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Clubs pro : s'entraîner à la clarté

Article du numéro 395 - 15 février 2010

Sport

Le récent rapport de la Cour des Comptes sur les relations entre les clubs professionnels et les collectivités soulève de sérieuses questions. Les mauvaises habitudes, à la limite de la légalité, sont légions. D'où la sévère mise en garde de la Cour, qui enjoint les collectivités de mettre davantage de transparence dans leur politique de soutien aux clubs pro.

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Après 2 ans d'enquête, la Cour des Comptes a publié en décembre son rapport intitulé « les collectivités territoriales et les clubs sportifs professionnels ». Pour le rédiger, dix-neuf CRC se sont penchées sur six disciplines : football, hockey sur glace, basket, handball, volley-ball et rugby. L'objectif ? « Apporter un éclairage utile, tant pour les gestionnaires locaux et les administrés que pour les pouvoirs publics, sur les pratiques des collectivités en matière de concours à des clubs sportifs professionnels ». À n'en pas douter, il s'agit plus que d'un éclairage.


Quand la Cour illustre ses critiques

Des concours financiers en forte augmentation
Les subventions versées par les collectivités à la SASP Stade Lorrain Université Club Nancy (Basket pro A) ont augmenté en moyenne annuelle de 6,80 %. Les prestations de services ont progressé dans le même temps de 12,22 % en moyenne annuelle (2001 à 2007).
Idem pour le Montpellier Hérault Rugby Club, dont les participations ont augmenté chaque saison de 35 %, passant, pour les prestations de services, de 12 330 euros à 1 406 638 entre 2002 et 2006. Même constat pour la SASP Aviron Bayonnais Rugby Pro, dont les concours ont progressé de 60 % de 2002 à 2007.

Des clubs sous dépendance publique
Les subventions versées par les collectivités représentent 74,3 % des produits du Montpellier Agglomération Handball, 62 % à Melun-Val de Seine-La Rochette. En 2008, la suppression de la subvention de 330 000 euros versée par la CA Melun-Val de Seine, a eu pour conséquence la disparition de l'activité professionnelle.
À Paris, la Cour relève que tous les clubs (PSG, Stade français rugby, Paris handball club, Paris basket racing et Paris université club volley-ball) sont dépendants des contributions publiques.

Des missions d'intérêt général peu précises
Les subventions versées par la région Auvergne à la SASP Clermont foot Auvergne avaient pour contrepartie des engagements, soit sans rapport avec des missions d'intérêt général, telles que la création de postes d'agent commercial et d'agent de communication, soit purement sportifs. À Orléans et à Nancy, les conventions de financement prévoient le versement de subventions pour des missions d'intérêt général, mais aussi pour l'achat de places ou d'emplacements publicitaires, qui relèvent de la prestation de services.

Des prestations de services
À Toulon, le prix des prestations acquises par la ville à la SAOS Rugby club toulonnais a évolué sans lien direct avec leur qualité ou leur quantité. À Marseille et dans les Bouches-du-Rhône, les places achetées à l'OM et destinées aux associations sportives ou d'éducation populaire et aux jeunes, sont réparties entre les élus et les services.

Les équipements sportifs pointés du doigt
La cour signale l'absence de redevance (Clermont-Ferrand, Sochaux-Montbéliard, Caen...) ou d'un loyer anormalement bas (Chateauroux, Nancy...). Même lorsque le montant de la redevance a été fixé à un montant apparemment plus significatif, il ne semble pas toujours représentatif de l'avantage consenti à l'utilisateur de l'équipement. Autre technique dénoncée, l'augmentation de la redevance compensée par l'augmentation de la subvention.


Rééquilibrer les partenariats

Face à ces dysfonctionnements, la Cour ne se contente pas de demander l'application des règlements en vigueur. Elle recommande aux collectivités de définir les outils méthodologiques et comptables de chiffrage de la dépense en faveur du sport professionnel, afin d'améliorer la transparence de ce soutien. Mais elle veut aussi la mise en place d'instruments de suivi et d'analyse des concours apportés aux clubs sportifs professionnels, en forte croissance, afin de s'assurer que l'argent public est dépensé de manière utile et efficace.
Pour la Cour, le soutien accordé par les collectivités doit en effet relever d'une volonté politique et non plus d'une simple réponse aux besoins de financement des clubs.

