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Concours : le niveau baisse

Article du numéro 445 - 15 juin 2012

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Le concours d'attaché, transféré du CNFPT aux centres de gestion en 2010, a connu simultanément une réforme des épreuves qui semble avoir causé des dégâts auprès de candidats un peu trop sûrs d'eux. 2010 a enregistré un taux d'échec important et suscité l'inquiétude sur le niveau même du concours et des candidats.

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Pour le concours d'attaché, 2010 a été un mauvais cru. Dans le Rhône, par exemple, seulement 10 % des 1 400 candidats ont obtenu plus de 10/20 pour l'admissibilité sur la spécialité administration générale du concours externe. À l'épreuve de composition, 14,52 % des candidats ont passé la barre de la moyenne, plus du tiers avaient des notes inférieures à 5/20... Pour 2011, les chiffres sont à peine meilleurs, même si les résultats laissent penser qu'une amélioration se dessine... Au centre de gestion de la Gironde, on constate un « énorme déchet à l'écrit », selon les mots de son directeur général Philippe Patarin. Le directeur du centre de gestion des Bouches-du-Rhône, François Colombani observe aussi « un niveau de connaissances techniques relativement faible, une méconnaissance de l'environnement territorial surtout pour les candidats au concours externe, un manque de cohérence dans les exposés, un comportement assez inadapté au formalisme des concours »...
Le mal est parfois plus profond que de simples coquilles. « Les candidats étudiants lisent moins vite et le niveau de compréhension est moindre qu'il y a dix ou vingt ans, analyse Bernard Breuiller, directeur du CDG 29. Cette situation n'est pas propre aux concours mais reflète le niveau de la société en général. Or l'analyse et la synthèse ne sont pas possibles si l'on ne maîtrise pas la langue. Il ne peut y avoir de reformulation que lorsque l'on passe par l'idée : il faut une phase de conception. Il ne s'agit pas seulement de remplacer un mot par un autre ! » Les deux dernières éditions du concours d'attaché ont mis en lumière ces grosses lacunes en compréhension... Sur le sujet 2010 intitulé « L'initiative privée est-elle indispensable aux collectivités territoriales dans la conduite de l'action publique ? », « l'initiative privée a été perçue comme une initiative personnelle. Il y a des candidats qui se sont totalement fourvoyés dans cette épreuve alors que l'intitulé de l'épreuve était très clair », s'étonne Éliane Couturier. En 2011, rebelote. « Les collectivités territoriales face à la mobilité des hommes et des activités » a conduit nombre de candidats à ne traiter la mobilité qu'au sens statutaire du terme... Une édition qui fait dire à Éliane Couturier qu'il existe « quand même un déficit de connaissances de base en matière d'activité des collectivités » chez certains... Un peu gênant lorsque l'on a la volonté de travailler au sein de la FPT...


