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TP : un impôt imbécile... mais encore ?

Article du numéro 375 - 01 mars 2009

Fiscalité

Depuis l'annonce de la suppression de la TP par Nicolas Sarkozy, les élus sont en émoi. À juste titre pensera-t-on, tant les incertitudes planent sur ce qui va remplacer cette ressource essentielle pour les collectivités. Comment remplacer un impôt réputé « imbécile » par un dispositif qui ne le soit pas ?

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Rémi Teillet -Rémi Teillet Conseil, www.remi-teillet-conseil.fr
Après avoir brocardé depuis plus de 35 ans la taxe professionnelle et les effets dévastateurs induits par une fiscalité dont l'assiette pénalise tout à la fois l'emploi et l'investissement, la classe politique est aujourd'hui acculée à devoir inventer un dispositif intelligent et pertinent. La voie qui mène à l'élaboration d'un mécanisme ou d'une fiscalité de substitution ­effi­ciente, dynamique et juste, semble cependant bien étroite, à en juger par le cortège de dangers et de dommages collatéraux dont peuvent être porteurs les projets envisagés.


Le spectre de la dotation de compensation

Bien que la réforme constitutionnelle de 2003 impose à l'État de ne pas substituer une dotation à l'impôt local en vertu de la ­garantie de l'autonomie financière des collectivités territoriales, le risque d'une nouvelle attaque de la gouvernance fiscale ­locale n'est pas écarté. Les dernières réformes de la taxe professionnelle en sont les plus emblématiques illustrations. Il est vrai que la transformation d'une fiscalité directe en ­dotations de compensation à de quoi ­effrayer les ­acteurs publics locaux qui ont largement fait les frais, par le passé, de ­réformes successives aux compensations précaires. Inquiétudes justifiées par la compensation statique d'une fiscalité dynamique qui se verrait alors ­indexée sur la seule inflation quand la taxe professionnelle enregistre une croissance et un rendement bien supérieur. Inquiétudes justifiées encore par l'importance croissante de l'État dans les ressources des budgets locaux et particulièrement des budgets intercommunaux au détriment d'un levier actionnable par les élus en charge des politiques publiques locales. Inquiétudes justifiées enfin, lorsque l'on cristallise définitivement une fiscalité jugée inéquitable et que l'on pérennise au sein d'une dotation, les injustices fiscales et financières des territoires.


Le risque d'une fiscalité en dehors de la sphère économique locale

Les acteurs publics locaux peuvent nourrir également de grandes inquiétudes quant à l'émergence d'une nouvelle fiscalité dont l'assiette pourrait être extérieure au monde de l'entreprise. La connexion du développement économique et du territoire constituant une alchimie fragile entre attractivité, bassins d'emplois et financement des infrastructures et équipements publics propices à son développement. L'entreprise est ­aujourd'hui un contributeur essentiel de l'action publique locale quand la taxe professionnelle représente près de la moitié des ressources fiscales des collectivités territoriales et plus de 80 % des ressources totales des groupements. Financement qui permet en contrepartie à l'échelon local de conduire, aménager et ­doter le bassin d'emploi des équipements et services attendus par l'usager-salarié. Rompre ce lien pourrait avoir des conséquences dévastatrices en matière d'aménagement et de ­vitalité des territoires.


À qui la faute ?

À qui la faute ? Au président, qui a lancé sans prévenir cette annonce ? Ou aux élus, qui n'ont pas su se mettre d'accord pour proposer une réforme de la fiscalité locale quand il était encore temps ? Nos gouvernements successifs affichent une constante. Ils font peu de cas des associations d'élus quand ils annoncent des réformes des finances locales. Au-delà de la révélation « en direct » de Nicolas Sarkozy, j'ai souvenir de l'annonce par Lionel Jospin de la suppression de la vignette automobile. L'ADF n'avait jamais été informée de cette décision impactant directement et exclusivement les conseils généraux.


