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ÉcoCités : les villes du futur en marche

Article du numéro 432 - 15 novembre 2011

Environnement

Les premiers chantiers labellisés « ÉcoCités » vont démarrer. L'État Vient de donner le feu vert au lancement de 93 projets innovants, répartis dans treize agglomérations françaises.

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Suite au Grenelle de l'environnement, l'État s'est engagé avec les collectivités, à construire des écoquartiers... et des ÉcoCités. Treize projets d'ÉcoCités ont été retenus. « Ils ont tous des enjeux, des échelles différentes, des spécificités propres » déclare Juliette Berthon, chargée de projet au pôle ÉcoCités du ministère du Développement durable. Avec les ÉcoCités, il s'agit de « s'attaquer » à des pans entiers de villes, l'objectif étant de donner un avant-goût de l'ère « post-carbone » (horizon 2020) aux citoyens, autant que de générer des nouvelles activités vertes pour stimuler l'économie. Ces ÉcoCités concentreront tout ce qui peut se faire de meilleur aujourd'hui en matière de construction, d'énergie, de protection de l'environnement.


L'imagination au pouvoir

En matière de conception urbaine, les ÉcoCités planchent toutes sur des « îlots démonstrateurs » avec l'intention d'aller au-delà du BBC et au-delà de la réglementation thermique actuelle, en mutualisant les énergies entre les bâtiments, et en exploitant les réseaux existants, et toujours en mariant la mixité des logements et des activités (commerces, hôtels, équipements). Mais il n'y a pas de recettes arrêtées, le ministère en appelle d'ailleurs à « l'imagination urbaine » des concepteurs. Strasbourg est cité en exemple avec son projet d'éco-centre 2.0, un bâtiment multi-usages, regroupant un pôle culturel urbain et un espace collaboratif en réseau.
L'eau, l'assainissement, l'éclairage public deviennent des sujets de premier plan. L'ÉcoCité de Plaine Commune va ainsi tester un système de captation de réutilisation des eaux pluviales à grande échelle sur le site des Tartres, afin d'organiser les espaces publics tout en préservant les activités de maraîchage. Sobriété énergétique promise dans les ÉcoCités de Clermont-Ferrand, Bordeaux et Grenoble grâce à de nouveaux systèmes d'éclairage, boucle de thalassothermie à Marseille pour le chauffage et le rafraîchissement du bâti, réutilisation des eaux usées à des fins industrielles à Nantes-Saint-Nazaire. L'anticipation des futurs changements climatiques est aussi dans les esprits. Ainsi à Nice, l'espace public du pôle multimodal Grand Arénas, sera muni d'un dispositif de monitoring destiné à lutter contre l'effet d'îlot de chaleur urbain...


Exit la voiture

Pour réduire la dépendance à la voiture, dynamiser les quartiers, structurer la vie de quartier, les ÉcoCités savent qu'elles ont fort à faire. Les leviers sont pourtant connus : la gestion mutualisée du stationnement, la mise en place de véhicules électriques, l'auto-partage, l'offre de vélos. Il s'agit ici d'aller un cran plus loin dans la technologie : Nice, Rennes, Bordeaux, la Réunion vont tester des bornes de recharges pour les véhicules électriques. L'accès à l'offre de transports alternatifs devra être étudié pour enfin réussir. Strasbourg planche sur la création de centres de transports urbains de proximité, Grenoble sur un « pass mobilité ». Nice propose la gestion des flux en temps réel pour mieux diriger les voyageurs... À Nantes, on imagine s'affranchir du billet avec un système de paiement mensuel à la carte. Dans la plupart des projets l'offre de stationnement est fortement réduite (1 place de parking pour 10 voitures à Grenoble). Des réflexions autour des circuits de livraisons de marchandises en ville sont également menées.


Croissance verte toute !

L'une des conséquences espérées par l'État et les collectivités locales de la mise en chantier de tous ces projets innovants est l'emploi vert. D'où la kyrielle de partenaires privés associés aux différentes ÉcoCités : Cisco, IBM, Suez, Veolia, Orange, Vinci etc., les pôles de compétitivité, les PME locales. Interlocutrices de l'État, les collectivités jouent ainsi les animatrices des projets et veillent à ce que les entreprises apportent le meilleur de leurs technologies, de leurs méthodes. Chaque territoire veut faire fructifier ses emplois locaux et verts. L'ÉcoCité strasbourgeoise projette ainsi la construction d'un îlot résidentiel en bois pour développer un savoir-faire local et structurer une filière sylvicole. Nantes-Saint-Nazaire veut s'appuyer sur ses activités portuaires et industrielles pour certaines de ses opérations immobilières.

