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Les places de foot sont un achat public

Article du numéro 437 - 15 février 2012

Marchés publics

Les pratiques de soutien des collectivités territoriales aux manifestations sportives doivent respecter les règles de transparence et de libre concurrence. À défaut, elles s'apparentent à une subvention déguisée. Un rappel de la CAA de Lyon...

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L'Association des contribuables actifs du Lyonnais (CANOL) s'oppose, depuis plusieurs années et de façon répétée, à la politique de soutien sportif menée par la communauté urbaine de Lyon (CUL) et le conseil général du Rhône. Récemment encore, la cour administrative d'appel (CAA) de Lyon a dû se prononcer sur trois recours de l'association contestant la légalité du soutien apporté à des manifestations sportives.


Nature du besoin...

L'association demandait l'annulation d'une délibération du conseil général du Rhône relative à l'attribution d'un marché de prestations pour la couverture médiatique du Grand prix de tennis de Lyon. Elle contestait également la décision de la CUL autorisant son président à signer le marché de location d'une loge comprenant dix-huit places au stade de Gerland afin d'assister aux matchs de l'Olympique Lyonnais (OL) durant deux saisons. De leur côté, les collectivités justifiaient de décisions s'inscrivant dans le cadre de « la politique de rayonnement de leur territoire » ; la location de la loge par la CUL devait également « favoriser les rencontres entre entrepreneurs et acteurs de la vie économique et sociale ». Ces arguments n'ont pas convaincu le juge.
La CAA (1) relève que le rapport de présentation envoyé aux conseillers généraux avant la délibération précisait bien la nature des prestations achetées par le département : des places pour assister à la compétition, une page de publicité dans le quotidien et le programme du tournoi, et la présence du logo de la collectivité sur les tenues des ramasseurs de balles. Mais, il relève également que la délibération ne précise pas l'objectif poursuivi par la collectivité et ne détermine pas, par suite, la nature du besoin à satisfaire, opération préalable à la mise en œuvre de mesures de publicité et de mise en concurrence adaptées à l'objet du marché. Ce faisant, elle ne répond pas aux exigences du Code des marchés publics, dont l'article 5 stipule : « la nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins. ».


... et compétences exercées

Le même raisonnement s'applique à la décision de la CUL. La délibération indique qu'en louant la loge, la collectivité « souhaite tirer partie de la notoriété des clubs sportifs et des valeurs positives qu'ils représentent pour renforcer son rayonnement et son image auprès de ses habitants, du public français et européen » (2). Pour autant, cette « intention » ne suffit pas à considérer que la communauté a défini, préalablement à son achat, la nature de ses besoins en lien avec l'exercice des compétences qu'elle tient de l'article L.5215-20-1 du CGCT (« actions de développement économique »). « Elle ne peut se prévaloir ni de ce qu'elle aurait accueilli des entrepreneurs dans cette loge ni de ce que les élus qui s'y rendent seraient amenés à y rencontrer des acteurs de la vie économique et sociale », souligne la CAA. La communauté a ainsi, elle aussi, méconnu les dispositions de l'article 5 du CMP.


L'OL n'a pas le monopole

Dans la troisième affaire, la CANOL contestait trois délibérations du conseil général du Rhône prises en 2008, 2009 et 2010 décidant du lancement de consultations en vue de la passation de marchés à bons de commande (avec un minimum de 600 000 euros et un maximum de 900 000 euros) pour 3 090 abonnements et des « pass » permettant l'accès aux matchs de la poule qualificative de la Ligue des champions de l'Olympique lyonnais (OL) durant trois saisons (2008 à 2011). Outre l'argument selon lequel l'intérêt départemental des marchés n'était pas établi (4), l'association soutenait qu'eu égard à l'objet du marché - « faciliter l'accès au spectacle sportif et faire la promotion de l'activité physique » - une mise en concurrence avec d'autres clubs sportifs ou compétitions sportives était nécessaire d'une part, que le conseil général n'avait pas défini les prestations par des spécifications techniques mais par référence à une équipe sportive particulière, d'autre part. Le département arguait, de son côté, qu'eu égard à la popularité du football et à la réputation internationale de l'OL, ainsi qu'à la capacité du stade de Gerland, l'achat de prestations à ce club revêtait un intérêt particulier, qui ne pouvait être comparé aux autres compétitions sportives et que l'OL était le seul interlocuteur possible pour l'achat de places.
La CAA donne raison à l'association : les délibérations attaquées ont méconnu le principe de liberté d'accès à la commande publique énoncé à l'article 1er du CMP. Quand bien même le football est le sport qui suscite le plus d'engouement et l'OL un club qui bénéficie d'une place particulière au niveau national et européen, cela « ne saurait en tout état de cause justifier que le conseil général achète des prestations sans procéder à une mise en concurrence préalable entre les différents prestataires du secteur »... même s'il s'agit, comme l'indiquent les délibérations litigieuses, de faciliter l'accès au spectacle sportif et de faire la promotion de l'activité physique pour encourager la pratique sportive et son encadrement bénévole.


Sociétés sportives : un soutien très encadré

Absence de définition de la nature du besoin à satisfaire d'un côté, défaut de mise en concurrence de l'autre, les trois arrêts de la CAA de Lyon soulignent des pratiques de subventions déguisées à des sociétés sportives. Depuis la loi n° 99-1124 du 28 décembre 1999, ces sociétés sportives - organisateurs de manifestations sportives ou partie d'un club assurant la gestion du secteur professionnel - sont exclues du régime de droit commun des interventions économiques des collectivités locales. Les subventions qui peuvent leur être allouées sont strictement encadrées. Un club ne peut recevoir un total de subventions, toutes collectivités confondues, de plus de 2,3 M d'euros par saison. De plus, ces subventions doivent correspondre à des missions d'intérêt général : formation des jeunes, intégration sociale, prévention de la violence dans les stades, etc. Pour éviter les subventions déguisées, les prestations de services rendues par les clubs aux collectivités (essentiellement les achats de places au stade ou d'espaces publicitaires) ont fait l'objet d'un encadrement accru. Ainsi, les achats ne peuvent dépasser 30 % des produits de la société sportive et sont limités à 1,6 M d'euros par saison. C'est le plus souvent en raison du caractère vague de l'intérêt général - voire de son absence - que les juridictions administratives et financières sanctionnent les conventions passées entre collectivités et sociétés sportives.

1. CAA de Lyon, 15 décembre 2011, n° 10LY02299.
2. CAA de Lyon, 15 décembre 2011, n° 11LY00242 et n° 11LY00247.
3. CAA de Lyon, 15 décembre 2011, n° 11LY00578.
4. Voir Patrick Martin-Genier, « Sport et achat de places : un marché de prestations de services », La Revue des marchés publics, n° 88, novembre 2008.