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Urbaniste ou ingénieur : faut-il choisir ?

Article du numéro 390 - 15 novembre 2009

Concours

Des milliers de signatures pour une pétition, un concours sur titre, une commission d'équivalence qui proteste de sa bonne foi, des élus locaux qui s'en mêlent... Y a-t-il un avenir pour les urbanistes dans la filière technique de la FPT ?

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Avec 3 500 signataires de la lettre ouverte intitulée « N'évinçons pas les urbanistes de nos collectivités territoriales », le Collectif national des jeunes urbanistes, soutenu par plusieurs organisations professionnelles d'urbanistes et de nombreux élus locaux demande la réécriture du décret du 13 février 2007 afin de permettre à nouveau l'accès des diplômés en urbanisme au concours d'ingénieur territorial. Or, c'est moins ce décret inter-fonction publique qui pose problème que l'application à la lettre du critère scientifique ou technique aux métiers de l'urbanisme.
Pour le CNJU, 1 600 diplômés en urbanisme et aménagement du territoire ont reçu avant l'été 2009 un courrier leur indiquant qu'ils n'étaient pas autorisés à passer le concours d'ingénieur territorial, concours sur titre sans épreuves scientifiques ou techniques à proprement parler. Pour le CNFPT qui assure le secrétariat de la commission d'équivalence de diplômes, 780 dossiers de diplômés en urbanisme ont été refusés depuis 2007 (sur 1 300 dossiers refusés toutes spécialités confondues). En 2008, pour ce même concours toutes spécialités confondues, il y a eu 50 % de décisions favorables et 28 % en 2009 (jusque fin août). « 2008 a été une année de transition, la commission a traité peu de dossiers car beaucoup de diplômés d'urbanisme ont été acceptés de droit par les organisateurs de concours sans saisine de la commission » explique Agnès Lucas-Reiner, représentant le CNFPT à la commission d'équivalence.


Qu'a changé le décret du 13 février 2007 ?

Le décret du 13 février 20071 a harmonisé les modalités d'équivalence de diplômes et de reconnaissance de l'expérience professionnelle de tous les concours de la fonction publique. Le concours d'ingénieur est un concours pour lequel une commission d'équivalence est créée (arrêté du 19 juin 2007). Le décret a aussi modifié les méthodes de travail des commissions. « Les commissions de recevabilité étudiaient seulement les intitulés des titres et diplômes, explique Agnès Lucas-Reiner, maintenant nous comparons les connaissances, compétences et aptitudes attestées par le titre de formation en tenant compte des matières suivies pendant le cycle de formation. Nous regardons aussi les compétences acquises au cours de l'expérience lorsqu'elles peuvent compenser les différences entre les matières suivies et les matières requises, ce que ne faisaient pas les commissions de recevabilité ».
Le critère « scientifique ou technique » exigé pour passer le concours d'ingénieur a été introduit en 2002 dans le décret du 8 août 19902, institutant une liste de diplômes d'urbanisme autorisés à passer le concours. « La spécialité Urbanisme au concours d'attaché a été créé en 2005, rappelle Agnès Lucas-Reiner, pour offrir une nouvelle porte d'entrée aux profils moins techniques. À partir de 2010, le concours d'attaché sera davantage composé d'épreuves professionnelles que de connaissances ».


Qu'est-ce qu'une formation scientifique ou technique ?

La commission dit travailler avec un faisceau d'indices de référentiels des diplômes permettant l'accès de droit (ingénieur, architecte et géomètre expert). Pour Agnès Lucas-Reiner, « la synthèse de ces référentiels donne le sens de ce qu'il faut entendre par formation scientifique ou technique (connaissances en physique, chimie, structure des matériaux, éléments de construction, topométrie générale...)3. Si le conseil d'État considérait que nous faisions fausse route, nous serions amenés à réviser notre application du critère scientifique ou technique ».
Une dizaine de contentieux ont été portés devant le Conseil d'État. Ils ont pour l'instant donné raison à la commission. C'est l'application de ce critère qui fait débat, « le c½ur du métier n'est pas d'être un scientifique mais de manier des outils techniques, clame Baptiste Danel, délégué du CNJU, la ville a besoin de transversalité ». Pas d'accord, répond François Delion, membre du Conseil d'État et président de la commission : « en l'état actuel des textes organisant la FPT, si l'on autorise tous les diplômés en urbanisme à passer ce concours, on déstabilise la filière technique. Changer les textes n'est pas impossible, mais il faut rebâtir un ensemble cohérent et en mesurer toutes les conséquences : comment les collectivités attireront les ingénieurs dont elles ont besoin ? Et quelles missions techniques pourront être confiées aux collectivités ? ».


Comment fonctionne la commission ?

Des experts (notamment des urbanistes territoriaux) pré-instruisent les dossiers et donnent leur avis à la commission4 qui statue. D'après François Delion, « les avis ont pu diverger entre les experts et la commission à sa mise en place, mais au bout d'un an demi de fonctionnement, les positions sont très majoritairement les mêmes ». Cet avis n'est pas partagé par Jacques Grangé, vice-président de l'association Urbanistes des Territoires pour qui « le fonctionnement ne semble pas conforme à l'esprit du décret du 13 février 2007 ». À la demande d'UT, la commission s'est engagée à réaliser d'ici début 2010 une évaluation de son mode de fonctionnement et de son impact.


Quelles conséquences sur les carrières ?

Si les grilles indiciaires sont très proches, le régime indemnitaire des ingénieurs reste plus avantageux que celui des attachés. Les possibilités d'évolution vers les grades A + sont également plus nombreuses. Côté métiers, les nombreux soutiens d'élus à la lettre ouverte montrent une question plus complexe. Jacques Pélissard, président de l'AMF, affirme ainsi que « la mission [des urbanistes] au sein des collectivités relève bien d'une activité de nature technique et non pas administrative ».


Et demain ?

Bernard Lensel, président d'UT et expert auprès de la commission « craint un éclatement statutaire des trois domaines de l'urbanisme : le stratégique, l'opérationnel, et la gestion » et prône une « hausse du niveau technique des formations en urbanisme et une meilleure formation en sciences sociales des ingénieurs ». Peu croient vraiment à la re-création d'une filière urbanistes, supprimée en 1990. L'établissement d'une liste de diplômes autorisés à passer le concours n'est pas souhaitée par la commission : « elle empêcherait d'accepter des candidats qui ont des profils intéressants notamment du fait de leur expérience professionnelle » estime Agnès Lucas-Reiner. Créer une épreuve préalable au concours (possibilité prévue par le décret de 2007) pour juger des connaissances techniques des candidats ou élaborer un référentiel de compétences techniques indispensables à l'exercice de l'urbanisme dans les services techniques des collectivités sont des voies qui nécessiteraient une évolution du cadre juridique actuel.


À télécharger
Sur www.lettreducadre.fr/comp-redac.html, complément rédactionnel n° 943 :
1. Décret du 13 février 2007 (équivalences de diplôme dans la fonction publique).
2. Décret du 8 août 1990 (ingénieurs territoriaux).
3. Exemples de matières recherchées par la commission d'équivalence dans la formation et les expériences des candidats.
4. Arrêté du 19 juin 2007 (composition de la commission).
Texte de la lettre ouverte du CNJU : www.acces-urbanistes-fpt.fr