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Patrimoine immatériel : des richesses à exploiter

Article du numéro 451 - 15 octobre 2012

Interview

Image, notoriété, savoir et savoir-faire, données statistiques, géographiques... autant de richesses rares et recherchées. « Les richesses de l'immatériel sont les clés de la croissance future », affirme Danielle Bourlange. Les
entreprises ont compris depuis longtemps la nécessité de protéger et de valoriser ce patrimoine. L'État s'est doté d'une agence dédiée et la stratégie porte ses fruits : 1,4 milliard d'euros de recettes et 1 000 marques déposées par
des organismes publics en 2011. Au tour des collectivités ?

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Que recouvre la notion de patrimoine public immatériel ?

permet pas de le cerner facilement : il n'a pas de consistance physique, ne figure généralement pas dans les bilans comptables et n'entre dans aucune définition synthétique. C'est une des raisons pour lesquelles son existence même et sa valeur sont longtemps restées méconnues des administrations. Il regroupe quatre catégories principales (1). La première tient aux lieux, qu'il s'agisse d'y accueillir des tournages ou des événements privés. Deux autres composantes sont d'une part les marques et l'image des institutions publiques ; d'autre part les savoirs et savoir-faire, ainsi que les créations qui en découlent : brevets, logiciels, méthodes... Enfin, un dernier gisement recouvre l'ensemble des contenus publics : bases de données, publications, fonds photographiques, archives... À ces quatre grands domaines s'ajoutent les actifs immatériels relevant des pouvoirs régaliens de l'État comme celui de réglementer certaines professions, d'accorder des droits d'utilisation des fréquences hertziennes, ou d'attribuer des quotas de gaz à effet de serre.


Vous incluez dans le patrimoine immatériel les lieux publics. Ils sont pourtant bien matériels.

public possèdent des caractéristiques immatérielles de grande valeur : leur histoire, leur prestige, leur valeur symbolique, leurs qualités architecturales, leur identification comme lieux de pouvoir... Ce sont elles qui confèrent à ces lieux leur attrait pour les professionnels du cinéma ou pour l'organisation d'événements. Donner accès à ces lieux relève donc bien de la valorisation du patrimoine immatériel public.


Quels sont les enjeux de la protection et de la valorisation de ce patrimoine ?

Aujourd'hui plus que jamais la création de valeur dans l'économie repose sur l'immatériel. De même, une administration moderne se doit de protéger son patrimoine immatériel, de le faire fructifier, de le mettre au service de ses missions de service public et de la collectivité en général. L'enjeu est à la fois de contribuer à un service public plus performant et de créer de la valeur sociale et économique en donnant accès à ces ressources aux citoyens, aux chercheurs, aux entreprises. Les politiques d'ouverture des données publiques illustrent très bien cela. On peut aussi donner l'exemple d'une entité qui valorise un savoir-faire spécifique via une offre de formation pour des professionnels. Cette démarche contribue à la reconnaissance de la qualité du service rendu et au rayonnement de l'entité, valorise le travail des agents, et permet de diffuser ce savoir-faire. Elle est donc bénéfique à la fois aux acteurs économiques et à la mission de service public. La valorisation peut aussi apporter des ressources complémentaires. Ainsi, les revenus tirés des tournages dans les lieux publics peuvent utilement compléter les budgets d'entretien immobilier. L'enjeu est aussi de protéger le public contre des exploitations abusives. S'agissant des marques, d'aucuns n'hésitent pas par exemple à emprunter sur internet les atours de la puissance publique pour détourner l'usager à des fins commerciales. Enfin, la mise en valeur du patrimoine immatériel public contribue à l'attractivité de la France, de ses territoires et de ses institutions. C'est par exemple un levier essentiel pour les universités ou les musées confrontés à une intense compétition au plan national et international.


Cela peut-il aussi participer d'une rénovation du «lien» entre l'administration et les citoyens ?

tion des informations publiques à travers leur large diffusion et la possibilité donnée à tous de les réutiliser en fournissent un bon exemple. L'ouverture des données publiques renforce la transparence de l'action publique, développe la participation citoyenne et favorise l'émergence de nouveaux usages et de nouveaux services. Autre exemple : celui des marques publiques, qui permettent de donner de la lisibilité à l'action publique, de créer une sorte de «contrat de confiance» avec les usagers, fondé sur les valeurs du service public et sur une «promesse» en termes de niveau et de qualité de service. Travailler sur son identité et son image pour une entité publique, c'est en même temps donner aux citoyens des repères pour un meilleur accès aux services offerts, sur internet notamment.


L'Apie encourage une gestion dynamique des marques publiques. Pouvez-vous nous donner des exemples ?

Nous avons contribué à la mise sur pied de modalités uniformes de dépôt des marques publiques et nous accompagnons les administrations dans leur stratégie de gestion de leurs marques. L'enjeu est notable : mille nouvelles marques publiques ont été déposées en 2011 dont une soixantaine par l'État au sens strict. Nous avons, par exemple, accompagné la Cnil dans le dépôt de sa marque «Label Cnil», créée pour distinguer les entreprises pour la qualité de leurs produits ou de leurs procédures, au regard de la loi Informatique et libertés. Autre exemple : celui des Hospices civils de Lyon qui ont créé une marque - «Easily» - dédiée à une offre de prestations de services en matière de systèmes d'information hospitaliers. Nous travaillons aujourd'hui à l'élaboration d'un «baromètre des marques publiques», permettant aux administrations et opérateurs de l'État de mesurer la perception de leur image et d'éclairer les stratégies pour améliorer la satisfaction des usagers.


La prise de conscience vaut-elle également pour la sphère publique locale ?

Des progrès sont incontestablement à l'œuvre, quoique sans doute de façon très inégale. J'en veux pour preuve la multiplication récente des initiatives d'ouverture des données publiques portées par des collectivités territoriales. Les démarches de marketing territorial témoignent aussi de la prise de conscience que l'attractivité des territoires se joue pour beaucoup autour de leurs atouts immatériels. Un autre indice positif est l'intérêt croissant porté par les collectivités à nos travaux. Pour favoriser la diffusion de cette nouvelle culture, nous intervenons notamment à l'Inet depuis deux ans et, pour la première fois en 2012, nous serons présents au Salon des maires.


Pour la première fois en 2011, des collectivités ont sollicité l'expertise de l'APIE. En quoi consiste votre intervention ?

L'Apie est d'abord au service des administrations de l'État. Elle peut néanmoins apporter son concours aux collectivités territoriales, à leur demande. En 2011, neuf collectivités ont sollicité notre expertise dans le cadre notamment de l'ouverture de lieux publics aux tournages ou de l'ouverture de portails de données publiques. L'intervention de l'Apie s'inscrit essentiellement dans une logique de diffusion des bonnes pratiques. Nous diffusons par exemple sur Internet un arbre de décision qui permet de juger de l'opportunité d'un dépôt en fonction de différents critères. La valorisation du patrimoine immatériel est un sujet novateur dans la sphère publique. Nous développons des approches et des méthodologies originales adaptées aux enjeux et à l'environnement, notamment juridique, du secteur public. Nos travaux sont accessibles à l'ensemble des acteurs publics sur notre site internet (collection «Ressources de l'immatériel» - Ndlr).


Notes

1. Données partielles, incluant les redevances de fréquences hertziennes.
2. Décret n°2009-151 du 10 février 2009.