à un management obsolescent pour produire des performances individuelles et collectives que seules des organisations et des formes de management d'une nature nouvelle permettraient d'obtenir ?
Le 4 juillet dernier, lors d'une manifestation du Comité Condorcet, Francis Mer, ancien ministre de l'Économie et chef d'entreprise, évoquant la très médiocre efficacité de nos organisations publiques et privées, affirmait : « Le « moi je sais » des lauréats de nos grandes écoles coûte des fortunes... Nous stérilisons par nos organisations et notre management les collaborateurs que nous avons... Aux niveaux d'exécution, on essaie de survivre, on se protège pour garder son job, on se retire intellectuellement de sa communauté de travail. »
Tant que l'on continuera à fabriquer des dirigeants pour la planète Alpha alors que nous sommes déjà dans un autre monde, le stress et la souffrance au travail connaîtront encore de beaux jours et notre compétitivité collective - publique et privée - continuera de se dégrader.


Notes

1. Homo economicus, prophète (égaré) des temps nouveaux ; Daniel Cohen, Albin Michel ; 2012


 
 
 
 

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