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Le coaching : réel intérêt ou effet de mode ?

Article du numéro 411 - 15 novembre 2010

La lettre numérique

Scarlett Salman, sociologue, ne cherche dans ses travaux ni à dénoncer ni à promouvoir le coaching. Elle estime que c'est un moyen mis au service de la fin qu'on lui assigne. C'est un outil, une pratique pas nécessairement pertinente pour toutes les questions.

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Coaching : « accompagnement professionnel d'une personne ou d'une équipe pour le développement de leur potentiel dans le cadre d'objectifs professionnels », c'est cette définition, la plus couramment admise en milieu professionnel, que valide la sociologue Scarlett Salman. Même si de très grandes sociétés le prescrivent aussi aujourd'hui aux « middle managers», le coaching reste limité à un petit nombre de salariés, surtout cadres supérieurs ou dirigeants. Peut-être une cinquantaine de cas par an pour un groupe de 150 000 salariés avec 10 000 cadres. Une mode managériale certes, mais pas plus que ne l'ont été en leur temps les thèmes de la « participation » ou de la « culture d'entreprise ».

La fonction publique territoriale commencerait aussi à faire coacher certains cadres : si Scarlett Salman n'en a pas interrogés, elle a eu connaissance de cas où leur hiérarchie avait prescrit un coach à certains hauts fonctionnaires. Et on voit aujourd'hui apparaître des appels d'offre d'institutions publiques, hôpitaux, services d'inspection, pour du coaching individuel ou de la formation des cadres dirigeants au coaching.


L'importance du regard extérieur

Pour la sociologue, le recours au coaching fait partie de tout un mouvement d'externalisation de l'entreprise, comme la multiplication des conseils ou consultants externes dans tous les domaines. Mais le conseil en management contient aussi l'idée que pour conduire certains changements, « cela ne peut venir que de l'extérieur » , et que mieux vaut faire le détour du tiers, car dire les choses de manière directe et frontale pose des tas de problèmes et peut générer une certaine violence.

Pour elle, le coaching est très rarement demandé par le salarié ou le cadre. Il est surtout recommandé ou prescrit par le supérieur hiérarchique quand une situation délicate survient : objectif non atteint, mobilité proposée, promotion ascendante ou tout autre enjeu professionnel fort. En prescrivant le coaching, l'entreprise envoie un signal. Mais le coaching apporte aussi un espace de discussion : le cadre va pouvoir dire à son coach ce qu'il ne pourrait pas dire à son supérieur ou à son DRH et voir, une fois la confiance établie, ce qu'il peut construire avec lui.

Le coaching a donc un double effet : d'abord, il soulage et apaise le cadre. Avec un vrai avantage pour l'organisation puisqu'il amène le cadre à accepter une situation difficile. Mais il l'amène aussi à s'interroger sur sa stratégie personnelle et individuelle. L'entreprise pourrait se méfier de cet effet là, mais elle n'a pas grand chose à perdre : si le cadre accepte le coaching c'est qu'il a envie de jouer le jeu de l'entreprise.


Savoir pourquoi utiliser le coaching

Coaching et service public sont-ils compatibles ? Ou le coaching est-il réservé aux entreprises en compétition économique ou en situation de crise ? Scarlett Salman  estime que le coaching n'est qu'un outil au service de la fin qu'on lui assigne. Si son objectif est de développer la notion de service public, alors les deux termes ne sont pas incompatibles. Le coach parle en effet de recherche de performance et de bien-être des salariés. La performance n'est autre que l'atteinte d'objectifs. Or dans une organisation de service public, existent bien évidemment des objectifs à tenir.

En d'autres termes, si le coaching fait partie du « nouvel esprit du capitalisme » , il ne peut être limité à la sphère capitaliste. La culture du service public n'est donc pas à l'opposé du coaching. Celui-ci se rattache beaucoup plus à un mouvement de centration sur le sujet : on regarde désormais les individus comme des sujets qui ont des émotions. Au même titre que la thématique des risques psychosociaux ou du suicide au travail, le coaching fait partie d'un mouvement général de psychologisation et de subjectivation du travail.

Et c'est ce qui est nouveau : la société entend désormais aussi regarder le travail et les travailleurs sous cet angle de la subjectivité, du bien être ou du mal être. Pourquoi ? Là réside la vraie question de la sociologie. Qu'est-ce que ça promeut, qui cela aide-t-il, mais aussi, qu'est-ce que ça empêche de débattre ?...


Mini CV

Ancienne élève de l'école normale supérieure de Cachan, agrégée en sciences sociales, Scarlett Salman  poursuit depuis 2005 une thèse de doctorat sur « l'hygiène psychique au travail » à l'Université Paris X Nanterre, sous la direction de François Vatin, professeur de sociologie.

Cette recherche l'a amenée à étudier de manière approfondie, le coaching individuel en entreprise. Un phénomène apparu au début des années quatre-vingt-dix et qui s'est implanté surtout à partir des années 2000 dans les grandes entreprises françaises. Elle  a ainsi réalisé des interviews d'une cinquantaine de coachs et d'une trentaine de cadres coachés, et exploité un questionnaires sur ce sujet diffusé aux trois mille adhérents de l'associations française des DRH.


A lire

- "Coaching, mode d'emploi", dans le numéro 411 de la Lettre du cadre