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L'européanisation en marche par étapes

Article du numéro 413 - 15 décembre 2010

La lettre numérique

Le politologue Pierre Bauby, grand expert des questions de services publics en Europe rappelle que coexistent en Europe, et ceci depuis très longtemps, des modèles très différents de services publics. Mais il existe aussi des « piliers communs » à tous les pays membres de l'UE et une évolution par étapes vers une conception commune.

Retrouvez deux autres papiers sur l'Europe et les services publics : Européanisation des services publics et crise économique et Services publics en Europe : une dynamique de concurrence régulée

A écouter : le podcast de l'interview du politologue Pierre Bauby.

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Chaque état membre de l'Union Européenne a construit son propre système de services publics au gré d'une longue histoire et en fonction de sa propre tradition et de sa culture. La conception française, issue de la Révolution et bâtie sur les principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, n'en est qu'une des variantes.

En France même, cohabitent deux modèles du service public : les grands services publics nationaux, définis et organisés directement par l'Etat (éducation, santé, énergie, transport, communications...) et les services publics locaux, gérés par les communes, les départements ou les régions, qui les délèguent très souvent à des entreprises privées.

Les états européens de type fédéral ont pour leur part toujours accordé plus de compétences aux échelons local et régional, y compris en matière de services publics. Et chaque pays a développé, au gré de son histoire, des services relevant, pour l'essentiel, de monopoles nationaux, régionaux ou locaux.


Flou sémantique initial

Mais s'il constate cette grande diversité de systèmes, Pierre Bauby estime aussi que le secteur des services publics présente en Europe une profonde unité : dans tous les pays européens, les autorités publiques ont estimé depuis longtemps que certains biens ou services ne peuvent pas relever des seules règles de la concurrence, mais doivent relever de règles particulières permettant de garantir l'accès des citoyens à des services essentiels, de garantir des rapports de cohésion et de solidarité à l'intérieur du corps social, et de remédier aux défaillances du marché.

Ces trois « piliers » du service public, on les retrouve partout en Europe, même si chaque pays a ses propres mots pour les qualifier. Quand l'Europe a émergé comme institution, il a donc fallu trouver un langage commun entre les différents pays membres pour se comprendre et parler de la même chose.

Ainsi sont apparus, dès le Traité de Rome de 1957, les expressions de « services d'intérêt général » (SIG) ou de « services d'intérêt économique général » (SIEG) . Pierre Bauby explique qu'il n'y a jamais eu de définition européenne clairement établie de ces services. Mais grâce à ce flou sémantique initial, ont pu se construire, étape par étape, des fragments d'une conception commune du service public.


Entre libéralisation et service public universel

Pour assurer la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux, fondement du marché commun de 1957 puis du marché unique à partir de 1986, l'Europe a certes entrepris d'éliminer les situations de monopole de manière progressive.

Mais cette libéralisation s'est accompagnée, en contrepartie, et dès le départ , de l'instauration de règles communes sur les services publics d'intérêt général, d'obligations de service public, et même de la mise en place, dans certains domaines, de services publics universels qui n'ont rien d'un service minimum. Par exemple le service postal universel, qui garantit à tout citoyen de l'UE la relève et la distribution des lettres et paquets en tous points du territoire européen au moins cinq jours par semaine. C'est une garantie forte qui accompagne l'ouverture à la concurrence postale.

Le traité d'Amsterdam de 1997 cite les services publics comme une « valeur commune » de l'Union européenne, contribuant à la cohésion sociale et territoriale de l'Europe. La charte des droits fondamentaux de l'UE de 2000 reconnait elle aussi l'accès aux SIG comme faisant partie des droits fondamentaux européens.

Enfin le traité de Lisbonne, signé en 2007 et applicable depuis fin 2009 consacre lui aussi ces « valeurs communes » et, dans son protocole annexé, garantit une large liberté de décision des Etats et des collectivités territoriales en la matière. Dans ce qu'il qualifie de processus « d'européanisation des services publics », la particularité, c'est justement, pour Pierre Bauby, cet équilibre et cette tension permanents entre des règles communautaires qui se construisent et se précisent peu à peu, et de larges pouvoirs de décision qui restent aux Etats et aux collectivités territoriales.


Mini CV

Pierre Bauby, ingénieur diplômé de l'EEIP, et docteur en science politique (IEP Paris), a accompli une longue carrière à EDF, dont il est aujourd'hui retraité. Il a notamment suivi pendant une quinzaine d'années pour l'électricien français les enjeux européens liés à l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie. Il a ainsi dirigé de 1991 à 2003, le laboratoire de recherche « Observatoire Electricité et sociétés » d'EDF, ainsi que la revue « Electricité et sociétés ».

Cet expert des services publics en Europe, de l'européanisation des services publics et des enjeux de la régulation a mené en parallèle une carrière de recherche et d'enseignement, notamment à Science Po Paris, à l'Université Paris VIII, à l'Université Lille 3 Charles de Gaulle, à l'Ecole nationale d'administration, à l'Ecole nationale des ponts et chaussées, au Centre national de la fonction publique territoriale, à l'université catholique de Louvain-la-Neuve (Belgique)...

Il a publié à l'automne 2010, aux éditions de la Fondation Jean Jaurès, et avec la députée européenne Françoise Castex présidente de l'inter-groupe « services publics » du Parlement européen, un essai, "Europe : une nouvelle chance pour le service public". Pierre Bauby est aussi président de l'association RAP (Reconstruire l'Action Publique).


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