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Un budget fait d'activités et de performances

Article du numéro 427 - 01 septembre 2011

Finances

Les assemblées délibérantes disposent d'outils juridiques formalisant les grandes étapes budgétaires, au premier rang desquels figure le DOB (débat d'orientation budgétaire). Mais pour que l'exécutif puisse se positionner dans ce débat, charge à l'administration de lui proposer ces outils.

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Le CGCT (1) stipule qu'un rapport d'activités de l'EPCI doit être adressé à chaque maire des communes membres, accompagné du compte administratif avant le 30 septembre de chaque année ou, dans la LOLF, de produire le rapport annuel d'activités et de performances qui s'inscrit dans une démarche de pilotage par l'évaluation de la performance.


Les enjeux

Ainsi lors du DOB, si l'ensemble des collectivités disposaient d'un outil d'évaluation au service de l'exécutif, cela permettrait à l'assemblée de mesurer l'impact de son action et d'apporter les mesures correctives éventuellement nécessaires pour atteindre au mieux les objectifs fixés lors de leur mandat. Elles posséderaient également un véritable outil de communication interne et externe (partenaires, élus, administrés, collectivités...) de mise en œuvre, à la fois du mandat mais aussi des différents contrats d'objectifs conclus avec différents partenaires, lettres de missions confiées au cadre de l'administration, ou de projets d'administration portés par la DG.


Le RAP, un outil de pilotage parallèle à la démarche budgétaire

La LOLF parle en programme assujetti à des PAP (les projets annuels de performances) et des RAP (rapports annuels de performances). Il ne s'agit pas pour les collectivités de copier les dispositions de l'État, mais bien de s'appuyer sur une logique matricielle pouvant aider élus et fonctionnaires à piloter leurs actions publiques. Ce sont des documents orientés sur les performances. Ils présentent donc les objectifs stratégiques en matière de politique publique assortis de leurs indicateurs, ils contiennent des informations utiles à la compréhension des principales actions, aidant parallèlement à la justification de dotations, d'aides ou de subventions.

Méthodologiquement, le rapport annuel de performances doit être alors structuré comme le projet annuel de performances, afin de faire apparaître pour chaque sujet les écarts entre prévision et exécution.

Au même titre que la démarche budgétaire (DOB, BP, CA), la démarche se traduit en trois étapes :
- l'élaboration d'un diagnostic qui analyse l'activité de l'administration au travers des indicateurs budgétaires (compte administratif) et de la définition des objectifs fixés par l'exécutif ;
- l'élaboration du PAP, qui à partir du projet politique, se transpose en projet d'administration et en projet de service sur une temporalité annuelle et pluriannuelle (le temps d'un mandat à minima), dans lequel sont déclinés : les axes prioritaires définis lors de la campagne traduits notamment en actions à conduire, les moyens à mettre en œuvre, et les indicateurs d'évaluation de la politique publique engagée ;
- l'élaboration du RAP, qui chaque année évalue les réalisations et les régulations éventuelles des projets ; puis il détermine le degré d'atteinte des objectifs initiaux, dans la perspective d'une nouvelle élaboration de projet ou de nouveaux objectifs.


Des objectifs pour la performance publique

Les choix d'objectifs et d'indicateurs doivent correspondre aux attentes des citoyens, des usagers et des contribuables. Trois objectifs déclinent la performance publique.
Les objectifs d'efficacité socio-économique concordent avec les attentes des citoyens. Ces objectifs concernent la modification de l'environnement économique, social, écologique, sanitaire, culturel, etc. Ils présentent non pas ce que fait l'administration (ses produits), mais l'impact de ce qu'elle fait (ses résultats socio-économiques), par exemple la réimplantation d'entreprises réduisant le chômage sur le territoire, aide à l'installation de médecins généralistes pour rapprocher l'offre de soins, etc. Les objectifs socio-économiques traduisent plus particulièrement la recherche de l'intérêt général.

Les objectifs de qualité de service intéressent l'usager. Ce dernier peut être externe (utilisateur d'un service public) ou interne (service RH, par exemple). Ces objectifs concernent l'amélioration de la prestation, accueil petite enfance, périscolaire, sport, sanitaire, culturel, etc. Ils présentent non pas ce qu'offre l'administration (ses services), mais la qualité de ce qu'elle propose (ses résultats qualité), exemple : 100 % d'animateurs diplômés de l'animation socioculturelle dans les CLSH, 100 % des gestionnaires paie formés tous les deux ans aux évolutions du logiciel de paie. Les objectifs qualité traduisent plus particulièrement la recherche d'un niveau de service attendu.
Enfin, les objectifs d'efficience de la gestion intéressent le contribuable. Il s'agit soit d'accroître les produits des activités publiques à moyens égaux ; soit de maintenir le même niveau d'activité, mais avec moins de ressources. Les objectifs d'efficience se rapportent donc à la productivité.
Ainsi, les indicateurs servant à mesurer les objectifs de la politique publique menée sur le territoire peuvent être déclinés sous ces trois volets indépendamment ou simultanément.


Partir d'un bilan à mi-mandat

La mise en œuvre d'outils d'aide à la décision passe nécessairement par un bilan, la période actuelle est bien propice pour s'amorcer à la méthodologie.

