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Valmeinier : un parking maudit

Article du numéro 374 - 15 février 2009

Aménagement

Un parking de près de 500 places construit sur la commune de Valmeinier risque d'être démoli au motif qu'il n'était pas inclus dans le plan d'aménagement d'origine. Une décision qui incombe désormais au Conseil d'Etat, saisi après que la démolition a été prononcée par deux fois. Plus de huit millions risqueraient ainsi d'être dilapidés.

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Station de Savoie, Valmeinier risque de devoir démolir son parking aérien de 499 places. Si tel est le cas, ce seront ainsi près de 8,4 millions d'euros (6 millions pour la construction qui n'est pas encore terminée et 1,7 million HT pour la démolition) qui partiront en gravats ! À l'origine de cette affaire, un particulier qui a déposé un recours contre le permis de construire du parking, au motif que ce dernier ne figurait pas dans le plan d'aménagement d'origine de la ZAC des Islettes, son lieu d'implantation. En 2007, le tribunal ­administratif de Grenoble a donc donné raison à ce propriétaire. La décision a été confirmée à l'automne 2008 par la cour ­administrative d'appel de Lyon. L'affaire est désormais dans les mains du Conseil d'État, qui a été saisi en cassation par le syndicat mixte de la ZAC des Islettes. « Le Conseil d'État ne rejuge pas sur le fond mais il jugera s'il y a eu des erreurs ou non de droit », commente Martine Noraz, fraîchement élue à la tête du conseil municipal.


Démolir ou attendre 2011

Prévue en octobre dernier, la démolition a été retardée après le pourvoi en cassation. « Il n'y a que deux solutions. Soit la requête est recevable et le parking reste debout mais sans possibilité de l'utiliser jusqu'en 2011. Soit la requête n'est pas recevable, et là, il faut ­détruire », poursuit le premier magistrat, qui précise en outre qu'à ce jour « le parking existe bel et bien, mais il n'est pas terminé. Il est donc inutilisable ». Le conseil municipal serait « plutôt favorable » à la démolition du parking. Mais cette décisions oppose farouchement la nouvelle municipalité et le syndicat mixte de la ZAC des Islettes, créé pour la gestion de la station de ski, et dont le président, le député et conseiller général Michel Bouvard, refuse toute démolition du parking. Pourtant, le premier magistrat qui souhaitait qu'un compromis soit trouvé assure qu'« un accord avait été trouvé avec le syndicat mixte pour la démolition du parking. Mais cet accord a été remis en cause sans que l'on sache pourquoi après la réunion ».


Une station victime des coups durs

Créée dans les années quatre-vingt, la station Valmeinier a connu bien des déboires. Elle a, entre autres, été victime d'une crise de l'immobilier dans les années quatre-vingt-dix et d'un problème d'enneigement. En 1997, le syndicat mixte des Islettes (25 % commune, 75 % département) était créé afin que le conseil général de Savoie accompagne la commune dans trois grands équipements : la Maison de Valmeinier, l'espace culturel et le parking couvert. Cette création et les financements qui l'ont accompagnée ont apporté un nouveau souffle financier à la commune qui a fini par ­rééquilibrer ses comptes. Mais il y a deux ans, la station connaissait un nouveau coup dur. Elle s'est en effet retrouvée parmi les sites touchés par le béton pourri : en 2004, des fabricants locaux avaient produit du ­béton défectueux qui prenait l'eau. Conséquences : de nombreux ouvrages de Savoie ont été déclarés bons pour la démolition. À Valmeinier, l'équivalent de 800 lits, soit 9 % du parc immobilier étaient concernés. Un coup dur qui a terni l'image de la station malgré la reconstruction et la multiplication des actions de promotion pour conquérir de nouvelles clientèles. Avec ce parking, dont le projet a été décidé et réalisé sous l'ancienne municipalité, c'est à une nouvelle crise que sont confrontées la commune et sa station.


Au c½ur des querelles

Finalement, pour des raisons tant esthétiques que pratiques, la municipalité se ­satisferait de sa destruction : « ce parking est très mal intégré à l'environnement. C'est un bunker qui déprécie le site. De plus, il a été conçu à 1 800 alors que la majorité des habitations sont à 1 850 », poursuit Martine Noraz. Financé à 75 % par le département et 25 % par la mairie par emprunts bancaires, le parking est ainsi au c½ur des débats entre les deux entités. Les relations entre la nouvelle municipalité et le syndicat mixte se sont dégradées quant au devenir de la station. « Si la municipalité veut la démolition du parking avant la décision finale, elle devra en supporter les conséquences financières », précisait Michel Bouvard dans un reportage diffusé sur France 3 Alpes, le 9 décembre 2008 (il n'a pas souhaité ­répondre à nos questions, NDLR). Consciente qu'il y a un véritable problème de stationnement sur sa commune, Martine Noraz sait aussi que le parking bloque les projets communaux à venir. « Nous réfléchissons à un nouveau projet de parking mais le problème actuel ne nous permet pas d'avancer. Si la démolition est décidée, elle sera d'un coût de 1,7 million d'euros hors taxe. » En attendant, la municipalité devrait prendre contact avec des entreprises spécialisées dans les structures métalliques afin qu'un parking provisoire soit installé.


Annulation ne veut pas dire démolition

Éric Landot
Landot & associés - Avocats au Barreau de Paris
Contact : eric.landot@landot-avocats.net

« Ouvrage public mal planté ne se détruit point » : des générations de juristes ont appris cet adage selon lequel un ouvrage public, même construit illégalement, restait en l'état. Ce principe n'est plus aussi intégral qu'il le fut. Mais n'empêche : le juge ne pourra ordonner la démolition de l'ouvrage public que si plusieurs conditions se trouvent réunies :


- impossibilité de régulariser (par un permis de régularisation par exemple) ;


- bilan coût/avantage en faveur de la démolition (à apprécier par le juge au cas par cas) ;


- démolition qui n'est pas de nature à « entraîner une atteinte excessive à l'intérêt général ».
Il ne faut donc pas se ruer sur son « marteau-piqueur » à la moindre annulation de permis de construire... sauf si, en plus, la chose est moche, malcommode et conspuée, ce qui semble être le cas à Valmeinier.


Sources : CE, 29 janvier 2003, synd. dép. élect. et gaz des Alpes-Maritimes., rec. p. 21, CE, 9 juin 2004, Cne de Peillle, rec. p. 244. Reste à savoir comment, en amont, éviter le problème. Construire en conformité avec les documents d'urbanisme ? Oui. Bien sûr. Mais que faire quand ces documents ne répondent plus aux besoins locaux sans qu'on puisse attendre que la commune les mette en conformité ? La solution consiste alors à utiliser, soit un projet d'intérêt général (PIG), soit une déclaration de projet (DP)... afin d'entraîner, schématiquement, une mise en compatibilité avec ces documents d'urbanisme (et de permettre de sauver le projet si le document d'urbanisme donne lieu lui-même à annulation). Sources : art. R.126-1 et s. du Code de l'environnement ; art. R. 121-3 et s. du Code de l'urbanisme.