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QPC : une cure de jouvence pour le conseil constitutionnel ?

Article du numéro 412 - 01 décembre 2010

Repères

Le Conseil Constitutionnel souffrait indéniablement d'une image vieillotte et terne dans l'opinion publique. À l'image de son président, désormais invité dans des émissions aussi « légères » que Le fou du roi, le Conseil Constitutionnel semble avoir entrepris, grâce à la récente et pourtant déjà célèbre procédure de QPC, une véritable cure de jouvence.

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Vincent Lacroix
Avocat au Barreau de Lyon
v.lacroix@itineraires-avocats.com


L'idée d'une saisine directe du Conseil Constitutionnel par les citoyens n'est pas nouvelle : dès le début des années quatre-vingt-dix, à l'initiative de Robert Badinter qui le présidait alors, la possibilité de contester la conformité des lois à la Constitution, par voie d'exception, avait été envisagée par François Mitterand.


Un réel engouement

Mais il aura fallu attendre 2008 pour qu'un article 61-1 soit inscrit dans la Constitution et, bien que ne prévoyant pas une saisine directe du Conseil par le justiciable, ouvre néanmoins, par le filtre du Conseil d'État et la Cour de Cassation, l'accès à un contrôle constitutionnel. Il est ainsi prévu que « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de Cassation qui se prononce dans un délai déterminé [...] ».

Applicable depuis le 1er mars 2010, cette procédure a été engagée à de nombreuses reprises, puisqu'à ce jour, malgré le filtre efficace des deux hautes juridictions civiles et pénales, le Conseil Constitutionnel a déjà rendu 48 décisions... Sur l'ensemble de ces décisions, on notera que 8 d'entre elles sont des décisions de non-conformité totale et que 8 autres constatent soit une non-conformité partielle, soit une conformité sous réserve ; toutes les autres sont des décisions de « conformité » ou de non-lieu à statuer.


Une procédure de « rattrapage »

Les justiciables, les avocats et les juristes de droit public comme de droit privé, voient sans aucun doute dans cette procédure la possibilité de mettre en échec l'application de dispositions législatives dont l'inconstitutionnalité pouvait apparaître patente, mais qui n'avait pu en son temps être déclarée, à défaut de saisine du Conseil au moment du vote de la loi, et ainsi remettre en cause l'issue attendue défavorable d'un procès. Il en a été ainsi de la déclaration (attendue) de non-conformité de l'article L7 du Code électoral, prévoyant un régime d'inéligibilité automatique (1) dont le Conseil Constitutionnel avait admis implicitement l'inconstitutionnalité, mais s'était dit impuissant à remédier à cette situation en l'absence de procédure lui permettant de se prononcer sur la constitutionnalité de cet article. On notera sur ce point que l'abrogation de cette disposition par le Conseil Constitutionnel, pour logique qu'elle soit, a permis d'éviter au législateur de venir régler lui-même cette question par une modification de la loi, ce qui aurait indiscutablement été mal perçu par une opinion publique dont la confiance envers ses élus est indiscutablement limitée.

Au regard de la quantité de « matière législative » en stock dans le droit français, non soumise à ce jour au contrôle du Conseil Constitutionnel, parions que cet engouement n'est pas prêt de se tarir. La situation politique actuelle d'opposition entre la majorité parlementaire et la majorité de la plupart des collectivités territoriales ne peut qu'encourager, que ce soit dans le cadre des QPC ou dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois avant leur promulgation, un recours toujours plus important au Conseil Constitutionnel dans sa version « rajeunie » aux yeux de l'opinion.

1. Décision n° 2010-6/7, QPC du 11 juin 2010, M. Stéphane A.