À partir du programme électoral de l'exécutif, il est possible de dresser avec les élus des indicateurs d'objectifs qui serviront de point de départ. Parallèlement, dans de nombreuses collectivités, sans pour autant avoir des PAP ou des RAP, il existe des projets de service et des bilans d'activités dont de nombreux chiffres sont extraits de logiciels métier. Il suffira alors en fonction des besoins de chaque acteur, les élus dans le pilotage de l'action publique, la DG dans le pilotage de l'administration, les directions opérationnelles dans le pilotage de leur activité, d'harmoniser les outils, les indicateurs et la forme de ceux-ci pour produire un document unique méthodologique.


Limites et questions

Cette approche comporte des limites sur lesquelles il faut se questionner. L'appropriation de tels outils dans le but d'une simple stratégie de présentation, ou pire, d'une mauvaise conception et intellectualisation de ces techniques managériales relevant alors de l'incompétence, peut être dangereuse. Cela n'empêchera jamais les collectivités de communiquer ses actions et ses résultats comme elle l'entend.

Plusieurs problèmes se posent en effet. Mettre en place une telle démarche pour mesurer l'action publique nécessite qu'il y ait un certain degré de contrôle sur les résultats à obtenir par les managers sur l'ensemble de l'échelle pyramidale (de l'élu au manager de proximité).

Ensuite, il faut prendre en compte le temps de la création, l'appropriation, la formation, l'acculturation, car l'on n'obtient pas des services une telle pratique globale aussi aisément. Enfin, les résultats peuvent être fléchés et/ou mal interprétés, il faut de la modération car ils ne disent pas le vrai et le faux, ils établissent un rapport cohérent, chiffré et pragmatique, soumis à la validation des décideurs, qui élaboreront les stratégies à poursuivre.

Les services, pour engager une dynamique et assurer progressivement le relevé des données et des indicateurs, devront produire mensuellement des revues d'activité et de gestion, qui seront des instruments très utiles à condition de ne pas élaborer des outils trop pointus, laborieux, indigestes et chronophages. Ce recueil comportera cinq grands chapitres : le suivi de projet, le suivi financier, le suivi RH, le suivi métier et le suivi qualité.


Entrée dans l'ère de l'ingénierie administrative

Progressivement, les collectivités se dotent d'une ingénierie administrative, qui prône une gestion globale des pratiques administratives de l'administration, avec comme finalité la conception et la formalisation d'un dispositif et d'outils communs, et d'un renforcement des compétences pédagogiques chez les encadrants, qui permettront l'appropriation de cette culture par tous. Cette logique impose étude, conception, réalisation et adaptation d'un projet d'administration qui sera enrichi par l'apport d'experts métiers qui étudieront la démarche sous ses aspects techniques, économiques, financiers et sociaux. Elle regroupe l'ensemble des méthodes et des outils permettant d'acquérir les fondamentaux de la gestion administrative avec des objectifs clairement définis dans une logique d'optimisation des pratiques et des coûts.

Cette ingénierie trouve tout son intérêt dans la gestion d'un projet d'administration aux trois échelles hiérarchiques (élus, encadrement, agents), dans une logique de gain de temps et de coût, pour rendre l'action publique efficiente.

1. Article L5211-39 du CGCT.


Une déconcentration des fonctions

Cependant, cette démarche doit passer par une appropriation globale du projet par les élus et la DG, car ce sont les premiers intéressés mais aussi les porteurs du projet.
Il faut ainsi accompagner l'encadrement en proposant de constituer les directions opérationnelles comme des centres de responsabilité autonomes, qui géreront leur activité principale mais aussi les fonctions ressources. Ainsi, des concepts comme la RH partagée ou la finance partagée prendront toute leur place dans cette dimension, et les encadrants de ces directions opérationnelles deviendront progressivement des managers généralistes.

Néanmoins, pour se soumettre à cet exercice, nous devons préalablement nous poser la question des compétences internes nécessaires au déploiement de cette logique, qui nécessitera certainement l'élaboration d'un plan de formation ciblé des élus aux agents. S'engager dans une telle démarche, c'est s'engager dans de nouvelles pratiques professionnelles à toutes les échelles. C'est recruter nos nouveaux collaborateurs avec de nouvelles compétences. C'est l'accompagnement de l'encadrement et des équipes dans une nouvelle démarche. C'est se remettre en question sur ses propres pratiques professionnelles. C'est recourir à des logiques d'optimisation nécessitant recherche et créativité, etc.

Ainsi, ces nouveaux managers établiront des PAP et des RAP qui auront la double utilité, celle d'aider l'exécutif dans les choix stratégiques inhérents à la politique publique et aux choix à formuler lors des DOB, mais aussi aux équipes en leur proposant un outil de pilotage et de communication fédérateur.


Démystifier l'image d'une productivité publique

Il est évident que cette démarche peut s'accompagner d'une réticence ou d'une résistance des agents ou des cadres à l'utilisation d'une telle méthodologie dans leur activité. Ce n'est pas un moyen de contrôle de la productivité des agents, c'est une démarche structurante et pragmatique qui facilite le pilotage, la décision et permet de se positionner dans le temps.
C'est un outil de communication objectif qui formalise les actions engagées associées à une démarche qualité et une analyse financière, rendant lisible l'action publique et valorisant le travail de tous.