Bilan nuancé

Les candidats seraient-ils donc devenus complètement nuls avec le transfert du concours du CNFPT aux centres de gestion en 2010 ? Aucune raison à cela répondent en c½ur aussi bien les CDG que des recruteurs. Les membres des jurys n'ont quasiment pas changé... Le seul concours d'attaché ne serait d'ailleurs pas l'unique cas d'espèce. La baisse du niveau concernerait les concours dans leur ensemble. « Globalement, il y a plusieurs indicateurs qui peuvent laisser penser que le niveau général des candidats baisse, estime Éliane Couturier. Il n'est pas rare aujourd'hui de voir un jury fixer un seuil d'admissibilité après l'écrit inférieur à 10/20. Les seuils d'admission sont souvent soit égaux soit à peine supérieurs à la moyenne, et exceptionnellement inférieurs à la moyenne. Parfois certains postes ne sont pas pourvus. Pour autant, les résultats du concours d'attaché de la session 2011 sont jugés globalement meilleurs que ceux de 2010, surtout en externe où d'excellents candidats ont été remarqués ».
Mais le constat apparaît plus nuancé qu'il n'y paraît sur l'ensemble du territoire national, selon la phase du concours que l'on observe et sa catégorie. Bernard Breuiller voit par exemple « une note d'admissibilité plus élevée depuis deux ans » au CDG29. En Gironde, Philippe Patarin n'a lui « pas senti de baisse de niveau. Ce serait même plutôt le contraire. Les moyennes à l'admission se confortent et sont même supérieures pour 2011 à l'année précédente »... Du côté des recruteurs, certains considèrent, comme Étienne Desmet, vice-président de l'ANDRHDT, que le « niveau du concours d'attaché ne progresse pas », tandis que d'autres estiment que le niveau des personnes issues du concours extérieur monte. Contrairement aux parcours d'il y a quelques années en effet, les lauréats « sont bien souvent titulaires d'un Master 2, ont une formation universitaire pointue, généralement spécialisée dans le monde des collectivités, ont fait des stages pendant de nombreux mois et ont suivi une formation au caractère professionnel affirmé », fait remarquer Jean-Robert Jourdan, directeur général chargé des ressources au département du Nord. Son prédécesseur au conseil général, Valérie Chatel aujourd'hui DGA en charge des ressources à la région Rhône-Alpes et présidente de l'association des DRH des grandes collectivités, partage la même opinion. « Ils sont plutôt bien préparés aujourd'hui, même s'ils ont des niveaux d'expertise moins élevés qu'auparavant. On recrute globalement les attachés à Bac + 5. À ce niveau-là, quand ils ont choisi un Master sur les collectivités, ils ont fait des stages. Globalement, ils ont peut-être des compétences plus généralistes, mais ils sont quand même assez au fait des attentes des collectivités et suffisamment formés sur le plan méthodologique, ce qui leur permet de s'adapter assez facilement ». En revanche, elle ne fait pas la même analyse pour le concours interne pour lequel « la question du niveau s'est toujours posée. Ce n'est pas facile de préparer un concours en travaillant. Mais parmi ces candidats, il y en a qui ont eu une évolution de carrière et qui pensent qu'un concours ne nécessite rien. Soit ils ne travaillent pas assez, soit ils n'ont pas la culture et la vision du monde suffisantes. Mais cela n'est absolument pas récent. La réforme permet de se reposer la question des compétences ».


Des candidats désorientés

Les éditions 2010 et 2011 auraient donc bien marqué un tournant dans l'histoire du concours d'attaché et ébranlé son niveau, mais pour des raisons liées davantage au changement dans la nature même des épreuves. En même temps que le transfert de l'organisation du concours du CNFPT aux CDG, est intervenue une modification des contenus. Le concours interne et le troisième concours sont passés à une seule épreuve à l'écrit (rédaction d'un rapport). Le concours externe ne comprend plus qu'une composition et la rédaction d'une note pour l'admissibilité. La réforme a alors été porteuse d'un message mal compris par les candidats. Si les épreuves ont été présentées comme simplifiées, voire allégées, donc plus abordables, le concours est resté un concours. Avec moins d'épreuves, donc moins de chances de se rattraper. Les deux premières éditions post-réforme ont désorienté les postulants. Beaucoup de candidats se sont présentés aux écrits « les mains dans les poches »... ce qui a contribué à faire chuter les moyennes générales.
Le manque de préparation a transpiré aussi bien sur le concours externe qu'interne. « Sur le concours externe, les candidats sont fortement diplômés. Ils considèrent qu'un concours de niveau 3 est forcément à leur portée. Or ce n'est pas exact du tout. Sur le concours interne, beaucoup ont échoué car ils y sont allés sans préparation la première année. La deuxième année, les meilleurs ont réussi le concours. Mais il y a encore un magma de personnes en poste qui considèrent qu'ils peuvent passer ce type d'épreuve sans préparation particulière. 60 % des candidats déclarent s'être préparés tout seul, sans aucune aide du CNFPT, d'un Ipag, du Cned, etc. C'est assez significatif. Cela n'existait pas avant dans des proportions aussi importantes, détaille Jacqueline Brierre, directrice des concours au CIG Grand-Couronne. Les meilleurs, ceux qui se sont préparés et qui ont un bon niveau d'écriture réussissent le concours. Mais c'est un leurre de croire qu'il est facile ». Là encore la perspective est à nuancer car les candidats admissibles et ceux qui vont jusqu'au bout sont en général « mieux préparés » aujourd'hui relève Philippe Patarin. À l'étape de l'oral, la préparation est plus sérieuse et l'absentéisme bien moindre que pour la première phase où il y a un taux de 40 % d'absents en moyenne. Pour l'écrit de la dernière session, les candidats semblent avoir même pris la mesure du niveau réel du concours. Les CDG constatent une meilleure préparation. « Il y a un effet de balancier » mais les choses devraient « se rééquilibrer » prévoit Francis Alvado-Vinay, directeur adjoint au CIG Grand-Couronne. « Quand on prend une gifle, on revient mieux préparé l'année suivante », ironise Philippe Patarin.


