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Personnes âgées : questions d'avenir

Article du numéro 414 - 15 janvier 2011

La lettre numérique

Plus d'un tiers de la population française aura plus de 60 ans en 2050, une évolution non sans conséquences. Les communes, les intercommunalités, les collectivités locales en général sont-elles prêtes à accompagner les changements, à financer la dépendance, à anticiper la réforme territoriale ?

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Au moins trois générations se côtoient dans la catégorie « personnes âgées ». « Leurs aspirations sont aussi différentes que leurs vécus » résume Jean-Michel Caudron, consultant en ingénierie gérontologique. Mais quel que soit leur âge, il ne faut pas perdre de vue que toutes veulent « rester dignes et actrices dans la vie de la cité ».

Pour leur laisser cette place, il faut lutter contre l'isolement et la société l'a bien compris. On voit ainsi pointer des pistes de solutions dans tous les domaines : domotique, construction de maisons de retraite en centre-ville, plate-forme de services proches des personnes âgées, organisation d'ateliers intergénérationnels...

Mais comment y voir clair dans cette panoplie de propositions ? Le CCAS pour les communes, ou les CIAS dans les intercommunalités, notamment rurales (encore trop peu nombreux) sont attendus pour coordonner ces initiatives avec les autres partenaires institutionnels. Le décret du 6 mai 1995 les oblige d'ailleurs à procéder à l'analyse des besoins sociaux et à réorienter leurs actions en conséquences. « Aujourd'hui nombre de CCAS se contentent de gérer des services et des établissements » note Jean-Michel Caudron.


Aider les aidants

Un groupe se détache dans ce large ensemble que forment les personnes âgées : les 55-75. Cette génération sandwich est, ces derniers temps, particulièrement sollicitée, elle fait le pivot entre les plus âgés et les plus jeunes. « Le temps de travail de ces aidants naturels est équivalent à ½ million de temps plein de professionnels » indique Jean-Michel Caudron. « 50 % des personnes en perte d'autonomie ne sont aidés que par leurs enfants. 80 % du volume des aides aux personnes en perte d'autonomie viennent des aidants ». La question qui demeure : mais qui va aider les aidants lorsqu'ils seront dépendants à leur tour ?

Car leurs enfants sont en moins grand nombre et se retrouvent plus éloignés... Il faut probablement se creuser la tête encore un peu plus : mettre en place de nouvelles formes de services comme les gardes itinérantes de jour et de nuit, ou transposer la pratique du « baluchonnage » au Québec. « Un professionnel arrive avec son baluchon remplacer l'aidant qui s'absente pour prendre du répit » explique le consultant.


Une approche transversale

Pour la première fois, un rapport, celui d'Alain Franco de juin 2010, aborde le vieillissement des personnes âgées de manière transversale, habitat, technologie, urbanisme, économie, et surtout de manière positive. Jean-Michel Caudron partage cette approche : « la démarche de projet devrait être toujours partir d'un diagnostic partagé, pour aboutir à un projet partagé ».

On ne devrait donc plus à l'avenir lésiner sur la concertation de l'ensemble des acteurs, avec les usagers eux-mêmes, les représentants des conseils de vie sociale des établissements et des services d'aides à domicile, les citoyens lambda. Ainsi, pour échanger sur le présent et l'avenir ensemble, les Cafés des âges sont des lieux de débat citoyen intéressants, où tous les sujets sont abordés.


Financement : l'Etat ou le privé ?

La question du financement de la dépendance devient préoccupante. Dans son rapport, la députée de Meurthe-et-Moselle Valérie Rosso-Debord propose des pistes de financements : à savoir de réduire l'APA de moitié pour les personnes de plus de 60 ans en perte d'autonomie sauf pour ceux qui pourront disposer d'une assurance dépendance privée ou gager leur patrimoine. Mais faut-il laisser au marché le soin de traiter la question de l'accompagnement de la perte d'autonomie ? « La prise en compte d'un vrai cinquième risque dépendance serait de créer un réel droit universel à une compensation du handicap quelque soit son âge » pense au contraire Jean-Michel Caudron. Le spécialiste a fait des calculs précis et assure que l'on peut financer ce « 5ème risque » aisément, sans rompre le pacte social mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale.


Qui pilote l'action médico-sociale ?

Depuis la loi du 13 août 2004, le Département est le chef de file de l'action sociale. Or depuis 2010, la loi "Hôpital, patients, santé, territoires" a fait disparaître les directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales (Drass et Ddass), en créant l'Agence régionale de santé (ARS). Cet établissement public est chargé de définir et de faire appliquer la politique régionale de santé via des schémas régionaux...

Comment le leadership du Conseil général sur les politiques du vieillissement et du handicap va-t-il coexister avec la nouvelle ARS. « S'il n'y a pas de résistance de la part des Départements (grâce à un schéma départemental d'organisation médicosociale structuré et précis), ceux-ci pourront se voir imposer les orientations régionales du fait du schéma régional médicosocial qu'adoptera le super préfet sanitaire qu'est le directeur de l'ARS... ».

La réforme territoriale amène d'autres inquiétudes. Dans la nouvelle configuration territoriale, le Département et la Région vont se rapprocher, avec un seul élu, le conseiller territorial. En outre, la suppression de la clause de compétence générale interroge aussi. La clause de compétence générale autorisait chaque collectivité à s'occuper de domaines qui ne sont pas spécifiquement de son ressort. Ce qui veut dire, à l'avenir, qu'il n'y aura plus qu'un seul financeur (et donc moins de financements) pour des projets d'envergure comme la construction d'une maison de retraite.

Pour une région, cela reviendrait à ne plus financer cette construction, le secteur social et médico-social ne relevant pas de ses compétences, mais de celle du Département.


A signaler en librairie :

- Les collectivités locales et la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, ouvrage collectif, paru aux éditions Territorial

- Le dossier d'expert Politiques gérontologiques locales, ouvrage cosigné de Mme Nicole Bohic et de M. Jean-Michel Caudron, paru aux éditions Territorial