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Cumul d'activités : jusqu'où ne pas aller trop loin

Article du numéro 450 - 01 octobre 2012

Cahier RH - Statut

Dans un arrêt du 14 mai 2012, la cour administrative d'appel de Nantes confirme une sanction de révocation infligée à un agent territorial pour nonrespect des règles sur le cumul d'activité. L'activité en question était la location de salles de réception. Pour la Cour, une telle activité allait au-delà de la simple gestion du patrimoine personnel de l'agent et devait faire l'objet d'une autorisation. Explications.

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Les textes (1) relatifs au cumul d'activités des agents publics amènent à distinguer les activités qui peuvent être exercées sans autorisation, celles qui sont envisageables mais nécessitent une autorisation de la collectivité et celles qui demeurent interdites sauf dérogations temporaires (2). En l'espèce, le technicien territorial sanctionné soutenait que son activité relevait de la première catégorie.


dispensées d'autorisation...

Les activités qui peuvent être exercées sans autorisation sont limitativement envisagées à l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983. Il s'agit tout d'abord de la production d'œuvres de l'esprit au sens des articles L.112-1, L.112-2 et L.112-3 du Code de la propriété intellectuelle. Ainsi, les activités littéraires ou artistiques peuvent être exercées sans autorisation, sous réserve qu'elles n'affectent pas le fonctionnement normal du service et ne conduisent pas les agents à violer leurs obligations déontologiques (notamment : dignité des fonctions, devoir de réserve, secret professionnel, discrétion professionnelle).
Il s'agit ensuite de la gestion du patrimoine familial et personnel, de la détention de parts sociales et de la perception de bénéfices. La difficulté est de déterminer les contours exacts de la notion de gestion du patrimoine familial et personnel. La Commission de déontologie indique par exemple que l'activité de commercialisation de pièces d'une collection personnelle d'antiquités relève de la libre gestion du patrimoine personnel (avis n°08.A0029 du 14 janvier 2009). Cette liberté a pour limite l'acquisition de la qualité de dirigeant d'entreprise, de gérant ou de commerçant. Il convient de relever que la circulaire n° 2157 du 11 mars 2008 propose une lecture stricte de ces dispositions en indiquant que cette interdiction s'applique également aux sociétés civiles immobilières (circ. min. n° 2157 du 11 mars 2008, p.5). Pour la commission, la reprise d'une activité de gestion de chambre d'hôtes situées dans un gîte appartenant à la belle-mère de l'agent ne relève pas de la liberté de gestion du patrimoine personnel ou familial. Il s'agit d'un cumul pour reprise d'entreprise, pour lequel la saisine de la Commission de déontologie revêt un caractère obligatoire (avis n°09.A0032 du 14 janvier 2009).


gestion patrimoniale ou professionnelle ?

L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes (3) retient également une conception stricte de la notion de gestion du patrimoine familial et personnel. En l'espèce la Cour s'appuie sur plusieurs indices permettant que l'activité en question relève en réalité d'une logique professionnelle et lucrative. Elle constate tout d'abord que l'agent a fait construire entre 2002 et 2005, période pendant laquelle il exerçait déjà ses fonctions dans la collectivité, deux salles de réception, équipées d'une sonorisation et chacune d'un réfrigérateur et d'une table chauffante, afin de les louer pour des réceptions et mariages. Il est ensuite précisé dans l'arrêt que lors de la visite du 3 mai 2005 d'autorisation d'ouverture par la commission de sécurité, l'intéressé était déclaré «exploitant» et qu'il avait créé un site internet dédié à la location de ses deux salles et référencé ces locaux sur un autre site internet spécialisé mentionnant notamment ses coordonnées personnelles à la rubrique des contacts. La Cour précise enfin que le nettoyage des salles à l'issue des locations était effectué par un salarié rémunéré personnellement par l'agent et que les dix-huit locations de ces salles entre avril et décembre 2006 avaient procuré à ce dernier des recettes pour un montant total de 12 450 euros. Pour la Cour, il résulte de l'ensemble de ces circonstances que cette activité privée lucrative du requérant allait au-delà de la simple gestion de son patrimoine personnel et doit être regardée comme ayant été exercée à titre professionnel.


