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Directeur de police municipale : catégorie C et contractuel !

Article du numéro 366 - 01 octobre 2008

Contentieux

La guerre est ouverte entre la ville de Meaux et un syndicat de policiers municipaux. En cause ? L'embauche d'un fonctionnaire de catégorie C comme contractuel et directeur de la police municipale. Toutes les facettes du dossier deviennent des sujets de contentieux.

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La guerre est ouverte entre la ville de Meaux et un syndicat de policiers municipaux. En cause ? L'embauche d'un fonctionnaire de catégorie C comme contractuel et directeur de la police municipale. Toutes les facettes du dossier deviennent des sujets de contentieux.


Être fonctionnaire de catégorie C et percevoir un salaire net de 3 400 euros, bien des territoriaux en rêvent. À la ville de Meaux, c'est ce que percevait le ­directeur de la police municipale, alors fonctionnaire de catégorie C mais recruté par voie contractuelle en 2002. Au printemps dernier, ce contrat a été jugé illégal et annulé par le tribunal administratif de Melun, à la suite d'un recours déposé par l'Union syndicale professionnelle des policiers municipaux (USPPM). Même si l'action du syndicat est controversée en raison de la dureté de ses pratiques et du côté systématique des ­recours qu'il entame contre les collectivités, le problème posé ici est réel.

« Nous avons déposé ce recours car le directeur de la police municipale bénéficiait d'un contrat de contractuel tout en étant fonctionnaire, ­explique Bernard Vellutini, président de l'USPPM. Il ­bénéficiait donc à la fois des avantages d'un contractuel et d'un fonctionnaire, ce qui est ­purement illégal. Il a profité d'un salaire de ­catégorie A avec un statut de brigadier-chef de ­policier municipal. » Lancée en 2002, la procédure aura mis six ans pour aboutir. Entre-temps, le contrat du directeur de la PM aura été reconduit pour trois ans en 2005. Ce sont ces deux contrats que le TA a annulés.

Mais l'affaire ne s'arrête pas là. Hormis « l'illégalité » de ce contrat, l'USPPM ­dénonce le moyen de recrutement, considérant que, non seulement Meaux avait établi un contrat de contractuel à un fonctionnaire de catégorie C, mais qu'en plus les dispositifs de recrutement n'avaient pas été ­respec­tés.


Nouveau contrat établi

Pour expliquer ses choix statutaires originaux, la ville de Meaux précise dans un communiqué que « l'agent concerné a été recruté en qualité de policier titulaire en 1995. [...] En 2002, il a été recruté par la ville, par voie contractuelle, sur le poste de directeur territorial chargé de la prévention et de la tranquillité ­publique ». Et de mettre tout cela sur le compte de l'erreur de procédure, en estimant au sujet du ­jugement du tribunal que « le moyen d'annulation [du contrat] ne tient pas à la prétendue ­illégalité de la qualité de directeur territorial chargé de la prévention et de la tranquillité ­publique exercée, mais au fait qu'il avait été ­recruté en tant que contractuel, alors qu'il était resté agent titulaire de la ville de Meaux, ayant omis de démissionner de la fonction ­publique ».

À l'annonce du jugement du TA, la ville de Meaux « a immédiatement mis la situation personnelle de cet agent en conformité avec les règles juridiques ­actuelles, puisqu'à ce jour, cette personne a ­démissionné de la fonction publique territoriale et est recrutée en qualité d'agent contractuel ». Une décision qui ne suffit pas à calmer le syndicat : l'USPPM a enclenché fin août une nouvelle procédure au TA afin de dénoncer ce troisième contrat. Pour l'USPPM, ce contrat est à nouveau illégal car la commune ­recrute en tant que contractuel son ­ancien directeur de la police municipale qui occupait déjà ce poste. L'USPPM a même déposé fin août un recours de plein contentieux ­auprès du tribunal, avec ­réclamation d'un dédommagement de 50 000 euros.


Reste la question du traitement, car le ­directeur de police municipale touchait un salaire qui correspondait bien à son emploi et pas à son grade. Or, si le tribunal a jugé les contrats illégaux et les a ­annulés, il n'a condamné ni la mairie ni le salarié à rembourser le trop-perçu de 100 000 euros. L'USPPM ne s'en contente pas, puis­qu'elle a saisi la Cour des comptes qui devra ­juger. Le syndicat a également saisi la Sécurité sociale. « Nous considérons que le directeur de la PM a été rattaché à tort à la Sécurité ­sociale et à l'IRCANTEC, estime l'USPPM. La situation doit aussi être ici régularisée. »

La ville de Meaux se défend en précisant que « le jugement ne s'est prononcé que sur la question du statut, et n'a porté aucune ­appréciation sur son salaire, qui correspondait aux missions qu'il exerçait en sa qualité de directeur territorial contractuel, et était d'ailleurs largement justifié par son expérience professionnelle unique ».


