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Le gouvernement « élague » les LGV

Article du numéro 450 - 01 octobre 2012

Transports

Les ministres du gouvernement mettent de moins en moins de formes pour préparer les élus à la mauvaise nouvelle : certaines lignes à grande vitesse, d'un coût exorbitant, resteront dans les cartons des projets. L'État n'est pas en mesure actuellement de faire face à la totalité des dépenses prévues. Il devra « élaguer », pour reprendre le propos de Jérôme Cahuzac, ministre du Budget.

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En ces temps de vaches maigres, le gouvernement planche sur les solutions pour réduire ses dépenses. Et le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, a préféré faire preuve d'anticipation, et choisi la litote, en annonçant qu'il allait «revisiter» le Schéma national des infrastructures de transport (SNIT) afin d'en «hiérarchiser les projets». Les élus locaux ont facilement décrypté : plusieurs lignes à grande vitesse (LGV) sont aujourd'hui menacées. Le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, a fait voler en éclat le non-dit le 11 juillet dernier sur France 2 : «Le gouvernement n'aura pas d'autre choix que d'abandonner certains projets. [...] Il faudra élaguer». Il s'est même interrogé sur l'opportunité de prolonger certaines lignes de TGV «pour un gain de temps marginal». Réseau Ferré de France (RFF) lui donne raison en indiquant que la priorité doit être donnée à la modernisation des lignes existantes. À la SNCF, Guillaume Pepy, son président, souhaite mettre l'accent sur la fiabilité des TER, notamment en Ile-de-France. Concrètement, quelles sont les LGV qui pourraient disparaître des écrans radar du SNIT ?


Cohen et Hortefeux inquiets

Certains chantiers sont déjà lancés et ne peuvent être remis en cause. C'est le cas de la ligne Tours-Bordeaux. Mais sa prolongation vers Toulouse et l'Espagne, autrement dénommée le «Grand projet du sud-ouest», portant sur 460 kilomètres de lignes nouvelles, a du plomb dans l'aile. Validé par le comité de pilotage et le gouvernement fin mars, son coût exorbitant -13 milliards d'euros - paraît rédhibitoire. «Nous sommes conscients que les finances publiques sont contraintes, mais la quatrième ville de France ne peut pas être tenue à l'écart du réseau européen de la grande vitesse», affirme le maire socialiste de Toulouse, Pierre Cohen. Si les conseils régionaux d'Aquitaine et de Midi-Pyrénées sont très favorables à ce projet de nouvelle ligne, trois communautés de communes du sud du Pays Basque souhaitent son abandon, le jugeant «inutile, onéreux et destructeur de l'environnement», selon Odile de Coral, maire d'Urrugne. Un argumentaire d'autant plus fondé que, du côté espagnol où la crise des finances publiques est encore plus sévère, le projet de création d'une nouvelle gare à San Sebastien a été abandonné, ce qui rend la liaison improbable.
La même inquiétude plane autour de la LGV Paris-Orléans-Clermont-Ferrand, confirmée par Réseau Ferré de France en juin, mais pas encore financé. Brice Hortefeux, conseiller régional UMP d'Auvergne, assure avoir fait «renaître ce projet» et lance un avertissement : «attention à ce qu'ils ne l'enterrent pas !». Mais la ligne qui paraît la plus compromise reste celle de la LGV Paca, dont l'objectif était de relier Paris à Nice, via Marseille, pour désenclaver le territoire azuréen, mais dont le coût - entre 15 et 18 milliards d'euros - «est hors de proportion avec les capacités des collectivités», pour reprendre les propos des élus du conseil général du Var (lire encadré).