L'imprécision des textes

Si l'on comprend le raisonnement de la Cour, on relèvera également que la question de savoir ce qui relève ou non de la gestion du patrimoine personnel manque de précision. Cette remarque rejoint d'ailleurs la Commission de déontologie de la fonction publique qui pointait dans son dernier rapport «l'ambiguïté des textes relatifs au cumul d'activités» (4). En l'espèce, la Cour a indiqué dans sa décision que l'agent ne disposait d'aucune autorisation de son employeur. L'activité en question ne relevait pas à notre sens des activités susceptibles d'être exercées sur autorisation (5) mais aurait en revanche pu être autorisée de manière temporaire au titre de la création d'une entreprise. Les textes interdisent de cumuler de manière permanente la qualité d'agent public et, même si les activités sont à but non lucratif (art. 25 loi 13 juil. 1983), la participation aux organes de direction de sociétés. Il existe néanmoins une dérogation temporaire à cette interdiction en cas de création, reprise ou conservation d'une entreprise (art. 25 II 1° loi 13 juil. 1983 ; art. 11 et suivants décr. 2 mai 2007). Sont concernées les activités industrielles, commerciales, artisanales, agricoles et libérales. Le projet doit faire l'objet d'une déclaration auprès de la collectivité et celle-ci doit soumettre cette déclaration pour avis à la Commission de déontologie. La commission doit contrôler les projets au vu des dispositions pénales relatives à la prise illégale d'intérêts (art. 432- 12 C. pénal) et examiner si l'activité porte atteinte à la dignité des fonctions publiques exercées par l'agent ou risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service. La collectivité doit ensuite se prononcer sur la déclaration de cumul d'activités au vu de l'avis, et apprécier la compatibilité du projet avec les obligations de service en gardant la possibilité de s'opposer à tout moment au cumul d'activités dès lors que les conditions exigées (obligations de service de l'intéressé, dispositions pénales relatives à la prise illégale d'intérêts, dignité des fonctions publiques exercées, fonctionnement, indépendance ou neutralité du service auquel appartient l'agent) ne sont pas ou plus respectées. La dérogation peut être accordée pour une durée maximale de deux ans à compter de la création d'entreprise (1° et 2° de l'article 25 II loi 13 juil. 1983). Cette procédure aurait pu aboutir à autoriser temporairement le cumul. La lecture du dernier rapport de la Commission de déontologie semble aller dans ce sens, même si une clarification des textes serait utile pour déterminer ce que recouvre exactement la notion de gestion du patrimoine personnel ou familial de l'agent au sens des textes sur le cumul (voir encadré).


La notion de gestion du patrimoine personnel ou familial de l'agent

La commission note ainsi qu'elle n'est pas compétente «lorsque l'agent demande une autorisation de cumul pour créer une entreprise individuelle destinée à la gestion de son patrimoine personnel et familial». Il est cependant précisé dans le rapport que «la commission s'assure qu'il s'agit bien du patrimoine personnel ou familial de l'agent lui-même» (6). Pour la commission, un agent souhaitant créer «une entreprise de production photovoltaïque d'électricité pour répondre à ses besoins domestiques» n'a pas à demander d'autorisation. Il s'agit en effet pour la commission «d'une activité entrant dans le champ de la liberté de gestion du patrimoine personnel ou familial reconnue à tout fonctionnaire même si la production d'électricité était vendue à EDF» (avis T-2009-871 du 19 novembre 2009). En revanche, «la reprise d'une activité de gestion de chambres d'hôtes situées dans un gîte appartenant à la belle-mère de l'intéressé ne relève pas de la liberté de gestion du patrimoine personnel ou familial telle que celle-ci est prévue par le III de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 : il s'agit donc d'un cumul pour reprise d'entreprise, pour lequel la saisine de la Commission de déontologie revêt un caractère obligatoire» (en l'espèce, compatibilité simple - avis n°09.A0032 du 14 janvier 2009). La solution aurait-elle été différente si les chambres d'hôtes appartenaient à l'intéressé ? Ce n'est pas évident et on peut s'interroger sur la lisibilité des solutions en la matière. Une clarification des textes serait utile pour déterminer ce que recouvre exactement la notion de gestion du patrimoine personnel ou familial de l'agent au sens des textes sur le cumul.


Notes

1. Décrets n°2007-658 du 2 mai 2007 et n°2011-82 du 20 janvier 2011.
2. Cf. O.Guillaumont, Cumul d'activités : sous quelles conditions ?, Cahiers juridiques, avril 2010 et O. Guillaumont, Cumul d'activités : de nouveaux changements !, La Lettre du cadre territorial n°417, 1er mars 2011.
3. CAA de Nantes, 14 mai 2012, n° 11NT00871, M.F.
4. Commission de déontologie de la fonction publique. Accès des agents publics au secteur privé. Rapport d'activité 2011 publié en juillet 2012, p.14.
5. Les règles en la matière résultent du décret n°2007-658 du 2 mai 2007 modifié par le décret n°2011-82 du 20 janvier 2011. Peuvent ainsi être autorisées les activités suivantes : enseignements et formations ; expertise ou consultation auprès d'une entreprise ou d'un organisme privé ; activité agricole exercée sous certaines conditions ; aide à domicile à un ascendant, à un descendant, à son conjoint, permettant à l'agent de percevoir les allocations afférentes à cette aide ; activité de conjoint collaborateur, les travaux de faible importance (jardinage, bricolage, ménages) réalisés chez des particuliers ; les activités à caractère sportif ou culturel, y compris l'encadrement et l'animation dans les domaines sportif, culturel, ou de l'éducation populaire ; les activités de services à la personne ; vente de biens fabriqués personnellement par l'agent ; contrat vendanges...
6. Commission de déontologie de la fonction publique. Accès des agents publics au secteur privé. Rapport d'activité 2011 publié en juillet 2012, p.14.
7. CAA Marseille 22 octobre 2010 n° 08MA00940, X ; AJFP mars-avril 2011 p.118.


Docdoc

A lire

- Cumul d'activités : la saisine de la CAP est obligatoire. La Lettre du cadre territorial, n°439,15 mars 2012.
- De nouveaux changements pour le cumul d'activités. La Lettre du cadre territorial, n°417, 1er mars 2011.
- Cumul d'activités : attention aux sanctions ! La Lettre du cadre territorial, n°403, 15 juin 2010.

Pour se former

Le cumul d'activités et la prise illégale d'intérêt
Lyon le 22/11


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