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Relancer le désir... pas la consommation

Article du numéro 392 - 15 décembre 2009

Idées

La crise économique mondiale de 2008 a montré la toxicité du modèle industriel dominant et du consumérisme afférent. Nous avons besoin aujourd'hui d'un nouveau modèle, d'un "nouvel art de vivre". Le manifeste "Pour en finir avec la mécroissance", d'Ars industrialis (association internationale pour une politique industrielle de l'esprit) propose d'en éclairer la voie...

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Bernard Stiegler, philosophe, directeur de l'Institut de recherche et d'innovation du Centre Georges Pompidou, juge caduc le modèle capitaliste du XIXe siècle, basé sur le système production/consommation. Ce modèle, issu du fordisme, suppose la canalisation du désir des consommateurs et le détournement de l'énergie libidinale vers les marchandises. Les industries culturelles, le marketing et la publicité ont donc capté, détourné et finalement épuisé ce désir en standardisant les existences, en sollicitant la pulsion plutôt que le désir, engendrant ainsi un « processus de destruction de l'économie ».


Vers une économie de la contribution...

Stiegler critique le rapport remis en 2007 à Thierry Breton, ancien ministre de l'Économie et des Finances, par Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet. L'économie de l'immatériel : la croissance de demain semble ne mettre en avant que des opportunités ­offertes par les nouveaux réseaux comme « renouveau du marketing » et donc... ­potentiel de consommation. Pour le philosophe, les auteurs ne font que maintenir l'idéologie néolibérale et éludent la transformation sociale profonde en marche, portée par l'apparition d'une nouvelle réticularité (le développement des réseaux) qui, en modifiant les infrastructures (ou outils de production - les millions de serveurs de Google), modifie le modèle industriel.
Stiegler affirme alors que l'enjeu majeur de l'économie politique est bien l'économie ­libidinale : il faut relancer le désir, pas la consommation ! Les technologies de l'esprit (audiovisuel, télécommunications et ­informatique) peuvent permettre cela, à condition de ne pas les laisser entre les mains du capitalisme financiarisé : la ­reconstruction d'une économie industrielle passe donc par le développement d'une ­politique de l'esprit (noopolitique) au service d'une économie de la contribution, une « écologie industrielle de l'esprit et du désir ».


La technique : remède ou poison ?

Dans un deuxième temps, Alain Giffard, spécialiste des technologies de l'écrit, ancien responsable de la Mission interministérielle pour l'internet, illustre, à travers l'exemple de la lecture numérique, l'idée de pharmacologie (pharmakon) chère à Stiegler. Toute technique est à la fois un poison et un remède. La lecture numérique, qui ne permet pas toutes les formes de lecture (dont la lecture approfondie, ou d'étude) est un pharmakon : l'homme doit l'adapter pour en faire un ­remède, notamment dans le contexte des « industries de lecture » - où le lecteur est consommateur - mais aussi des digital natives.


Hardware, software ? Non, dataware !

Dans une dernière partie, Christian Fauré, ingénieur et philosophe, montre à quel point la question de l'infrastructure ne peut être écartée de toute politique industrielle des technologies de l'esprit. Il évoque ainsi les data centers, dispositifs de production industrielle des données numériques composés de millions de serveurs, et base ­industrielle des technologies de l'esprit. Ces industries supposent des investissements lourds, ont un impact sur les politiques énergétiques, sur l'économie mais aussi sur l'environnement.
Fauré souligne par ailleurs que nous sommes dans le règne du dataware : les données, créées ou laissées par les internautes, font l'objet de toutes les attentions mais aussi... de toutes les convoitises !


L'ouvrage

Pour en finir avec la mécroissance,
Bernard Stiegler, Alain Giffard,
Christian Fauré
(Éditions Flammarion)
Le manifeste d'Ars industrialis est disponible en ligne : www.arsindustrialis.org