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Des femmes enceintes protégées... mais pas contre tout

Article du numéro 449 - 15 septembre 2012

Cahier RH - Statut

Les femmes enceintes dans la fonction publique bénéficient de mesures de protection renforcées. Pour autant, l'administration demeure en droit de mettre fin à la relation professionnelle en cours, pour des motifs étrangers à leur grossesse.

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Suivant, dès 1973, les recommandations du commissaire du gouvernement Grevisse, le Conseil d'État a dégagé un nouveau principe général du droit s'inspirant des dispositions en cause du Code du travail, selon lequel les agents publics, à l'instar des agents privés, doivent pouvoir se prévaloir d'un statut social minimum. Sur ce fondement, il a pu être jugé que nul employeur ne pouvait licencier une salariée en état de grossesse, interdiction qui s'étend de la constatation de la grossesse, jusqu'à l'échéance d'un délai de 14 semaines suivant l'accouchement.
Deux nuances ont toutefois été apportées à cette protection de principe. D'une part, la protection n'est ouverte qu'aux agents qui entendent s'en prévaloir. D'autre part, la bonne marche du service ne doit pas être gravement mise à mal par la protection individuelle, bien que nécessaire, des femmes enceintes.


L'agent dispose d'un délai maximal pour se prévaloir de sa grossesse

On ne saurait opposer aux employeurs ce qu'ils ignorent. Tel est le principe dégagé par l'article L.1225-5 du Code du travail, en application duquel l'intéressée dispose d'un délai maximal de 15 jours suivant la notification de son licenciement pour obtenir de droit et hors toute procédure judiciaire, l'annulation dudit licenciement.
Des dispositions qui précèdent, il ressort qu'en droit privé, la protection des femmes enceintes n'est pas acquise dès la constatation médicale de leur grossesse ; encore faut-il que l'intéressée déclare sa grossesse à son employeur, par tous moyens. À ce titre, l'agent en cause peut non seulement procéder à une telle déclaration, avant que soit prise toute décision négative à son encontre, mais également postérieurement à son licenciement, dans un délai qui ne peut toutefois excéder 15 jours. Ce délai, compté selon les règles de droit privé visées aux articles 641 et 642 du Code de procédure civile, débute le lendemain de la date à laquelle il est démontré que l'intéressée a eu connaissance de son licenciement, pour s'achever le 15e jour ouvré suivant. Ainsi, un licenciement notifié le vendredi 28 septembre 2012, devra être annulé par l'employeur lui-même s'il a connaissance, au plus tard le lundi 15 octobre 2012, de la grossesse de son agent.
En droit public, dès lors notamment que le principe général dégagé par le Conseil d'État en 1973 entend s'inspirer expressément des dispositions du Code du travail, les mêmes règles doivent s'appliquer au bénéfice et à la charge de l'ensemble des agents publics. Le délai de 15 jours évoqué a ainsi déjà été retenu par le juge administratif, au bénéfice des fonctionnaires. Quant aux contractuels, un tel dispositif est expressément repris à l'article 41 du décret n° 88-145 du 15 février 1988.
De tout ce qui précède il résulte, d'une part que l'autorité territoriale ne peut pas licencier une fonctionnaire ou une contractuelle enceinte, et d'autre part qu'elle doit revenir d'elle-même sur le licenciement prononcé, dès lors que l'intéressée déclare sa grossesse dans les 15 jours qui suivent. En revanche, au-delà de cette échéance, l'administration qui a ignoré la grossesse de son agent, n'est plus tenue par l'interdiction évoquée, de sorte que le licenciement prononcé ne pourra plus être censuré que pour des motifs distincts de la grossesse, tels que des vices de forme ou de procédure, l'absence de faute, la non-démonstration de l'intérêt du service...


La grossesse déclarée n'interdit pas le licenciement de l'agent pour des motifs étrangers à sa grossesse

Tel que l'y autorise l'article L.1225-5 du Code du travail, la protection des femmes enceintes contre le licenciement disparaît également chaque fois que l'employeur justifie de fautes graves de l'intéressée, ou bien encore chaque fois que le maintien de l'agent en cause est strictement impossible. Dès lors que, tel qu'évoqué, le principe général du droit applicable aux agents publics, s'inspire des dispositions du Code du travail, les mêmes dérogations doivent être admises en droit public. Peuvent ainsi être licenciées pour des motifs étrangers à leur grossesse, les agents qui ont commis des fautes dont la teneur est de nature à justifier un tel licenciement, ainsi que les agents non fautifs, mais dont le licenciement est justifié par l'intérêt du service, lequel intérêt peut comprendre l'insuffisance professionnelle de l'agent.
En revanche, en dehors de ces hypothèses et donc en l'absence de démonstration par l'administration, de l'intérêt impérieux pour le service de licencier l'intéressée, le juge administratif estimera que le licenciement a été prononcé en raison de sa grossesse, et censurera par conséquent la décision querellée.
Au regard de ce qui précède et en l'absence d'une jurisprudence administrative abondante en la matière, il convient d'admettre, d'une part que peut être prononcé tout licenciement jugé proportionné au regard des fautes commises, alors même que l'administration aurait connaissance de la grossesse de son agent. D'autre part, s'agissant du motif tiré du seul intérêt du service, il doit être recommandé à l'administration de ne poursuivre le licenciement envisagé, que si le maintien de l'intéressée au sein de la collectivité, au moins à titre provisoire, est de nature à nuire gravement aux intérêts du service.
En dehors de ces hypothèses, le principe général du droit, tiré de la protection des femmes enceintes, devra être respecté dans sa plénitude


Notes

1. CE, 8 juin 1973, Dame Peynet, n° 80232, publié.
2. Cass. Soc., 8 juin 2011, Mme X., n° 10-17022, publié.
3. Cass. Soc. 16 juin 2004, Mme Y., n° 02-42315, publié.
4. CE, 6 octobre 1997, Maison d'accueil spécialisé les Alouettes, n° 148523.
5. CE, 27 janvier 1989, CH de Rambouillet, n° 74294, publié ; CAA de Versailles, 23 février 2006, Cne de Guyancourt, n° 04VE03227 ; CAA de Paris 17 juin 1999, Sté polynésienne des eaux et de l'assainissement, n°97PA01859
6. CAA de Douai, 13 mars 2012, ministre de l'Intérieur, n° 11DA01153
7. TA de Cergy, 9 mars 2012, référé, Mme S., n° 1201439.
8. CAA de Versailles, 17 juin 2010, Cne du Vésinet, n°09VE00443.


Grossesse, maternité et non-renouvellement de contrat

en raison de sa grossesse, il est admis qu'une contractuelle peut, sur le seul fondement de l'intérêt du service et donc pour des motifs étrangers à sa grossesse, voir son contrat rompu au terme de sa période d'essai (CAA de Marseille 27 juin 2000, OPHLM d'Avignon, n° 97MA05494) ou bien encore, non renouvelé à son échéance (CE, 2 octobre 2006, Mme A, n° 264101). Pour être complet, il peut même être précisé que, dès lors qu'en application de l'article 32 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, le congé maternité, à l'instar des autres congés, n'a pas pour effet de suspendre ou de prolonger la durée du contrat en cours, la décision
de ne pas renouveler le contrat de l'intéressée pourra intervenir alors même que cette dernière serait en congé de droit, sous réserve, il convient d'insister sur ce point, que la décision en cause repose sur l'intérêt avéré du service, étranger
à la grossesse de l'agent.


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