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Globalisation : nous n'avons pas touché le fond

Article du numéro 366 - 01 octobre 2008

Leader

Patrick Artus est chef économiste chez Natixis. Il vient de publier
"Globalisation, le pire est venir", avec Marie-Paule Virard, aux éditions La Découverte.

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Patrick Artus est chef économiste chez Natixis. Il vient de publier Globalisation, le pire est à venir, avec Marie-Paule Virard, aux éditions La Découverte.


Votre bilan de la globalisation est sans concession. Comment se caractérise la période actuelle ?

Depuis les années quatre-vingt-dix jusqu'en 2006, la globalisation a été extrêmement favorable aux pays européens. Certes, il y a eu des délocalisations vers les pays émergents, mais la perte de croissance qui en a découlé a été largement compensée : les gains de pouvoir d'achat qu'ont permis l'importation de biens à faible prix depuis ces pays et le faible coût du crédit ont stimulé la demande. Les prix des matières premières ne connaissant pas de hausse trop brutale, le bilan de cette « première période de mondialisation » reste donc très positif. Début 2007, les choses changent brutalement, du fait de l'accélération de la hausse des prix des matières premières et de la saturation de la capacité d'endettement des ménages. Perte de revenu et d'emploi, délocalisations : nous sommes entrés dans une phase de globalisation extrêmement défavorable.


Que doit-on craindre à l'avenir ?

Nous n'avons pas encore touché le fond. Pour que le travail redevienne rare et que cette rareté ait un effet sur les salaires, il faudrait arriver à un plein-emploi planétaire dont nous sommes très loin, vu les centaines de millions de ruraux des pays émergents qui vont accéder au marché du travail. La rareté des matières premières va également amplifier la surenchère sur leur prix. Nous ne sommes donc pas à la fin de la perte de pouvoir d'achat. Deuxième facteur inquiétant : l'organisation monétaire du monde, qui fabrique un excès de liquidités. Les pays industrialisés accumulent les déficits extérieurs, tandis que les pays émergents amassent d'énormes excédents commerciaux et créent de gigantesques réserves de change. Tant que cette situation durera, le monde fabriquera des crises financières à répétition, par la spéculation que cela ­entraîne. Tout est donc en place pour que la situation continue à empirer.


Peut-il encore y avoir une réponse ?

Certaines réponses ne peuvent pas être traitées localement, même au niveau européen. La Banque centrale européenne ne peut rien contre la consommation mondiale des ­matières premières ou l'accumulation des réserves de change par la Russie ou les pays du Golfe. Mais l'Europe et la France peuvent agir : le moteur de croissance qu'est la consommation des ménages disparaissant, il ne reste que celui de l'augmentation des exportations vers les pays émergents. Notre capacité à vendre des produits aux pays à croissance rapide devient donc cruciale. Or, elle peut être favorisée par des politiques ­européennes, comme cela a été le cas avec Airbus, mais aussi par des politiques nationales. Les politiques d'aide à l'exportation, d'aide au développement de nouveaux produits et à l'innovation nous permettraient d'augmenter nos parts de marché dans les pays émergents, où la France souffre ­aujourd'hui d'un vrai handicap. Dans ce ­domaine, nous sommes actuellement dans le clan des mauvais.

La cause n'est pas perdue, si nous arrivons par exemple à ­retourner la situation du très faible nombre de nos PME exportatrices. Or cela peut être traité au niveau français en améliorant les ­financements, les liens avec la recherche ­publique, l'aide à l'exportation, le personnel qualifié, les incitations fiscales... Les exemples étrangers montent que les collectivités locales, notamment les ­régions, ont un rôle majeur à jouer. L'aide publique aux entreprises innovantes est plus efficace quand elle est faite au niveau ­régional, comme le prouvent les exemples de la Bavière, la ­Catalogne ou la Plaine du Po. Je ne tombe pas dans un pessimisme noir, car d'autres pays ont réussi dans cette voie. Le Japon a ainsi redressé la barre, avec notamment des universités qui sont passées, en dix ans, parmi les meilleures du monde.