Professionnalisation, piège à c... andidat

Pour certains centres de gestion, l'augmentation importante du nombre de candidats a également eu un effet comptable sur le taux d'échec. Le CIG Grand-Couronne a, par exemple, eu 25 % d'inscrits en plus. Comme la proportion des postes ouverts est restée stable, la sélection y a été plus rude. La professionnalisation des épreuves en a aussi piégé plus d'un. « Elle laisse penser aux candidats que la préparation n'est pas impérative, qu'ils vont pouvoir s'appuyer sur leur expérience professionnelle et qu'ils sont dans une phase de régularisation, analyse Éliane Couturier. En concours interne et en 3e concours, cela laisse penser qu'ils vont passer devant un jury qui va reconnaître leur expérience professionnelle. Mais le concours « reste difficile à traiter car tout est possible. On n'est pas uniquement dans de la méthodologie, mais aussi sur de la mobilisation de connaissances ». Et il faut des « connaissances professionnelles approfondies. On demande aux candidats des solutions opérationnelles » ajoute Jacqueline Brierre. Or ils « manquent d'expérience professionnelle. À l'oral pour les entretiens de mise en situation, les externes sont dans la théorie mais pas du tout dans la pratique. Et ce n'est pas ce qu'on attend d'eux. Cela les pénalise ». Un point de la réforme pour le concours externe qui laisse l'Union nationale des cadres territoriaux (UNCT, ex-SNCT) dans l'expectative. « Comment un candidat peut-il imaginer un cas pratique puisqu'il n'a pas cette pratique, interroge Fabienne Cauzic, sa présidente. L'oral rend difficile l'appréciation pour un examinateur ».
Avec des épreuves plus axées sur la mise en situation, les candidats en ont « oublié les fondamentaux » que constitue la culture générale, estime Philippe Patarin. La professionnalisation a aussi redistribué les cartes en ayant une « influence sur le profil des candidats, pour Francis Alvado-Vinay. Avant la réforme, le profil académique et universitaire des épreuves attirait les étudiants type Sciences Po. La professionnalisation a rééquilibré le niveau général des candidats vers certains plus généralistes ».


Des adaptations nécessaires ?