Défendre les fonctionnaires territoriaux

Pourquoi cette guerre ouverte entre un syndicat et une commune ? L'USPPM affirme veiller à ce que des contractuels ne prennent pas la place de titulaires de concours. Pour sa part, la ville de Meaux dénonce « les revendications corporatistes de l'USPPM » qui a fait « de la protection du cadre d'emplois de directeur de la police municipale son cheval de bataille. Le syndicat affiche sa volonté d'attaquer toute nomination d'un agent chapeautant les services de police municipale en France ».

Le bras de fer entre l'USPPM et Meaux n'est donc pas encore terminé. La ville minimise la victoire de l'USPPM en précisant que le syndicat « a obtenu l'annulation de la nomination d'un agent chapeautant le service de police municipale, mais sur la base d'un vice de légalité externe et ­absolument pas sur le fondement des principes que l'USPPM voudrait voir exister et qui conduiraient à ce que les services de la ­police municipale soient indépendants des services de la direction municipale ayant à gérer, au-delà de la PM, les enjeux de sécurité, tranquillité et salubrité publiques ».

En tout état de cause, le syndicat ne souhaite pas en rester là. Si le tribunal lui donne une nouvelle fois raison, il compte attaquer l'État en responsabilité. Affaire à suivre...


Avis d'expert

Policier municipal contractuel :


légal mais encadré le recrutement d'agents contractuels en qualité de responsable administratif de la police municipale (catégorie A) ne déroge pas à la règle de droit commun qui prévoit que, par dérogation, des emplois permanents peuvent être occupés par des contractuels, soit lorsqu'il n'existe pas de ­cadres d'emplois susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes, soit pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient.


L'emploi d'un policier municipal contractuel tant que le décret n° 2006-1392 du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des directeurs de police municipale n'était pas paru, il était assez aisé pour les communes de justifier le recours à un agent contractuel, ­notamment au motif de l'absence de cadre d'emplois pour assurer la fonction de responsable administratif de la police municipale, ou de responsable de la sécurité. En 2005, la Cour (1) jugeait ainsi légale le recours à un agent contractuel pour assurer les fonctions de coordonnateur sécurité de la commune de Colmar.


On pourra également justifier le recours à un agent contractuel si aucun agent titulaire correspondant au profil de l'emploi n'a présenté sa candidature. A ainsi été jugé légal le recours à un contractuel de ­catégorie A pour pourvoir l'emploi de directeur de la prévention et de la sécurité chargé de la mise en œuvre d'actions de prévention en partenariat avec l'État et les services de la commune, et notamment la police municipale, dans la mesure où il est jugé que ces missions ne relèvent pas de celles de la ­police municipale et n'impliquent pas l'exercice de pouvoirs de police (2).

Cette précision à son importance, au vu de l'argument récurrent sur la nature des missions de police qui ne peuvent être assurées que par des agents ayant le statut de policier municipal, qui font l'objet d'un agrément du Procureur de la ­République.


Diriger l'action des services de police n'implique toutefois pas nécessairement l'exercice de pouvoirs de police. Aller au bout de cette logique ­reviendrait à dénier au directeur général des services son autorité sur les services de police ­municipale. On attend avec impatience que le Conseil d'État tranche.
Le cumul de statuts:
Quant au conflit opposant Meaux à l'USPPM, seule semble avoir été tranchée la question de la qualité cumulée d'agent titulaire de catégorie C et d'agent contractuel de catégorie A (et non celle de fond du recours à un contractuel). Si ce cumul de statut au sein de la même collectivité semble ­effectivement irrégulier, on rappellera qu'un agent titulaire peut être en disponibilité d'une collectivité et être recruté par une autre comme contractuel.


Quant à la rémunération, son montant n'est pas choquant pour un agent de catégorie A (directeur territorial contractuel). Par ailleurs, la question du remboursement de la rémunération allouée à un agent contractuel dont le contrat est annulé fait l'objet d'une jurisprudence constante qui infirme clairement l'analyse de l'USPPM. Sur la base du principe du service fait, la rémunération reste acquise à l'agent contractuel : voir en ce sens l'arrêt de la CAA de Lyon du 19 décembre 2006 (3).

1. CAA Nancy du 3 mars 2005, n° 01NC00859.
2. CAA de Versailles, 24 mai 2007, req n° 05VE00810.
3. USPPM c/Saint Fons, req. n° 02LY01463.


Michaël Verne, Avocat
m.verne@itineraires-avocats.com