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Français, comme vous avez changé !

Article du numéro 360 - 01 juin 2008

Idées

Jean-François Sirinelli situe «Les Vingt Décisives» entre la fin des Trente Glorieuses et le tournant des années Mitterrand. Son ouvrage permet un flash-back opportun, à une époque "d'à quoi bonisme". Quand on ne sait pas trop où l'on va, mieux vaut savoir d'où l'on vient.

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Pour Jean-François Sirinelli, le moment décisif est 1965, « date charnière », bien qu'il ne s'y passe rien de notable, à l'inverse de 1962, année de l'effondrement de l'Empire colonial français et du repli des colons vers l'Hexagone.


La fin des Trente Glorieuses

En 1965, il y a en France un relâchement en même temps qu'un soulagement. « La guerre est finie », le régime est stabilisé, la France se limite désormais à son horizon hexagonal et prend l'habitude d'un chez soi prospère et pacifique. La croissance atteint ainsi durablement des sommets. La France rurale disparaît pour voir s'y substituer un monde ­urbain favorisé dans un premier temps par une progression significative du niveau de vie. Les baby boomers découvrent ainsi le charme et la modernité des équipements ménagers tout droit sortis des progrès technologiques. Avec l'avènement des sixties, triomphe ici comme ailleurs en Europe une nouvelle idéologie matérialiste. La société de consommation associée aux développements des transports et des moyens de communication va transformer la France enracinée dans ses provinces. Cette métamorphose, c'est une nouvelle révolution copernicienne, c'est Spoutnik, McDonald et Mai 1968. Mais tout rentre dans l'ordre après ce soubresaut d'une jeunesse qui découvre son pouvoir sur la société. Les crises des années 1970 vont donner une fin prématurée à cet embourgeoisement étonnant et heureux, né de la croissance et de l'industrialisation.


L'avènement de la culture-monde

La mondialisation des échanges et l'avènement des médias vont amplifier les effets de Mai 68 sur la société. La crise de l'autorité, la permissivité érigée en nouveau dogme, le rejet d'une société trop hiérarchisée bouleverse les valeurs de référence. À mesure que le petit écran grignote le temps des Français, que la liberté de ton règne à la radio, que le cinéma américain envahit les salles et que la presse magnifie les nouvelles manières de penser, la culture devient visuelle avant de s'abîmer bien plus tard dans le virtuel. La télévision va jouer, dans chaque foyer, des effets de miroir sur une société qui se nivelle et s'uniformise. Chaque individu cultive son narcissisme et affiche son droit imprescriptible à la différence, tout en assimilant sans honte les canons de l'impérialisme culturel américain. L'homogénéisation est en marche. Au milieu des années 1980, tout est en place, même si rien n'est en ordre.

Les grandes émotions médiatiques prennent ainsi le relais des idéologies. Le pathos l'emporte en partie sur le logos au prix du règne de l'indignation et de la compassion. Les points de repère du comportement social en sont fortement affectés. Une métamorphose intervenue à peine en vingt années qui furent, selon Jean-François Sirinelli, décisives. Avec le temps et la distance, on assiste ainsi à une crise des régulations traditionnelles et à un changement des sensibilités devant la naissance, la mort, le travail, la sexualité, le mariage. La nostalgie d'une époque où tout était possible gagne petit à ­petit les baby boomers. Une manière de signifier certaines incompréhensions avec la génération internet.


Patrick Thull
patrick.thull@ira-metz.fr


Les Vingt Décisives,
Jean-François Sirinelli, éditions Fayard.
Retrouvez des extraits de cet ouvrage en ligne « complément rédactionnel n° 837.


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