Certains acteurs invoquent un décalage trop grand entre la formation initiale et les attentes lors du concours. Étienne Desmet pense qu'il y a une « vraie réflexion à mener sur les formations » préparant au concours (instituts d'études politiques option service public, Master 2 en gestion des organisations publiques et des collectivités locales...). « Ne faut-il pas introduire des UV, comme dans les écoles de commerce avec les UV d'expertise comptable, par exemple en droit administratif, en connaissance de l'environnement des collectivités territoriales, des institutions françaises... tout en étant plus exigeant sur la formation première, se demande le vice-président de l'ANDRHDT. Il est décevant de voir des étudiants qui ont fait cinq années d'études avec ce niveau. Il faut aussi peut-être qu'on se cale beaucoup mieux avec les universités et les instituts de formation au management public. On a l'impression que deux mondes vivent séparés l'un de l'autre. C'est très surprenant ».
D'autres, à l'image du CDG 69, déplorent qu'il n'y ait plus qu'une épreuve unique pour l'admissibilité du concours interne car « elle ne permet pas de faire une sélection assez fiable et de qualité, ce qui peut générer des surprises en phase d'admission », selon Éliane Couturier. « Avec moins d'épreuves, la sélection est plus aléatoire, complète Bernard Breuiller. Multiplier les épreuves permettrait de développer le sens critique ». Et pallier un éventuel décrochage de niveau entre les catégories A et A + dans les collectivités que la réduction du nombre d'épreuves fait redouter à François Colombani. Ouvrir les jurys aux universitaires (philosophes, historiens, linguistes...) et les rendre plus représentatifs entre les petites et grandes collectivités, comme le propose Jean-Robert Jourdan, permettraient aussi de contrebalancer la tendance. Il semble en effet que le concours demande quelques adaptations au regard du contexte futur. Le marché de l'emploi en collectivité se contracte, ce qui a poussé les centres de gestion à réduire le cadencement du concours pour éviter le phénomène des reçus/collés (qui ne pose pas encore officiellement pour le concours nouvelle formule avec ses deux ans d'ancienneté). Mais cela ne sera peut-être pas sans effet. Pour le directeur général chargé des ressources au département du Nord, organiser le concours d'attaché tous les deux alors que les diplômes universitaires sont annualisés pourrait avoir des effets contre-productifs pour l'attractivité de la fonction publique territoriale (au profit de la fonction publique d'État) et donc sur le niveau des candidats. Par ailleurs, si le nombre de recrutements diminue, le concours n'en sera que plus sélectif et risque d'en laisser davantage à la porte...


Orthographe : zéro pointé !

Sur le bilan en langue française, les commentaires sont acerbes. À en croire les jurys, le niveau plonge aussi bien au niveau de l'orthographe, que de la grammaire, de la syntaxe et de la compréhension des textes. Un véritable carnage. « Globalement, il y a de gros problèmes rédactionnels et orthographiques pour des candidats qui sont quand même diplômés à Bac +3, 4 ou 5, observe Éliane Couturier, chef du service concours au CDG 69. Il est stupéfiant de voir autant de fautes à un concours d'attaché. Au point de justifier de pénalités ». Car si l'heure n'est plus aux cinq fautes synonymes de zéro pointé, certains jurys retirent deux points (maximum) à partir de la dixième faute. Et encore, le distinguo est-il fait entre une copie comportant des fautes, mais pour laquelle le jury estime que la langue française est maîtrisée et une copie dans laquelle les fautes et la syntaxe révèlent un défaut global d'expression... La sanction est alors plus lourde avec une note inférieure à la moyenne, voire éliminatoire.


Exit la culture générale

« Si les lauréats sont bons, la question est de savoir sur quoi ils sont bons, nuance en effet Jean-Robert Jourdan. On ne va pas chercher aujourd'hui les mêmes compétences qu'auparavant ». Exit la culture générale, le regard sur la société, la prise de recul par rapport aux différentes situations... pourtant nécessaires à toute fonction d'encadrement. La réforme du concours a introduit une spécialisation sur les collectivités qui apporte certes un meilleur bagage technique, mais qui a laissé « l'intelligence généraliste » sur le bord de la route. Or, « les collectivités ont besoin d'intellectuels, de capacité de réflexion. Le concours permet peut-être de sélectionner des bons candidats mais peut-être pas de très bons »... François Colombani corrobore : « on essaie de recruter d'entrée des spécialistes ou des gens qui pourraient être identifiés comme tels, plutôt que des gens qui pourraient être confrontés à de grands problèmes d'intérêt général ».



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