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Solaire : tout pour ne pas tomber dans le panneau

Article du numéro 400 - 01 mai 2010

Environnement

En route pour le tout solaire ? Pas si simple. Certes, les collectivités ont commencé à utiliser la grande surface de toit que leur offre leur parc immobilier pour se lancer dans la production d'électricité solaire. Mais la baisse des tarifs de rachat et les difficultés juridiques peuvent entraver une marche qu'on disait triomphante.

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Le développement des énergies renouvelables et l'efficacité énergétique des bâtiments sont deux socles importants de la politique gouvernementale pour limiter l'accroissement des gaz à effet de serre. Ces objectifs contribuent également à la sécurité de l'approvisionnement, à limiter l'impact des fluctuations des prix des énergies fossiles et à la création d'emplois. Le plan de développement des énergies renouvelables, issu du Grenelle de l'environnement, fixe à 23 % la consommation d'énergie d'origine renouvelable en France à l'horizon 2020 (contre 14 % fin 2008). En fonction des secteurs géographiques, les générateurs photovoltaïques, qui ont aujourd'hui atteint un stade de maturité technique, seront donc au c½ur du dispositif permettant d'atteindre cet objectif.

Le développement des centrales solaires sera à l'avenir forcément limité : leur installation mobilise trop d'espace au sol (2 à 3 ha pour 1 MW produit), entraîne des conflits d'usage avec des terres agricoles ou forestières et génère des impacts visuels forts. En revanche, les installations solaires photovoltaïques apposées ou intégrées aux bâtiments ont de beaux jours devants elles. Or, à côté du parc immobilier privé, le parc immobilier des collectivités locales pourrait donc constituer un formidable support pour favoriser le développement de centrales de production photovoltaïques intégrées au bâtiment. Nous verrons que l'enjeu est important, surtout à l'heure d'une baisse décidée par le gouvernement des tarifs de rachat de l'électricité de la plupart des centrales intégrées aux bâtiments. Dans ces circonstances, la question du montage juridique satisfaisant le mieux l'intérêt des collectivités se pose.


Montages juridiques

Les collectivités ont la possibilité d'installer des panneaux photovoltaïques sur les toitures de leurs bâtiments privés et publics. Dans le premier cas, la toiture pourra être mise à disposition dans le cadre d'un contrat de louage. Dans la seconde hypothèse, la centrale appartiendra au domaine public par application de la théorie de l'accessoire, si elle est intégrée au bâtiment en se substituant à l'enveloppe de celui-ci. La convention ou le titre ayant pour objet la mise à disposition des installations présente alors le caractère d'une simple concession domaniale, voire d'une AOT, dont la durée correspond normalement à celle de l'engagement financier d'EDF.
Il faut encore rappeler que « la redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation » (Code général de la propriété des personnes publiques, art. L. 2125-3). Les règles de mises en concurrence prévues par le Code des marchés publics, les directives communautaires 2004/17 CE et 2004/18, CE du 31 mars 2004, les articles L. 1411-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales ne sont pas applicables.
Toutefois, pour éviter le risque de reproche, il est recommandé de mettre en ½uvre une procédure de consultation avec publicité préalable, ceci afin de ne placer aucun opérateur économique en situation d'abuser de la position dominante qui lui est conférée par l'acte d'autorisation. Cette consultation n'obéit qu'aux seules modalités déterminées par la collectivité propriétaire des installations.
La plus grande prudence s'impose cependant concernant les prestations d'entretien technique et de maintenance qui sont susceptibles de rentrer dans le champ du droit de la commande publique.
La collectivité peut également envisager de recourir à la maîtrise d'ouvrage privée afin d'assurer la conception, la construction, le financement, l'entretien technique, la maintenance et l'exploitation commerciale de la centrale dans le cadre, par exemple, d'un bail emphytéotique administratif conclu pour une durée de vingt ans, augmentée de la durée nécessaire à la réalisation de l'installation, qui conférera à son titulaire un droit réel d'occupation du domaine public, sur le fondement des dispositions des articles L. 1311-2 et suivants du CGCT.
Dans ce cas, le BEA pourrait constituer un marché public au sens de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004, s'il a pour objet « la réalisation [...] d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur ». Il faut préciser que la passation d'un BEA d'un montant supérieur à 4 845 000 euros HT doit respecter les formalités de mise en concurrence et de publicités requises par le droit communautaire. En deçà de ce montant, une procédure de mise en concurrence est néanmoins impérative, conformément au principe de transparence consacré par la CJCE (CJCE, 7 décembre 2000, Telaustria Verlags GmbH).
On relèvera encore que le projet pourrait être réalisé dans le cadre d'une autorisation d'occupation du domaine public constitutive de droits réels, conformément aux articles L. 1311-5 du CGCT.
Précisons enfin que les montages permettant d'externaliser le maître d'ouvrage sont susceptibles de compromettre l'accès au tarif « intégration au bâti » à 50 c¤/kWh hors TVA.
Le choix du montage contractuel requiert en conséquence une analyse au cas par cas, tenant compte des objectifs de la collectivité et de l'économie du projet.


