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Développement économique : chasse gardée des maires ?

Article du numéro 361 - 15 juin 2008

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Si on s'en tient à la loi, le développement économique devrait être la principale activité des intercommunalités. En réalité, on en est loin. Ce n'est pas un hasard : c'est parce qu'il bouscule les frontières des communes et le pouvoir des maires, que ces derniers rechignent à se défaire de ce qu'ils considèrent comme une chasse gardée. Pourtant, il y a urgence à mettre plus d'intercos dans l'économie.

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Alors qu'il s'agit de la compétence première des intercos, les maires rechignent à transférer tous les pouvoirs aux EPCI en la matière. Ce n'est pas un hasard : il bouscule les frontières des communes et le pouvoir des maires sur des sujets aussi sensibles que la politique foncière et le droit de préemption. Ainsi, au lieu de pouvoir donner la dimension intercommunale nécessaire au développement économique au service du territoire, on bride l'exercice de cette compétence.


Si on s'en tient à la loi, le développement économique devrait être la principale activité des intercommunalités. En réalité, on en est loin. Ce n'est pas un hasard : c'est parce qu'il bouscule les frontières des communes et le pouvoir des maires, que ces derniers rechignent à se défaire de ce qu'ils considèrent comme une chasse gardée. Pourtant, il y a urgence à mettre plus d'intercos dans l'économie.


Francis Aynaud
directeur du développement économique, conseil général de la Drôme
aynaud@tiscali.fr


Les élections municipales sont passées ; les intercommunalités, avec plus de 40 % de nouveaux présidents élus, organisent leurs stratégies territoriales pour la mandature.


L'action économique : une compétence optionnelle ?

En théorie, la loi Chevènement inscrivait le développement économique comme la première compétence obligatoire des EPCI. Jusqu'à présent, force est de constater qu'on est parfois bien loin de la réalité souhaitée par le législateur. Il n'est pas rare de voir les compétences « optionnelles  1 » accaparer l'écrasante majorité des crédits ­votés par des conseillers communautaires enclins à défendre d'abord et avant tout l'intérêt de leurs communes. Beaucoup estiment ainsi que la somme des intérêts communaux définit naturellement l'intérêt communautaire ! Cette vision, souvent inévitable, est propice à pratiquer le « clonage » des actions municipales plutôt que la recherche d'une cohérence communautaire de l'action économique dans un espace infrarégional.

Au terme de huit années d'intercommunalité, la question est légitime : la France a-t-elle vraiment modifié ses champs d'actions anciennement « communaux », hérités parfois du Moyen âge, au profit de nouvelles démarches « intégrées » à l'échelle des communautés de communes et d'agglomération ? L'action (ou l'inaction) de développement économique est sans conteste un révélateur assez efficace de la réalité des territoires. Par principe, elle transgresse les frontières des communes pour s'inscrire dans une approche « de bassin d'emplois » et devrait donc atténuer, voire éliminer, les intérêts partisans.


Le développement économique communautaire bouscule nécessairement les pratiques communales et génère en retour des contra


Le pré carré des zones d'activité

Aussi étonnant que cela puisse ­paraître, nombreuses sont les communes qui ont les plus grandes ­réticences à transférer leurs espa­ces d'activités. Pourtant, quelles justifications sérieuses peut-on ­apporter pour argumenter qu'un espace d'activités est « non communautaire » alors que l'économie est une compétence obligatoire des EPCI ?

L'urbanisme est la compétence la plus « revendiquée » par les communes


Certaines communes ont conservé leurs zones d'activités, parfois pour des raisons simplement ­finan­cières. En effet, avec la rareté du foncier industriel, la valeur ­vénale des terrains a considérablement augmenté au cours des cinq dernières années et, dans ce nouveau contexte, pas question pour beaucoup de maires de partager cette manne « inopinée ». Celle-ci représente parfois des montants significatifs qui auraient pu, dans une ­logique communautaire, financer une politique économique génératrice de nouveaux espaces d'activités et assurer à terme des richesses supplémentaires. Or, la TPU a de facto supprimé la concurrence entre les communes pour augmenter leur assiette de taxe professionnelle. Par principe, quand on est obligé de partager ce qu'on gagne collectivement, les choses ­deviennent beaucoup plus abstrai­tes pour certains élus ­municipaux. Qui souhaiterait privilégier sur son territoire des espaces d'activités au détriment d'espaces d'habitation dans un contexte de régime de TPU, alors que les taxes d'habitations restent spécifiquement affectées aux communes ?

Avec l'explosion du prix des terrains, pas question pour les maires de partager cette manne


Ce système affiche toutes ses contradictions lorsque la commercialisation des espaces non communautaires est néanmoins portée par l'EPCI. On connaît même des exemples d'intercommunalités qui assurent la requalification de zones restées communales.


Un droit de préemption jalousement gardé

La réticence à transférer les zones d'activités tient aussi au fait que la bonne gestion de ces espaces ­nécessite la mise œuvre d'une ­politique foncière de la part des EPCI. Or, le droit de préemption urbain (DPU) reste une compétence jalousement gardée par les communes. Pourtant, personne ne conteste l'absolue nécessité des ­intercommunalités à engager des politiques foncières de long terme, tant pour assurer un développement économique harmonieux que pour répondre aux objectifs de mise en œuvre d'un Plan local d'habitat, autre compétence obligatoire placée parfois au bas de la pile des dossiers prioritaires.

