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Dexia : retour vers le futur

Article du numéro 432 - 15 novembre 2011

Repères

Le démantèlement à venir de Dexia nous donne l'occasion de nous pencher sur l'histoire de cette banque. De la Caisse d'aide d'équipement aux collectivités locales aux emprunts toxiques, que s'est-il passé ?

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Il était une époque pas si lointaine où le mélange des genres n'existait pas et où la recherche de la rentabilité à tout prix ne constituait pas le centre de gravité des décisions des entreprises.
Une époque où la Caisse d'aide d'équipement aux collectivités locales (CAECL) était un établissement public administratif (créé en 1966 par la CDC, déjà) qui consentait des prêts classiques (sur 15 ou 20 ans et à taux fixe) aux collectivités françaises.

Pour des raisons diverses (pression des dirigeants de la CAECL, déréglementation des marchés financiers, volonté de se développer et donc de rechercher des capitaux et ainsi des actionnaires...), la CAECL fut transformée en société de droit privé en 1987 : le Crédit local de France, qui fut introduit en bourse en 1991.
À partir de ce moment-là, les dirigeants du CLF n'ont eu de cesse de développer leur établissement de crédit à marche forcée :
- création en 1996 de Dexia, issue de l'alliance du Crédit communal de Belgique (banque de détail belge) et du CLF ;
- acquisition d'une participation de 40 % dans Crediop, un acteur de premier plan du marché italien du financement du secteur public local (1997). Puis contrôle majoritaire ;
- rachat des participations minoritaires de la Banque internationale à Luxembourg en 1999 ;
- acquisition de FSA, importante société de rehaussement de crédits pour les émetteurs d'obligations municipales américains (2000) ;
- Dexia de Denizbank (6e banque privée turque), etc.

Dexia exerce alors différents métiers : la gestion d'actifs, la banque de détail, les financements aux collectivités locales en France et à l'étranger, les opérations sur les marchés, la banque d'affaires.
Non contente de pouvoir se développer grâce à sa présence sur les marchés financiers, Dexia prend alors des risques inconsidérés :
- elle distribue des prêts structurés auprès de nombreux emprunteurs publics, notamment français ;
- elle recherche à tout prix de la rentabilité (la vente de prêts structurés en fait partie car ils permettaient - permettent - de dégager une marge nettement supérieure pour le prêteur, tout en faisant supporter les risques par les entités publiques) qui s'est traduite par des interventions sur le marché des subprimes et ses produits dérivés, et par l'achat d'obligations souveraines (dont celles de la Grèce) à haut rendement et à hauts risques... À ce jour, le portefeuille de ces actifs plus ou moins délicats à négocier s'élève à 90 Md d'euros, d'où la création d'une structure de défaisance garantie par les États français et belge.
De l'activité traditionnelle de prêt aux collectivités locales, il ne restait plus grand-chose. En tous les cas, cette activité ne s'exerçait ni dans les mêmes conditions ni dans la même philosophie. La banque était devenue un OVNI qui ne savait plus quelle était sa mission et ses objectifs.

Et déjà en 2008, les États français, belge et luxembourgeois avaient dû lui apporter des capitaux frais (plus de 6 Md d'euros) qui ne lui ont pas suffi, tant elle était devenue ingérable, sans projet stratégique (sinon celui de ne pas défaillir). Elle a fini par payer, ce qui était prévisible, les errements engagés il y a plus de 20 ans et qui n'ont fait que s'accentuer au fil du temps.

Et il est finalement moral que ce soit la Caisse des dépôts (assistée par la Banque Postale) qui retrouve - en piteux état - sa fille égarée sur les chemins de la finance. Espérons tout simplement que ce retour vers le futur soit synonyme de retour à la prudence et au bon sens.

Cette issue ne fera pas l'économie de la création d'une agence publique de financement des collectivités locales, car la réforme de Bâle 3 entraîne ipso facto une raréfaction des ressources bancaires à destination des acteurs publics qui n'ont pas le droit de confier leurs dépôts aux établissements de crédit.
Nous commençons à voir les effets négatifs de cette nouvelle contrainte anticipée de Bâle 3 sur la distribution des crédits par les banques. Le siège de Dexia n'était pas à Bâle mais en Belgique.