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Article du numéro 365 - 15 septembre 2008
La « transversalité » est devenue aujourd'hui un véritable leitmotiv dans les collectivités territoriales. Pour autant, sa mise en œuvre ne s'avère pas aisée.Sans doute a-t-on trop souvent sous-estimé la profondeur culturelle d'un tel changement des pratiques. Tous les articles du numéro 365 |
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Bernard Lorreyte
Directeur de Bernard Lorreyte Conseil
bernardlorreyte@wanadoo.fr
L'exigence de transversalité trouve d'abord sa source dans la complexité des problèmes à résoudre ou des besoins à satisfaire par les politiques publiques locales, problèmes ou besoins qui ne peuvent plus être appréhendés de manière pertinente par des approches parcellisées, fragmentées, analytiques. La formulation des finalités et des objectifs des politiques publiques locales (« développement urbain », « développement durable », « développement économique local », « lutte contre l'exclusion », « cohésion sociale »...) induit cette prise en compte des réalités locales dans toute leur complexité, c'est-à-dire dans la pluralité et l'interdépendance (ou l'interaction) de leurs dimensions sociales, économiques, environnementales, culturelles... Ces objectifs, qui s'intègrent fondamentalement dans le projet de développement d'un territoire (projet complexe par excellence), sollicitent des approches plus globales, plus systémiques, plus transversales. Et le fait que les politiques publiques locales soient de plus en plus souvent confrontées aux réalités urbaines renforce cette complexité. En effet, le fait urbain est par excellence une réalité multidimensionnelle qui requiert une approche pluridisciplinaire (urbanistique, sociologique, économique, culturelle, etc.).
Avant de pouvoir se traduire dans les pratiques, la transversalité doit d'abord exister dans les modes de perception et de conceptualisation de la complexité, ce qui oblige à développer les capacités d'analyse et de diagnostic des faits sociaux, à croiser les regards et les expertises dans l'approche des réalités complexes : qualité et partage des diagnostics territoriaux, des analyses stratégiques, des réflexions prospectives, des évaluations des politiques mises en œuvre... Ces moments privilégiés de « réflexion sur le fond » ou sur le « sens de l'action collective », notamment entre élus et agents territoriaux, restent encore trop rares.
Ensuite, la transversalité traduit un changement culturel car elle bouscule les logiques verticales et sectorielles de la culture administrative traditionnelle. En promouvant le management de projet ou par projet, elle heurte la culture du management hiérarchique. Elle induit un changement des organisations (structures transversales, en réseau...), des process (processus transversaux, outils de travail collaboratifs...) et requiert de nouvelles compétences, plus sociales que techniques. Elle perturbe aussi les cultures de métier ou de service qui sont au fondement des identités professionnelles des agents. Le développement de la transversalité suppose une prise de conscience collective des interdépendances entre les interventions des uns et des autres, une capacité à s'extraire des logiques d'appropriation sectorielles (« mon service », « mes agents », « mon métier », « mes objectifs »...), pour s'engager dans des projets partagés, autour d'enjeux et d'objectifs fédérateurs.
Enfin, comme pour tout projet de changement, l'exemple doit venir d'en haut. Pour avoir quelque chance d'exister, la transversalité doit être impulsée, animée et soutenue en permanence par la hiérarchie, la direction générale, les élus. Elle restera difficile à développer au sein des services tant que l'équipe de direction générale aura du mal à la pratiquer en son propre sein ou tant que les élus, jalousement repliés sur leurs délégations, auront tendance à perpétuer un système de fonctionnement en « tuyaux d'orgue »...