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La confiance au c½ur de la relance

Article du numéro 375 - 01 mars 2009

Repères

Les raisons en sont diverses, mais le constat est là : c'est parce que la confiance est absente du milieu du travail que la France risque le plus dans la crise. D'où l'urgence de rétablir cette confiance avant tout.

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Hervé Sérieyx - hserieyx@libertysurf.fr  L'actuelle crise financière et économique montre à l'évidence que, dans une activité mondiale dorénavant globalisée, c'est l'absence de confiance qui rend à ce point problématique le redémarrage de la machine. C'est dire combien cette confiance, son retour puis sa maintenance vont devenir de plus en plus essentiels pour que nos sociétés puissent envisager de poursuivre leur marche en avant. Il s'agit d'un principe vital : sa restauration est sans doute la première urgence de la planète.


La France en défiance

Deux ouvrages récents, « Le capitalisme d'héritiers (la crise française du travail) » et « La ­société de défiance (comment le modèle social français s'autodétruit) » (1) soulignent combien cette crise de confiance et les coûts induits qu'elle fait payer à la société sont bien plus considérables en France que dans les autres pays occidentaux : la conjoncture actuelle accroît cette crise de confiance, mais chez nous, elle est structurelle ; les événements économiques d'aujourd'hui ne font que l'aggraver.


Ces livres montrent combien se creuse, chez nous, l'incroyable méfiance réciproque entre dirigeants et dirigés dans le monde du travail et, en général, de chaque citoyen vis-à-vis des autres, des pouvoirs publics et du marché. Parmi les vingt et une principales puissances développées, la WVS(2) classe la France à l'avant-dernier rang pour « la satisfaction du salarié dans son travail », juste avant la Grèce, et au dernier rang pour « la liberté de prendre des décisions dans son travail ».


Pour l'IMD(3), nous arrivons au 57e rang sur 60, bonne dernière des pays riches en ce qui concerne les relations sociales dans l'entreprise. Pour le GCR(4), nous sommes 99e sur 102 (seuls le Venezuela, le Nigeria et Trinidad font pire) pour la qualité des relations entre employés et employeurs.


La faute à l'Étatisme et au capitalisme ?

Les auteurs des deux ouvrages apportent des explications différentes à la remarquable convergence de ce tir groupé. Algan et Cahuc imputent cette lourde et coûteuse méfiance au corporatisme et à l'étatisme qui fondent, culturellement, le modèle ­social français : « L'omniprésence de la réglementation, qui caractérise l'étatisme, engendre l'irresponsabilité par rapport au bien commun. L'attribution des droits sur la base des statuts professionnels alimente les inégalités et la suspicion des catégories entre elles. » Thomas Philippon, lui, met en cause le capitalisme français qui tend à privilégier l'héritage, direct ou sociologique (la reproduction ­sociale par le diplôme et le statut), qui ­limite le brassage entre les groupes, alimente l'ignorance et la méfiance des uns envers les autres, engendre des relations défectueuses entre dirigeants et dirigés où manque de coopération et faiblesse de la délégation produisent des rigidités aux coûts astronomiques. « L'analyse systématique des données disponibles me pousse à conclure, écrit-il, que la mauvaise qualité des relations de travail constitue le frein le plus massif au dynamisme de l'économie française ». Si, dans l'actuelle crise mondiale, la restauration de la confiance est bien au c½ur de la relance, la recréer au sein de nos organisations sera encore plus nécessaire mais aussi plus difficile chez nous tant elle y est culturellement plus absente que dans la plupart des autres pays.

1. Thomas Philippon : Le capitalisme d'héritiers ; La République des idées, Le Seuil 2007. Yann Algan et Pierre Cahuc : La société de défiance, Éditions Rue d'Ulm ; 2008.
2. La World Value Survey (WVS), enquête internationale sur les valeurs et les attitudes des membres de plus de 85 sociétés dans le monde portant sur un large éventail de sujets (politique, économie, religion, rapports hommes/femmes, comportements sexuels...), l'échantillon français comportant 1 615 personnes.
3. L'enquête menée par l'IMD de Lausanne dans 60 pays sur la qualité des relations de travail dans l'entreprise (2004).
4. Le Global Competiveness Report (GCR), enquête menée pour le Forum économique mondial (Davos 2004) dans 100 pays.