L'ÉcoCité Grenobloise compte aussi sur Schneider Electric pour y révolutionner l'alimentation en énergie. « Le quartier doit être autosuffisant en énergie électrique, explique Pascal Yenigotchian, directeur commercial région Grand Est chez Schneider Electric France. Pour cela nous recensons actuellement tous les besoins et usages, et réfléchissons à des solutions pour réguler l'énergie au moment des pics [...] C'est le futur de l'urbanisation, des déplacements, de la qualité de vie de Grenoble et de l'agglomération qui est en jeu ». Et aussi les relais de croissance pour la multinationale fortement implantée à Grenoble.


L'État versera 1 milliard d'euros

Le 4 octobre dernier, après avoir auditionné les candidats courant juillet, l'État a remis 40 millions d'euros, au titre du fonds Ville de demain, aux 13 ÉcoCités (répartis sur 93 projets, soit 10 à 35 % du budget pour chacun des projets). L'État soutient majoritairement des missions d'ingénierie pour cette première session.
49 projets ont été présélectionnés, pour un prochain tour de table début 2012. Au total, l'État versera entre 2010-2017 (1) 750 millions d'euros pour les 13 ÉcoCités, et 250 millions pour 6 nouvelles ÉcoCités qui répondront prochainement à un nouvel appel à candidatures. Juliette Berthon chargée de projet au pôle ÉcoCités du ministère du Développement durable précise : « La particularité de notre financement est que l'État s'engage à hauteur de 400 millions d'euros sur de la participation directe avec notre partenaire la Caisse des dépôts et des consignations, dans les projets ». L'État espère ainsi récupérer une partie de sa mise.
(1) À noter qu'en février 2011, toujours au titre du fonds Villes de demain, 12 ÉcoCités s'étaient partagé 200 millions d'euros pour leur projet de transport en commun en site propre.


Témoignage

Stéphane Siebert
adjoint au développement durable à Grenoble

« Les usages vont être bousculés »
« À ce stade, ce que l'on peut dire, c'est que nous pouvons être satisfaits de voir la plupart de nos actions présélectionnées ou éligibles, ce qui traduit le fait que le dossier grenoblois a été jugé de qualité. Dans cette ÉcoCité, nous allons explorer de nouvelles voies : celle de la conception intégrée d'un quartier, au niveau de la gestion coopérative et de la mutualisation de l'énergie, dans la mobilité en offrant des services de mobilité aux nouveaux habitants. Quant aux usages, ils vont être bousculés : pas de parking à l'intérieur des immeubles mais un silo extérieur mutualisé [...] À chaque étage : un espace bioclimatique pour faire pousser des légumes, un autre pour accueillir des visiteurs. Toutes ces nouveautés, sans surcoûts significatifs. Nous travaillons ainsi, avec ces mêmes objectifs de qualité de vie, dans notre projet de réhabilitation des quartiers Sud ».


Témoignage

Marc Baïetto, président de Grenoble-Alpes Métropole

« Nous pensons déjà à la diffusion des principes de l'ÉcoCité à toute l'agglomération : notre objectif, c'est faire de la communauté d'agglomération de Grenoble la première agglomération « post-carbone » en France. Nous avons, dans ce cadre, engagé un travail de prospective avec le laboratoire Phosphore IV d'Eiffage. Nous réfléchissons également, au niveau du Sillon alpin, à la poursuite de notre action. La notion de développement durable doit en effet devenir un élément central de réflexion et de coopération entre les agglomérations du Sillon. »


Témoignage

Anne Gellé
adjointe à l'environnement, au développement durable et aux transports
Argenteuil

« Un important travail de pédagogie à faire auprès des habitants »
Anne Gellé, adjointe à l'environnement, au développement durable et aux transports à Argenteuil, a participé, en tant que représentante de l'Association des maires des grandes villes au jury qui a présélectionné les dossiers des 13 ÉcoCités.
« Le projet de Rennes m'a particulièrement plu, avec son défi d'arrêter le mitage urbain. Je pense que ces ÉcoCités doivent toutes faire une large place au logement social et vont avoir un gap à franchir en limitant le stationnement pour améliorer les déplacements alternatifs à la voiture individuelle. Je suis également curieuse de la manière dont elles vont réintroduire vraiment la nature en ville, et non pas simplement des espaces verts. Il y aura enfin un important travail de pédagogie à faire après des habitants, pour expliquer les raisons de ces quartiers, et assurer leur appropriation... »