À force de tergiverser sur cette question, les agglomérations sont obligées, pour leurs équipements, de définir dans l'improvisation et à des coûts non maîtrisés des périmètres « d'utilité publique », dont la déclaration d'intérêt appartient en propre aux services de l'État. En tout état de cause, il aurait été naturel que le législateur donne aux intercommunalités les outils réglementaires pour agir sur leurs domaines de compétences obligatoires et il est indiscutable que le DPU est à cet égard un instrument privilégié.


La gestion improvisée de l'urbanisme commercial

L'urbanisme est certainement la compétence la plus « revendiquée » par les communes. C'est dans ce domaine que les maires exercent pleinement leur responsabilité d'élus de proximité. Malheureusement, concernant l'urbanisme commercial, cette sensibilité se confronte à la nature spécifique des projets.

En attendant l'application de la loi de modernisation de l'économie, l'implantation d'une surface commerciale supérieure à 300 mètres carrés reste soumise à agrément de la CDEC. Bien que la notion même de zone de chalandise ­dépasse le cadre communal, beaucoup de maires estiment que la ­décision de réalisation (ou non) d'un équipement commercial ­relève exclusivement de leur compétence ; à ce titre, il arrive souvent que le rôle de l'intercommunalité se limite à enregistrer la ­volonté locale en trouvant l'ar­­­gu­mentaire pour justifier a posteriori le choix retenu. La nouvelle LME risque fort d'aggraver le problème.

À cette problématique spécifique de la gestion urbaine des zones d'activités, s'ajoute à présent la prise en compte du développement durable, qui à défaut d'être une compétence obligatoire va s'imposer aux EPCI.

Bâtir un projet cohérent de développement suppose une vision globale et objective du territoire communautaire
Or, combien d'agglomérations agissent réellement en profondeur dans ce domaine, en dehors d'une communication superficielle ? Cette question mérite d'être posée quand on sait qu'il existe en France moins de cinquante parcs d'activités certifiés ISO 14001 sur 3 500 recensés.


Quelle stratégie territoriale ?

Bâtir un projet cohérent de développement suppose une vision globale et objective du territoire communautaire. Y a t-il encore des déterminismes locaux ? Faut-il partir des filières existantes pour susciter des activités nouvelles ? Comment inscrire son territoire sur des niches émergentes ? Avec quelles politiques de formation ?... Pour fournir des réponses efficaces à ces questions sensibles, les intercommunalités doivent concentrer leurs ressources financières sur des stratégies de développement de long terme qui associent les questions d'habitat (PLH), d'employabilité, de transports, d'appareil de formation. En réalité, l'approbation du SCOT est loin de constituer LA ­garantie que l'EPCI privilégiera, dans son budget, les équipements structurants, au détriment de ceux que l'on peut qualifier « d'accessoires », notamment sportifs et culturels.

Il aurait été opportun qu'à défaut de limiter réglementairement les crédits affectés aux compétences optionnelles, la loi impose des ­péréquations budgétaires entre ce qui relève de l'obligatoire et de l'optionnel. La cagnotte de la DGF destinée à « fluidifier » l'adhésion des communes aux EPCI a produit des effets pervers. De nombreux équipements (médiathèques, gymnases, parkings, stades...) ont été réalisés grâce à cet effet d'aubaine ; aujourd'hui, les charges de fonctionnement générées par ces investissements « optionnels » grèvent irrémédiablement l'action des intercommunalités sur leur champ de compétence obligatoire. Personne n'ose encore évoquer clairement la fin des communes et des maires, mais personne n'ose aussi contredire le fait que l'avenir des territoires passe obligatoirement par l'intercommunalité. Il est possible d'imaginer que l'immobilisme de la situation serait en partie débloqué si le législateur ­acceptait de réfléchir à l'élection au suffrage direct des conseils communautaires.


L'IMPACT DE LA LOI LME

En supprimant l'analyse de l'impact socio-économique de toute nouvelle implantation, il restera de fait aux collectivités locales la simple acceptation (ou le refus) d'un urbanisme « raisonnable » dans un environnement de concurrence exacerbée entre les enseignes. L'expérience de ces quarante dernières années montre qu'un tel système a déjà échoué : aucune entrée de ville n'a été épargnée par la construction anarchique de « boîtes à chaussures » rivalisant de laideur.

Pour inverser cette tendance lourde, les intercommunalités sont à l'évidence l'outil idéal pour engager des programmes ambitieux de requalification des « entrées de ville » : elles sont en mesure d'analyser conjointement la dimension urbanistique et socio-économique de l'implantation d'une grande surface à l'échelle territoriale de leur SCOT. Or, non seulement la LME risque d'engendrer la désertification commerciale des centres-villes, mais aussi porter le coup de grâce aux volontés de préserver l'urbanisme des zones périphériques. Si la LME est votée en l'état, pléthores de hard discounters vont éclore sur nos territoires. Étant donné que la problématique de l'urbanisme reste pilotée prioritairement par des communes souvent peu sensibilisées aux conséquences communautaires de leurs choix locaux, il est à craindre une accélération de la dégradation des entrées de ville.


Sortir de l'ornière financière

Quelles solutions pour sortir les intercommunalités de l'ornière financière dans laquelle beaucoup s'enfoncent progressivement ? Dans un premier temps, il serait souhaitable que les EPCI ne soient plus des structures incompréhensibles pour les citoyens. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer les demandes d'audience auprès d'un président d'agglomération, ridicules comparées à celles d'un maire. En revanche, le monde économique a compris plus rapidement le rôle des intercommunalités du fait des transferts de compétence, mais les choses sont, là encore, loin d'être abouties.


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