Le salut peut venir de Bruxelles

Le 3 juillet dernier, RFF et Oc'Via (société dont les actionnaires sont notamment Bouygues Construction, Colas, SPIE Batignolles ou encore Alstom) ont paraphé le PPP pour la réalisation du contournement Nîmes-Montpellier, un marché de 2,28 milliards d'euros financé à 49% par l'État, 20% par RFF et le reste par les collectivités territoriales. Il s'agit d'une ligne mixte fret-
voyageurs à grande vitesse, sa livraison est prévue pour fin 2017. La prolongation de cette ligne mixte entre Montpellier et Perpignan est au stade des études. La région Languedoc-Roussillon espère finaliser une DUP à l'horizon 2015 pour une mise en service à l'horizon 2020. Ce maillon manquant de 155 kilomètres permettra de relier la France à l'Espagne. Son coût est estimé entre 5,5 et 7 milliards d'euros... Le caractère transnational du projet et la volonté de l'Europe de favoriser la construction d'un corridor méditerranéen jouent en faveur de cette prolongation.
En Normandie, la construction de la Ligne Nouvelle Paris Normandie (LNPN) paraît s'éloigner. «Il n'y a aucune raison objective ou information nouvelle sur ce dossier depuis la clôture du débat public», assure pourtant Laurent Beauvais, président socialiste de la région Basse-Normandie. L'État reste donc pour l'heure muet sur son niveau d'investissement. Estimé à plus de 10 milliards d'euros, le projet vise à relier, d'un côté, Paris au Havre en passant par Rouen, et, de l'autre Paris à Caen, en une heure et quinze minutes pour chacune des destinations. Enfin, la première tranche du TGV Rhin-Rhône a été mise en service fin 2011 (branche Est, 2,6 milliards d'euros). La réalisation de la seconde branche (50 kilomètres vers Dijon et Mulhouse, dont le coût est estimé à 1,1 milliard d'euros) pourrait voir le jour mais l'extension vers le sud et l'ouest semble renvoyée à des temps très lointains. En attendant que le gouvernement arbitre, voire élague, les élus de tous les territoires font le siège de Matignon pour faire valoir l'intérêt majeur de «leur» ligne. Il y aura forcément des gagnants et des perdants, morts sur le champ de bataille de la rigueur budgétaire.


La LGV PACA « mal barrée »

Depuis quelques mois, Christian Estrosi, maire (UMP) de Nice et président de la métropole Nice - Côte d'Azur, en veut à ses collègues Hubert Falco, maire (UMP) de Toulon et Jean-Claude Gaudin, maire (UMP) de Marseille. Il a eu l'impression d'être le seul à monter au créneau pour justifier l'intérêt de la LGV Paca. Christian Estrosi considère que le manque d'implication des élus explique en grande partie le peu d'empressement de l'État à valider définitivement le projet. Il est vrai que le préfet de région s'est heurté à une résistance forte des associations varoises, département dont plusieurs communes affichent au fronton de leur mairie un franc «Non à la LGV». Ces associations redoutent un massacre environnemental dans une région où, des vignobles ancestraux aux paysages de Cézanne à Aix, les grands projets structurants suscitent toujours la colère des habitants. Le coût de la ligne - entre 15 et 18 milliards d'euros - et les résistances associatives semblent donc faciliter la tâche du gouvernement. «Je regrette l'abandon qui semble inévitable d'une ligne qui aurait permis aux Marseillais d'aller plus vite vers la Côte d'Azur et l'Italie, mais avec le coût démentiel, les oppositions virulentes et le problème qui n'était pas réglé de l'entrée dans les Alpes-Maritimes, c'était quasi inévitable», confie le maire de Marseille. Même tonalité chez Eugène Caselli, président (PS) de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole : «C'était un projet important pour Marseille et sa région. Mais le montage financier était terriblement flou et le gouvernement précédent n'avait pas dégagé les budgets indispensables». Seul Michel Vauzelle, président (PS) de la région Paca, semble ne pas vouloir se résoudre à cet abandon, insistant sur la «spécificité» de cette ligne et son importance dans la construction de l'arc latin
(Barcelone-Marseille-Gênes). Président (UMP) du conseil général des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti assure que «cette décision, si elle était confirmée, constituerait un coup d'arrêt inacceptable pour un projet que nous attendons depuis des années», rappelant au passage que «plusieurs dizaines de millions d'euros ont déjà été engagées» dans des études. Pour rien ?


Docdoc

à lire

- Quand l'État se venge, La Lettre du cadre, n°434, 15 décembre 2011.
- La LGV Paris-Nice sur une voie de garage ? La Lettre du cadre, n°415, 1er février 2011.