Elle recommande donc :
- de déterminer le contenu des missions d'intérêt général dont elles confient l'exercice à des sociétés sportives et de veiller à leur accomplissement ;
- de définir la nature et l'étendue de leurs
besoins lorsqu'elles acquièrent des prestations de services ;
- de procéder à la valorisation tant des missions d'intérêt général que des acquisitions de prestations de service.
Conclusion sans appel : il est temps que le montant des concours financiers ne soit plus fixé de manière arbitraire en fonction des seuls besoins de financement des sociétés sportives.


Encadrer la mise à disposition des équipements

Premier impératif : régulariser la mise à disposition d'équipements sportifs et de locaux qui font partie du domaine public.
Aussi la Cour recommande-t-elle :
- d'autoriser l'utilisation privative d'équipements publics dans le cadre de conventions d'occupation domaniale et régulariser sans délai les utilisations sans titre ;
- de mettre en œuvre des dispositifs de publicité et de mise en concurrence pour l'attribution de ces conventions d'occupation domaniale, même si le Code général de la propriété des personnes publiques ne le prévoit pas explicitement ;
- d'imposer aux bénéficiaires de droits d'utilisation le versement de redevances représentatives de la valeur locative des installations, des frais d'entretien et de maintenance et des avantages de toute nature qu'ils en retirent.

La Cour recommande aux collectivités de ne pas prendre en charge les mises aux normes des équipements sportifs dictées par des impératifs purement commerciaux ou exigées dans des délais déraisonnables. Elle souligne les progrès permis par le décret 2006-217 du 22 février 2006 grâce auquel les fédérations ne peuvent imposer « des règles dictées par des impératifs d'ordre commercial, telles que la définition du nombre de places et des espaces affectés à l'accueil du public ou la détermination de dispositifs et d'installations ayant pour seul objet de permettre la retransmission audiovisuelle des compétitions ». En outre les règles fédérales doivent être « proportionnées aux exigences de l'exercice de l'activité sportive réglementée » et il convient de « prévoir des délais raisonnables pour la mise en conformité des installations existantes, notamment au regard de l'importance des travaux nécessaires ». Pour la Cour, les collectivités peuvent désormais mieux faire prévaloir leurs intérêts face à des exigences excessives des ligues professionnelles.


De multiples dysfonctionnements

La Cour pointe les multiples problèmes soulevés par un soutien direct ou indirect :
- absence de comptabilité analytique permettant de chiffrer l'ensemble du soutien apporté par les collectivités aux clubs ;
- absence de convention d'occupation du domaine public et de paiement d'une redevance pour l'utilisation des équipements sportifs ;
- sous-estimation de la redevance, quand la convention est présente ;
- mise à disposition illégale de l'occupation du domaine public entre l'association support et la société commerciale ;
- absence de consolidation des concours et existence de financements croisés qui rendent difficile la mesure de l'effort financier des collectivités ;
- absence d'évaluation destinée à en mesurer l'utilité et l'efficacité du soutien public en termes de notoriété, de lien social ;
- contournement de la réglementation dans l'attribution des subventions pour missions d'intérêt général et dans l'achat de prestations de services ;
- absence de transparence entre associations supports et sociétés.


À télécharger
Sur www.lettreducadre.fr/comp-redac.html, complément rédactionnel n° 949 : le rapport remis par la Cour des Comptes.

À lire
Sur www.lettreducadre.fr, rubrique « au sommaire du dernier numéro » « Clubs pro : hausse des prix... du but ! », La Lettre du cadre territorial n° 375, 1er mars 2009.

Débat
Pour ou contre la privatisation des stades ?
Pour réagir, rendez-vous sur www.lettreducadre.fr, rubrique « débats »

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Clubs sportifs et collectivités : quelles relations ?
Le 11 mai 2010 à Lyon
contact : Soumiya El Amiri, 04 76 65 99 81, soumiya.el-amiri@territorial.fr