Le consensus avant tout


Pourquoi une telle « négligence » de la part de nos gouvernants ? Il s'agit certes d'un choix tactique afin d'éviter une levée de boucliers des associations d'élus cherchant bien souvent le statu quo et le gel des situations acquises. Mais pas seulement... La recherche systématique du consensus au sein des associations d'élus les a conduits à prendre des positions souvent mièvres permettant de préserver leurs équilibres politiques internes. Difficile de peser dans une négociation, ou tout simplement dans une concertation, quand vous êtes engoncés dans vos propres contraintes. De plus, notre mille-feuille institutionnel a généré un morcellement de la représentation des élus locaux. Ces associations ne sont-elles pas finalement trop nombreuses ? Pour mémoire, on n'en compte pas moins de huit (AMF, ADF, ARF, AMGVF, FMVM, APVF, ACUF, ADCF) pour ne citer que les plus connues. À défendre des intérêts contradictoires, voire des intérêts très particuliers, ces associations se retrouvent divisées à l'heure des arbitrages structurels. Chacune défendra son périmètre d'action et de compétences... en oubliant peut-être de se concentrer sur l'essentiel.


Depuis 1975...


Prenons l'exemple de la TP. Elle donne lieu à des critiques depuis... sa création, en 1975. Toutes les associations d'élus se sont penchées sur la question. Chacune y est allée de ses rapports et prises de position. Le constat était partagé sur le fonds. Mais elles n'ont jamais réussi à peser réellement dans ce débat. Il a fallu attendre l'annonce de la suppression de la TP pour que les huit principales associations signent un communiqué commun. Il est clair qu'une proposition fouillée, consensuelle et opérationnelle, provenant de l'ensemble d'entre elles n'aurait pas laissé indifférent les gouvernements. Face à un sujet aussi sensible, la rédaction d'un texte quasi abouti et très approfondi, qui serait allé plus loin que les seuls diagnostics, préalables et pistes de réforme, aurait pu trouver un écho favorable quand on sait par ailleurs que les présidents de ces associations sont presque tous parlementaires. À l'heure où on inscrit l'autonomie des finances locales dans la Constitution, c'est vraiment dommage... Il reste à espérer que cet échec servira de leçons et que les élus ne se laisseront pas surprendre quand viendra la difficile mais inévitable refonte de la fiscalité locale.

Olivier Grégoire, directeur général du groupe Territorial,
olivier.gregoire@territorial.fr


Le piège du transfert d'une fiscalité non maîtrisée par l'échelon local

Les autres pistes explorées consistant à transférer tout ou partie d'une fiscalité ­nationale (impôt sur les sociétés, TVA, TIPP, CSG) peuvent, pour leur part, s'avérer ­pénalisante si ces dernières ne s'accompagnent pas du transfert à la collectivité territoriale du levier correspondant (taux ou ­variable d'ajustement), garantissant autonomie financière et préservation d'une gouvernance réellement locale. Comment ne pas évoquer les risques inhérents à une baisse de la consommation ou du pouvoir d'achat des ménages en période de récession économique lorsque l'on envisage encore un possible élargissement de la CSG ou un transfert de la TVA. Si l'abandon de la taxe professionnelle, frein avéré à l'investissement et à l'emploi, devait se traduire par l'accroissement du poids du contribuable national dans les budgets ­locaux, par la fin de la politique de développement économique des territoires, la ­réduction du levier d'action local ou la mise en œuvre d'une imposition grevant la consommation, il n'est pas certain que les ­remèdes ne comportent pas d'effets plus nocifs encore que les maux qu'ils sont censés guérir. La mobilisation « tardive » mais unanime des associations d'élus locaux leur permettra peut-être d'éviter ces pièges, de peser sur les décisions les concernant directement et, qui sait, de se voir enfin invités à la table des négociations fiscales ?


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Contact : Soumiya El Amiri - 04 76 65 99 81 - soumiya.el-amiri@territorial.fr