Installations solaires intégrées : des montages financiers plus compliqués

La caractéristique essentielle de ces montages repose sur une garantie d'achat à un tarif fixe de l'électricité produite par les centrales sur une durée de 20 ans, donnant ainsi de la visibilité aux investisseurs. Tout producteur d'électricité photovoltaïque peut ainsi demander à EDF ou à un autre distributeur d'énergie non nationalisé d'acheter tout ou partie de sa production au tarif fixé par l'État.
Très attendus, les nouveaux tarifs d'achat ont été adoptés par un arrêté du 12 janvier 2010. Ce nouveau texte tient compte de la préoccupation du gouvernement de départager les projets « sérieux » (pouvant bénéficier d'un tarif attractif) des projets considérés comme spéculatifs, en l'occurrence des projets de grande ampleur, de puissance comprise entre 36 et 250 kWc (soit 2 500 m² de panneaux).
Désormais six tarifs sont prévus, en fonction du type d'installation concerné.
Si un tarif à près de 60 centimes d'euro du kWh est maintenu, il ne s'applique désormais qu'à un nombre très restreint de bâtiments (bâtiments à usage d'habitation). Mais surtout, des contraintes constructives draconiennes sont désormais posées pour bénéficier d'une prime majorée : nécessité d'assurer le clos et le couvert, assurant une fonction d'étanchéité, intégration obligatoire à un plan de toiture...

De fait, face aux problèmes de responsabilités constructives et d'assurance, l'accessibilité à cette prime rend obligatoire un constructeur unique pour la réalisation du bâtiment, ou à tout le moins de la toiture, et l'installation de la centrale. Pour les centrales construites sur des immeubles appartenant à des collectivités locales, un tarif de 50 cts du kWh est toujours envisageable : elles pourraient réaliser la centrale sous leur propre maîtrise d'ouvrage puis confier l'exploitation de cette centrale à un opérateur par AOT, charge à ce dernier de revendre l'énergie produite et de dégager suffisamment de rentabilité pour permettre le versement d'une redevance permettant à la collectivité d'amortir le surinvestissement. La contrainte de ce montage réside dans l'acceptation par l'opérateur d'une centrale qu'il n'aurait pas conçue au préalable.
Le tarif d'intégration simplifié au bâti, qui exige moins de contraintes constructives, est nettement plus simple à mettre en ½uvre, et peut permettre à un opérateur d'investir directement par lui sur une couverture déjà étanchée. Financièrement, ce tarif ne permet cependant plus d'assurer à de telles installations une rentabilité importante pour des opérateurs privés, d'autant qu'après 2012, le soutien de l'État évoluera à la baisse. L'arrêté comprend en effet une formule d'indexation dégressive des tarifs à compter de 2013, qui permettra d'ajuster le niveau de soutien à l'évolution des prix induite par les évolutions technologiques.

Les montages financiers public/privé sont donc aujourd'hui de plus en plus difficiles à finaliser, d'autant que les éléments d'incertitude et de coût habituels demeurent :
- le prix de l'installation et ses modalités
de financement (par fonds propres, par
emprunts) ;
- la qualité de la maintenance, garantissant une disponibilité maximale des installations ;
- la qualité des panneaux, et le coefficient de rendement solaire de ceux-ci, ou plus exactement le maintien dans le temps d'un rendement important des panneaux.
De nombreux projets en cours sont aujour­d'hui remis en cause, considérant l'absence de solutions économiquement acceptables pour les collectivités désirant faire appel à des tiers investisseurs qui exigent des TRI difficilement compatibles avec l'économie du photovoltaïque dans certaines régions et qui favorisent de ce fait des projets dans le sud de la France.

L'une des solutions envisageables est la mise en place d'outils d'investissement public/privé qui permettrait de pallier la carence du secteur privé.


Quelle maîtrise d'ouvrage ?

Les centrales de panneaux photovoltaïques installées sur les toitures des bâtiments ont une double fonction : assurer l'étanchéité de la structure et produire de l'électricité. Il ne peut donc être exclu que l'installation des tuiles solaires entraîne des désordres compromettant l'étanchéité, ou la solidité du bâtiment, ou l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs, le rendant impropre à sa destination.
Aussi, la prudence commande-t-elle de s'interroger au préalable sur l'opportunité de réserver au propriétaire du bâtiment la maîtrise d'ouvrage de la centrale. Dans cette approche, la toiture aménagée en centrale de panneaux photovoltaïques est ensuite mise en disposition en vue d'une exploitation commerciale, en contrepartie d'un loyer dont le montant permet de couvrir en tout ou partie la charge du surinvestissement que constitue la réalisation de la centrale.


À lire sur ce thème
« Énergies renouvelables : entre économies et écologie », La Lettre du cadre territorial n° 370, 1er décembre 2008.
Pour se former
« Développer le photovoltaïque sur son territoire », Lundi 14 juin 2010 à Paris.
Contact : Évelyne Schaeffer, Tél. : 04 76 93 71 04, e-mail : evelyne.schaeffer@territorial.fr